Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome IV 1572-1574
(1837)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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Ga naar margenoot+vous ay envoyé le double de mes lettres du dernier du passéGa naar voetnoot(1), et à icelluy adjousté toutes les occurences de deçà jusques alors, desquelles je vous envoye le duplicata joinctement ceste-cy, si peult estre (que je ne veux toutesfois espérer) mes précédentes eussent eu rencontre en chemyn. Depuis il ne nous est survenu aultre chose qui mérite d'estre escript. Les ennemys se tiennent fort coys, tant à la Haye que és aultres lieux de ce cartier, de sorte que ne pouvons encores comprendre leurs desseings. Et cependant ilz ne délaissent à ruiner et destruire tout le plat-pays, sans toutesfoys qu'ilz ayent par là jusques icy peu altérer les bons courages des villes et habitans d'icelles. Sur ce que par mes précédentes je vous ay escript de la ville de Fernesum en Frize, j'ay esté depuis adverty que c'est le lieu le plus commode et propice à voz desseings qui se pourroit trouver: comme c'est une place ouverte, facilement et sans perte de gens la pourriez occupper, et avec peu de moyens fortifier. Aussi que tout passage y sera couppé à l'ennemy pour ce cartier là, et vous serviroit de tant plus si d'un chemyn vous pouviez emparer du Camdin, où pour le présent il y a plus de deulx mil last de bled venuz d'Embden et aultres lieux, au moyen desquels noz ennemys sont nourriz et fortifiez. Je vous prie d'y penser de près et regarder combien ce faict nous importe, pource qu'il semble que les ennemys sont délibéré d'assiéger ceste ville de Delft, et que par là me seroit osté le moyen de tenir plus aulcune corespondance avec vous, ny aussy avec les aultres villes. Parquoy je vous prie, si tost que vous entendrez qu'elle | |
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Ga naar margenoot+soit assiégée, d'escripre en diligence à toutes les aultres villes de par deçà qu'elles ayent bon courage et que vous ne fauldrez au plustost venir à leur secours. Je scay bien que plusieurs trouveront assez estrange si je me laisse enserrer icy dedans; mays, tant pour garder mon honneur que pour ne décourager le peuple icy que ailleurs, a esté trouvé bon que je ne bouge d'icy dedans. Je vous recommande aussy le faict de la paix, mays que pour cela vous ne laissiez voz entreprinzes, car vous cognoissez les ruses des ennemys. Prenez aussy toujours bien garde de quel pied l'Evesque de Colongne marche; surquoy n'estant ceste à aultre effect, je vous présenteray etc. De Delft, ce xvijme de novembre 1573.
Depuis ce que dessus, m'est venue vostre lettre du vjme jour de ce moys, et ayant veu toutes les particularitez d'icelle, je ne puis sinon me resjouyr et vous remercier grandement de si bonne vigilance, ensemble des grandz debvoirs et offices que continuellement vous faictes au bien de ceste cause, qui me faict fermement croire que le Sr Dieu bénira voz actions et labeurs. Or pour cependant respondre à vostre susditte lettre: en premier lieu, quant à voz entreprinses, je me remects à ce que je vous en ay dict cy-dessus, ensemble à ce que vous aurez veu par quelques aultres miennes précédentes; bien que quand à l'assistance des bateaulx par vous demandez pour l'entreprinse de Grunynguen, estant adverty du jour que vous vouldriez exécuter le faict, vous serez seurement servy des dits bateaulx, si les gelées et ventz contraires n'y donnent empeschement, car vous scavez qu'en ces quartiers là il convient du tout se reigler | |
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Ga naar margenoot+seclon le temps et les ventz, et sans cela je me doubte grandement que vous pourrez bien mal venir jusques à Grunynguen sans estre apperceu. Qui seroit cause que, si n'aviez bonne et forte correspondance par dedans, vous ne pourriez rien effectuer, comme aussy vous ne pourriez faire si par la susditte contrariété des ventz et gelées les bateaulx et harquebuziers que je vouldrois vous envoyer, fussent empeschez de passer, et en ce cas vous auriez faict telle levée et despence en vain. Je serois encores d'opinion qu'eussiez tenté premièrement de vous emparer de Fernesum et du Camdin, à l'entreprinse desquelles vous auriez encores assez de peine, et quand bien elles seroient par vous occuppées, il ne me semble toutesfois que l'ennemy vouldra pour cela retirer ses forces de ces cartiers icy, si vous ne menez avec vous bonne et puissante armée, laquelle luy pourroit faire crainte qu'elle passeroit plus avant en païs. Et cependant je vous prie que hastiez voz affaires, pour animer quelque peu le peuple de deçà, qui s'en va du tout découragé. Et estant adverty du temps que vouldrés commencer, je ne fauldray vous envoyer tout secours possible et de gens et de bateaux, selon que la saison le permectra. Si vostre entreprinse de Maestricht se pouvoit mectre à chef, elle nous apporteroit plus de fruict, mesmement quand vous seriez accompaigné de quelques deulx ou troys mil harquebuziers Françoys. Et en ce cas ayant quelque asseurance ou apparence qu'elle pouvroit réussir, je serois d'opinion que, délaissant toutes aultres entreprinses, vous feussiez attaché à celle de Maestricht: car, encores qu'elle soit peu forte et sans bon nombre de gens mal tenable, il y a toutesfoys ung bien, c'est que le Duc d'Al- | |
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Ga naar margenoot+be ne la pourroit assiéger d'icy à troys ou quatre moys, n'ayant au plus hault de dix ou douze mil hommes dedans le païs, que à ce regard pour assiéger Maestricht, n'osera jamais laisser les aultres villes despourveues et le cartier de deçà, pourquoy il luy fauldra faire nouvelle armée, estant besoing d'avoir deulx camps pour assiéger Maestricht, et vous laisse à penser combien de temps s'écouleroit en cela. La prinse de Maestricht nous apporteroit encores ce bien, c'est que je tiens fermement que Maestricht feroit révolter toutes les aultres villes du païs, de tant plus que empescheriez aux ennemys la Meuse, dont à présent ilz tirent tant de commoditez, comme scavez. En oultre, ayant Maestricht, avez la conté de MariembourchGa naar voetnoot1 et la duché de Limborch, avec tant de beau païs et villages, à vostre commendement; et pourra vostre cavallerie journellement saulter et courir jusques aux portes d'Anvers, Breda, Bruxelles, et aultres. En quoy ilz auront tant moings d'empeschement, que je suis bien asseuré que le Duc d'Albe n'a au plus hault de mil ou douze cens chevaulx. Vous pourrez aussy de là avoir meilleure correspondance avec la France que par Frize. Qui faict que, pour les raisons susdittes et plusieurs aultres qui viennent icy en considération, je suis d'advis comme dessus que, remectant les entreprinses de Frize et de Grunynguen jusques au moys de mars, vous employez tous moyens à exécuter celle de Maestricht, et ce en toute diligence, devant que je soys icy du tout enserré et environné, et que par là les courages ne se refroidissent d'avantage de tous costez, comme encores sans cela ilz ne font que trop. Sur les aultres poincts de vostre ditte | |
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Ga naar margenoot+lettre, je ne vous diray aultre chose sinon que je trouve le tout fort bien, et remercye Dieu de ce qu'il Luy plaist illuminer les coeurs de ceux que vous me dictes par delà, espérant que par voz bonnes remonstrances ilz continueront tousjours en mesme volonté. Je seray bien aise d'estre adverty de temps à aultre de tout le succès, mays regardez de ne vous y fier que bien à poinct, mesmes à l'Evesque de Colongne, et s'il en a quelque volonté, que se soit de bref, d'aultant que toutes longueurs en semblables affaires sont périlleuses et plames de soupçons. Vous priant de mesmes de remonstrer vifvement aux Seigneurs de par delà, qu'ilz ne se laissent destourner pour quelque paix ou accord simulé que noz ennemiz pourroient mectre en avant, n'estans leurs volontez encores telles, ainsy que toutes leurs actions en font assez de foy. J'ay esté bien aise de veoir que l'argent de France est venu si avant; et au regard des vingt cinq mil escuz qui me doibvent estre consignez à Bremen, vous regarderez que ce soit le plus secrètement que faire se pourra, pour le danger que scavez qu'il y a que noz reistres l'apperçoyvent. - Des bateaux d'Anvers sont sortiz et ont faict voile lundy dernier vers Zélande, où nous attendons une cruelle bataille. De ce qu'on me mandera du succez, serez adverty par le premier. Le Sr Dieu face le tout réussir à Sa gloire et au soulagement de Son pauvre peuple. Vous ayant escript les poincts jusques icy contenuz, et pensant tousjours à quelque bon expédient et remède pour, Dieu aydant, mectre fin une fois à ceste guerre et aux misères et calamitez que de plus en plus elle tire après soy, je trouve à mon jugement que, délaissant toutes entreprinses aultres, vous debvez employer tous sens et moyens à mectre au | |
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Ga naar margenoot+plustost à exécution celle de Maestricht, laquelle entre toutes celles qui se peuvent présenter aujourdhuy, je trouve pour tant de raisons mesmes dessus alléguées la plus convenable et duisante au bien de noz affaires; et comme toutesfoys l'issue en est entre les mains de Dieu, ne saichantz s'il luy plaira y donner Sa grâce, il me semble qu'il s'en presenteroit par deçà qui ne seroit de moindre importance que celle de Maestricht. Vous scavez que les ennemys depuis la levée de leur siège de devant la ville d'Alkmar, se sont jectés icy bien avant en païs et, à ce que je me puis appercevoir, ne font encores estat de s'en retirer en bref, si par famine et nécessité de toutes choses, ou par force n'y sont contrainctz, ains espient, selon que je puis conjecturer, quelques occasions ou pour surprendre villes ou aultrement nous matterGa naar voetnoot1 par longueur. Pour à cela obvier et rompre ses desseins, je suis bien d'advis, venant vostre entreprinse de Maestricht à faillir (que Dieu ne veuille), vous regardiez de passer la Meuse à Stochen, ou là entour où vous verrez le plus propice, descendant droict vers ma ville de S. Gertrudeberch, et illec embarquer tous voz gens, tirant ainsy droict vers icy où nous résouldrions ce que seroit à faire, pour nous en aller avec tous noz gens camper entre Haerlem et Leyden, affin d'enserrer l'ennemy au milieu des lieux circonvoisins où il est à présent. Ce que ne pourra faillir, en cas qu'il ne se retire. Et si oyant le bruict de vous il se vouloit partir, il n'a aultre lieu que Haerlem, où il n'aura vivres que pour cinq ou six jours, de sorte qu'avec l'ayde de Dieu, si nous sommes les plus forts en campaigne, l'ennemy sera contrainct de combat- | |
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Ga naar margenoot+tre à son grand désavantage et avec peu de forces, tellement que, ou il seroit battu, ou forcé de quicter et abandonner ce païs. Or pour dire les forces que, à mon advis, vous debvriez avoir pour bien dresser ceste entreprinse et pour estre des plus fortz en campaigne, je trouve que debvriez estre accompaigné de deulx mil, ou deulx mil cinq cens reistres sans chariotz, et seroit bon, si l'on pouvoit, de réduire les cornettes de la ditte cavalerie jusques à cent ou cent cinquante chevaulx pour chacune cornette, tant pour monstrer bon nombre de cornettes, que pour selon les occurences s'en servir plus commodément. Il seroit bon aussy que l'infanterie feust composée de six ou sept mil piétons, et du plus de François et Walons harquebuziers que pouriez avoir entre les dits piétons, seroit le meilleur, et la reste picquiers Alemans, qui ne feussent accompaignez d'aucunes femmes, ou du moings si peu qu'il seroit possible, pour les grandz désordres que par icelles adviennent ordinairement. Et estant ceste entreprinse diligentée et dressée avec bonne providence et discrétion, je tiens pour tout certain que ce seroit l'unique moyen pour en bref faire fin à ceste guerre, et chasser ces diables d'Espaignolz devant que le Duc d'Albe soit prest de dresser nouvelle armée pour les secourir, et aussy devant que par la longue continuation de ceste guerre le peuple ne se révolte par deçà, comme il en donne de grandz indices, tant par la sollicitation des ennemys qui leur proposent des pardons et aultrez partiz (comme journellement par lettres qu'on m'apporte, j'en ay la teste rompue), que aussy pour despens et foules que de plus en plus il seuffreGa naar voetnoot1. Et quand vous nous auriez icy | |
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Ga naar margenoot+assisté, pourriez reprendre la route de Brabant, pour illec endommager l'ennemy, brusler, et faire du pis qu'on pourroit. Car, pour venir depuis la Meuse jusques à Ste Gertruidenberch, vous avez grand chemin et large, sans rivières ny eaues d'importance qui vous puissent incommoder, ainsy que pourrez voir en la carte. Parquoy, en cas que feussiez délibéré de faire ce voyage, me pourrez advertir de bonne heure, affin que au dit Sr Gertruidenberch je vous face en temps tenir prestz bateaux et vivres pour vous et les vostres. Le plus secrètement et le plus à l'improviste que vous scauriez faire ceste entreprinse, seroit le meilleur. Ce que me semble vous pourriez bien faire par le moyen de l'Evesque de LiègeGa naar voetnoot(1), s'il vouloit entendre à ce que m'avez mandé par Dathenus. Je vous prie ne retarder les messagers, ains me donner au plustost responce, comme voyez que les affaires le requièrent. Et sur ce faisant fin etc. De Delft, ce xxe novembre 1573. |
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