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[1558]
Lettre XXIIa.
Ga naar margenoot+Le Prince d'Orange au Roi Philippe II. Dispositions bienveillantes de l'Empereur Ferdinand I (G.).
*** Charles-Quint abdiqua en faveur de Ferdinand, à Gand, le 27 août 1556; et le 4 sept, à SudbourgGa naar voetnoot1 en Zélande, il donna un Edit à cet égard. Il voulut que le Prince d'Orange portât au nouvel Empereur les insignes de sa haute dignité. ‘Je fus contraint, contre ma volonté et plusieurs protestations faites à l'Empereur et à la Royne de Hongrie, de porter la Couronne de l'Empire à l'Empereur Ferdinand, d'autant qu'il ne me sembloit convenable que j'emportasse la Couronne de dessus la tête de mon Maître qui y avoit esté mise par mes Prédécesseurs:’ Apologie, p. 388b.
Longtemps Charles-Quint s'étoit flatté de faire passer la Couronne Impériale, après la mort de Ferdinand I, à Philippe II. Ce plan non seulement avoit échoué, mais semble avoir été une des causes de la Ligue des Princes Allemands en 1552: Ranke, Historisch-Politisches Zeitschrift, I. p. 235, sq. Ce qui est certain, c'est qu'il en résulta un refroidissement sensible entre les deux branches de la Maison d'Autriche, surtout entre Philippe II et Maximilien II. Les Députés de Namur y font allusion, écrivant le 18 oct. 1555 que, ‘pour la venue de l'Archiduc on espère bonne amitié et réintégration entre le Roy, le Roy des Romains, de Bohême et ses alliez avec les païs de pardechà:’ Gachard, Anal. B., I. 76.
Sire! J'ay receu la lettre qu'il a pleu à v.M. m'escripre le dernier jour du mois passé.....; aussi ay-je le jour de hier présenté la lettre de v.M. au Roy des Romains, luy déclairant que pour les grandes pratiques que se démainentGa naar eindnoot2 maintenant par deçà, au nom et de la part du Roy de France, v.M. seroit bien d'intention de faire et dresser quelque ligue avec aulcungs Princes de l'Empire,
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Ga naar margenoot+ce que toutefois elle n'a voulu mester en train sans préalablement en avoir le bon advis de s.M., confiant que icelle en ce luy assistera d'advancer cest affaire; surquoy sa ditte Maté m'a respondu qu'elle trouveroit très-bon que v.M. fist autant d'amis et ligues qu'elle porroit, et que si ad ce elle porra faire de son costel quelque assistence, que s.M. se y emploieroit très-voluntiers, comme en tout aultre chose que reviendroit au bien et repos de v. Maté et de ses païs, y offrant l'office du vray bon père.
Et comme, devant la délivrance de la dite lettre, icelle sa M. déclairoit au docteur SeldtGa naar voetnoot(1) et moy que les Princes Electeurs aviont librement accepté la rénunciation de l'Empire par nous faicte de la part de l'Empereur, supplians au dit Roy des Rommains de voloir prendre le nom, sceptre, et entière administration d'icelluy, il nous sambloit que, en vertu de ma dite lettre de crédence, je y porroys bien encores adjouster et supplier à sa M., puisque les Estas du dit St Empire seroient maintenant relaxées du serrement avec l'Empereur, et que pour ce le chemin serat tant plus ouvert aux François de mener leurs pratiques, que sa M. veuille obvier à icelles par tous et les mellieurs moiens que faire se porrat, comme à chose que touche également à l'une et l'autre de voz Matés; et m'a dict le dit Sr Roy que de sa part je debvrois entièrement asseurer v.M. qu'il y mestera tout l'empéchement à luy possible, bien considérant qu'il en emport à sa M., comme à la vostre, et que si, oultre ce, il y ast chose en quoy il porra faire plaisir et amitié à v.M., que icelle le luy ait à mander franchement et à la mesme
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Ga naar margenoot+sorte et confidence qu'el ast faict toujour envers l'Empereur.....
Quant aulx novelles de par deçà, il n'i ast aultre chose sinon que l'Evesques de Baiona se tient issi secrètement, pratticant, comme il faict bien à penser, le plus qu'il peut, enquoy je luy résisteray, par le moien du dit Sr Roy des Romains et aultres, le mieulx qui me sera possible, comme je treuve que sa M. est fort affectionée.... De Francfort, ce 8me de mars.
De v. Maté très-humble et très-obéissant serviteur et vassal,
Guillaume de Nassau.
Au Roy.
A son retour d'Allemagne le Prince, tombé lui-même malade, eut le malheur de perdre son épouse; elle mourut à Breda le 24 mars. DeuxGa naar voetnoot(1) enfants lui restoient; Philippe-Guillaume, né le 19 déc. 1554, et Marie, née le 7 févr. 1556.-Il écrit le 27 mars à son père: ‘Lieber herr Vatter. E.G. kan ich ausz betruebtem hertzen unangetzaigt nit lassen, das sich die schwachait darin meine freuntliche liebe hauszfraw seit einen monat heer gefallen, wie E.L. jungst zu Dillenburg von mir vernommen, vor und nach meiner widerkhunfft alhie von tag zu tag gemehret und letzlich dermassen zugenommen hat, das ire L. nechstvergang. donnerstags, den 24 disz zum endt lauffenden monats, zwüschen sechs und sieben
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Ga naar margenoot+uhren, zu Gott dem Almechtigen christlich und wol verscheidenGa naar voetnoot1 ist, welcher der seelen gnedig und barmhertzig sein woll’ (*MS.). Et le 14 avril: ‘Wie beschwerlich der verlust, so mir derwegen entstanden, mir und meinen jungen kindern fallen würt, haben E.L. liderlich bey sich abzunemen. Nuhn weil esz aber nit zu ändern, noch dem geschefft des Herrn in ungedult zu wiederstreben ist, musz ich's dem ewigen Gott, als dem herscher und gewalthaber aller dhing, heimstellen, und mich an Seinen gnedigen willen gnügen laszen, sonderlich auch damit trösten, dieweill Er der verstorbenen seligen an irem end die gnad erzeigt das sie mit gutem verstand, christlich und woll abgescheidenGa naar voetnoot2 (* MS.).’
Le Roi s'empressa de lui témoigner la part qu'il prenoit à sa perte. Il écrit de Bruxelles le 25 mars: ‘Mon Cousin, comme ayant entendu la si griefve indisposition de feu ma Cousine vostre compagne, et que doisGa naar voetnoot3 vostre retour de Franckfort à Bréda vous estiés tombé griefvement malade, je dépeschoys le Sr de [Sombernon], pourteur de ceste, pour vous aller visiter tous deux, et au temps de son partement nouvelles me sont venues, à mon grand regret, du trespas de feu ma Cousine, que j'ay certes très-fort sentu, et pour la qualité de sa personne, et pour vostre respect, bien cognoissant la perte que vous y avez faict’ († G). Et le 28: ‘Vos Lettres m'ont renouvelé le displaisir que j'avois eu de la mort de la Princesse vostre compagne..., et n'estoit besoing vous excuser que n'aviez encoires peu venir faire rapport de vostre négotiation de Franckfort, ce que bien se peult recouvrer, pour quant serez ung peu plus à repoz de vostre esprit’ († G.).
La paix de Câteau-Cambrésis fut conclue le 3 avril 1559. ‘Le Roy, s'il lui restoit une goutte de gratitude, ne pourroit dénier que je n'aye esté l'un des principaux instruments et moyens pour le faire parvenir à une telle Paix et si advantageuse, l'ayant traicté en privé avec M.M. le Connestable de Montmorancy et Mareschal de St André, à l'instance du Roy, qui m'asseura que le plus grand service que je pourrois luy faire en ce monde, c'estoit de
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Ga naar margenoot+faire la Paix, et qu'il la vouloit avoir, à quelque prix que ce fût, pour ce qu'il vouloit passer en Espagne:’ Apol. p. 391b.
En juin le Prince dut se rendre en France. ‘Nous y fusmes envoyés en hostage, aussi pour assister au mariage de la Fille de France:’ l.l. p. 392a. Il y apprit que la paix étoit, dans l'intention de Granvelle et du Cardinal de Lorraine, le moyen d'une alliance d'extermination contre la Réforme: ‘Quand j'eus entendu, de la propre bouche du Roy Henry, que le Duc d'Alve traietoit des moyens pour exterminer tous les suspects de la Religion en France, en ce Pays, et par toute la Chrestienté, et que le dit Roy (qui pensoit que, comme j'avois esté l'un des commis pour le traicté de la paix, avois eu communication de si grandes affaires, que je fusse aussi de cette partie) m'eust déclaré le fond du Conseil du Roy d'Espaigne et du Duc d'Alve,... je confesse que je fus tellement esmeu de pitié et de compassion que dès lors j'entrepris à bon escient d'ayder à faire chasser cette vermine d'Espaignols hors de ce Pays:’ l.l.
Aiguillonné par cette découverte, il se hâta de retourner dans les Pays-Bas: ‘je ne cessay que, par le moyen de Madame de Savoye, je n'eusse obtenu congié de revenir:’ l.l. - Il étoit encore à Paris, lors de la mortGa naar voetnoot(1) du Roi Henri II, le 10 juillet.
De retour, il trouva Philippe II faisant ses préparatifs de départ. Il ne tarda pas à s'opposer, en plus d'une affaire importante, à ses désirs et à ses desseins.
Il fit élire des Chevaliers de la Toison d'Or, peu agréables au
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aant.Ga naar margenoot+Roi: ‘il sçait que, contre son advis et sa volonté, nous esleumes au dernier Chapitre de l'Ordre tenu en ces Païs, à pluralité de suffrages, plusieurs Chevaliers, et les fismes recevoir:’ Apol. p. 389a. ‘Orangius ut adlegerentur aliqui quos ipse noverat infensos Regi, credo Montinium et Hochstratanum, .. pervicit:’ Strada, I. p. 98.
Il fut le principal auteur de la requête que les Etats-Généraux à Gand présentèrent au Roi pour le départ des soldats Espagnols. ‘Je sollicitay, non pas des banqueroutiers, mais des gens de bien et d'honneur, et des premiers et plus notables personnages du Païs, pour demander, au nom des Estats, que les Espaignols fussent contraints de se retirer:’ l.l. p. 392b. Le Roi, piqué au vif, répondit néanmoins avec modération et promit le départ. Toutefois il différa la chose: ‘tria millia retinuit eisque Orangium Egmoutiumque praefecit, inani specie honoris, reverâ ad imminuendam externae militiae invidiam:’ Str., I, p. 60.
Le Roi nomma Gouvernante des Pays-Bas sa soeur, Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint, mariée d'abord au Duc de Florence, ensuite à Octave Farnèse, Prince de Parme.
Strada prétend que le Comte d'Egmont et le Prince d'Orange aspirèrent à ces hautes fonctions. Il ajoute que celui-ci s'intéressoit aussi pour la Duchesse de Lorraine (fille du Roi de Danemark, Christiern II, et, par sa mère, nièce de Charles-Quint), dont il désiroit épouser la fille cadette Dorothée: ‘intelligebat apud socrum gubernationis titulum, penes se vim ejus futuram:’ I. 41. De là sans doute la jalousie dont parle Granvelle dans sa Lettre au Roi, le 4 oct. ‘Y pues hay la emulacion que v.M. sabe, de Madama de Lorrena con la de Parma, lo mejor seria tener las apartadas, porque estas ydas y venidas y ayuntamientos no pueden dar ningun buen fructo; agora va à Lorena, veremos que determinacion tomará dende alli, y si dexará sus hyunas en alguna parte destos estados o las llevara consigo, mas cierto do qui era estarian mejor que aqui, y ella y ellas, por servicio de v.M.’ (†MS. B. Gr. VI. p. 90).
Le mariage n'ent pas lieu. Les deux filles de la Duchesse épou- | |
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Ga naar margenoot+sèrent, l'aìnée le Duc Guillaume de Bavière, la cadette le Duc Eric de Brunswick On reproche à tort à Granvelle de s'y être opposé (Beaufort, Leven v.W. I, I p. 108). Il paroît au contraire qu'il eût désiré cette union. Mais le Prince n'avoit pas pris une détermination positive. Peut-ètre la nomination de la mère futelle, dans ses calculs, une conditio sine quâ non pour épouser la fille. D'ailleurs ses affections étoient alors assez mobiles. Languet écrit de Paris le 15 mai: ‘Dominam de Touteville, vivente Rege Henrico, ambivit Princeps Arangiae et magnam spem de eo conjugio conceperat:’ Ep. secr. II. 52. Mad. de Touteville étoit fille unique et héritière du Comte de St. Paul, oncle du Roi de Navarre. Elle n'avoit été mariée que deux ou trois mois à M. d'Enghien frère du Roi de Navarre, tué devant St. Quentin; en 1560 elle avoit 16 ou 17 ans. Et le Prince n'aura pas ignoré ce que Languet ajoute: ‘omnium quae sunt in Galliâ est longe ditissima:’ l.l. p. 37.
Le Prince eut une large part, quoique peut-être, à son avis, trop petite, aux faveurs du Monarque. Il devint Gouverneur de Hollande, Zélande, et Utrecht, par Commission du 9 août: le 28 il fit le serment. Cette Commission et deux Instructions, l'une générale, l'autre particulière, ont été publiées par M. Gordon, de Potestate Gulielmi I, Hollandiae Gubernatoris (Lugd. Bat. 1835). Dans l'Instruction il est dit que le Prince ‘tiendra sa continuelle résidence ès Pays de son gouvernement, estant icelle tant plus requise pour les inconvéniens qui pourroient en son absence survenir, tant au faict de la religion que autrement:’ art. 1. Il sera tenu d'obeyr et obtempérer aux lettres, commandemens, et ordonnances de la Duchesse, ayant superintendence et auctorité, comme a mesmes sa M. seule sur tous les gouvernemens de ses pays:’ art. 2. En 1561 il fut nommé en outre Grand-Veneur de Hollande et Gouverneur de la Bourgogne (Lettre 32, in f.). - Il rentraGa naar voetnoot(1) au Conseil d'Etat: ‘Comme sa M. avoit tout ce temps cognu la syncerité de noz actions et prompti- | |
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Ga naar margenoot+tude â son service, estant en Zeelande pour partir vers Espagne, nous fit de rechef grande instance de reprendre le degré de Conseiller d'Estat, à quoy avons obéy, après nous avoir grandement escusé:’ Justif., p. 178.
Le Roi laissoit beaucoup de germes de trouble dans les Pays-Bas. Né en Espagne, moins accessible que son père, il n'étoit pas sûr, comme lui, de l'affection des habitants. Son absence devoit avoir de nombreux inconvénients. La paix récente amenoit des dérangements et des secousses, inévitables avant de parvenir, après de longues guerres, au véritable repos. Ajoutez la jalousie contre les Espagnols, les progrès de la Réforme, les prétentions des Villes, les mécontentements et les embarras d'une Noblesse dont différentes causes avoient épuisé les ressources.
Ce dernier point est développé par Granvelle dans l'écrit suivant, espèce de Memorandum, pour son usage particulier.
Mémoire des sources et causes des troubles des Pays d'Enbas, des progrès d'iceulx, pour, si après il estoit besoing en donner plus particulier compte, y pouvoir avoir recours (†MS. B. Gr. xxxiii. p. 274).
‘Le premier et principal est la volonté de Dieu et les jugements infaillibles et irréfragables pour chastier les péchés de l'insolence, estant jà la prospérité de ses pays par trop grande et de sorte qu'ilz ne pouvoient comporter l'aise, et se adonnants à tous vices, sortants tous des termes et borne de leur estat, voulans les Seigneurs estre adorés pour Roys, tenants estats grands hors de mesure, que les plongea en debtes, de telles sortes qu'il n'y avoit plus moyen de souttenir l'estat auquel il s'estoient mis, et les consumoient les intérêts des marchands, de sorte qu'ils ne voyoient, pour remédier à ce point, aultre meilleur moyen que changement de l'administration publique et se souslever de l'auctorité de la justice, pour non estre forcez par icelle à payer leurs debtes. Estant l'autorité de la dicte justice fort abolie par les guerres; ayant les dicts Seigneurs alors les charges, qu'ils avoient déjà
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Ga naar margenoot+prins sur icelle plus de pied qu'il ne convenoit, traictans mal et oultrageusement aulcuns d'iceux les ministres d'ycelle, qui venoient à eux, pour l'exécution des sentences. Et voyant l'Evesque d'Arras le mal qui pouvoit succéder de tant des debtes, et d'estre les dicts Seigneurs tant arrière, escrivit à sa M., et les lettres en peuvent faire foy, que, si pour deux millions l'on les pouvoit déscharger, que pour éviter plus grande perte, il fut esté d'advis que sa M. les eust deschargés, ne fût la craincte qu'ilz voudroient continuer leurs estats superflues, avec espoir que tousjours sa M. se chargeroit de leurs debtes tant exorbitantes, que les rançons des prisonniers François, qu'ilz acheptarent des soldats (chose à la vérité mal séante et que noz bons vieux pères, amateurs de la vertu, n'eussent trouvé louable), ores que les dicts rançons montassent à plus de deux millions, l'on ne void que cela eust servi de quelque remède, mais plustost avoit donné occasion à plus libéralement despendre. Et afin que l'on entende quelles estoient les debtes, le Prince d'Oranges confessa à la feue Royne d'Hongrie à [FurnodGa naar voetnoot1], devant le partement d'icelle pour Espagne, qu'il devoit 800 mille francs lors, et la despence qu'il fit depuis pour gaigner crédit et gens, fut beaucoup plus grande. Les marchants faisoient aussy des despences superflues oultre mesure, se veuillant en ce esgaler et surpasser les Seigneurs, se faisant leurs compagnons, et les Seigneurs les comportoient et les honoroient,
fréquentant leurs banquets et maisons, pour ce que, par leurs moyens, ils recouvroient argent pour fournir à leurs despenses, et de sorte, que prenans intelligence avec eux, quant l'assemblée des Estats-Généraux se fit si mal à propos, l'on osta la maniance des aydes à ceux des finances, et la mirent entre la mains des marchants, que leur prestoient deniers et entretenoient leur paye des gens de guerre, pour ce pendant profiter de l'argent; et par le bout se mescontentoient les gens de guerre, que servoit aussy d'artifice pour les aliéner de l'affection qu'ilz devoient à sa M., leur Prince et Seigneur naturel, et les tirer à leur dévotion; ceux qui monstroient leur avoir compassion et avisoient à leurs plaintes, offrant d'ayder et chargantGa naar voetnoot2 sur le Roy et ses Ministres,
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Ga naar margenoot+pour les rendre odieux. La conversation aussy des estrangers que ne s'est peu excuser pour le commerce, ha faict grand domage, signament en la Religion, et aussi s'aida d'aulcuns Allemans, Italiens, Bourguignous, et aultres entre les Seigneurs, leur mettant le foinz en testeGa naar voetnoot1; leur preschant liberté, les aveuglant de l'opinion de leur grandeur, et qu'ilz ne devoient comporter d'estre gouvernés, mais devoient tenir fin de gouverner eux mesmes. Et n'ont pas donné petite ayde, pour ouvrir le chemin à tant de maux, aulcuns Seigneurs nourris avec sa M. en sa chambre, tant Espagnols que Flamands et aultres, que estant Prince le souffloient aux oreilles, qu'il estoit mal séant que l'Empereur son père leGa naar voetnoot2 laissa gouverner et guider par conseil de peu des gens, et qu'il estoit plus séant dresser un Conseil d'Estat, d'un bon nombre des dits Seigneurs principaux, qu'entendroient mieux les affaires, et les guideroient plus au contentement des subjectz et mesme luy mirentGa naar voetnoot3 de la bonne Royne Marie, disant qu'elle présumoit vouloir tout faire, qu'elle vouloit mal à la nation, et que, demeurant au gouvernement des pays, elle pourroit tout, et luy non à sa valeur, et en ce sur touts aultres, tenoit la main le Marquis de BergesGa naar voetnoot(1), usant
de remarcable ingratitude, ayant esté nourry de la dicte Dame, comme elle eust peu faire de son propre fils, et ayant faiet avoir à son frère, pour lors à la vérité de peu de mérite, l'évesché de Liège, mais le dict Marquis entendoit bien que, gouvernant la dicte Dame, elle l'eust bien gardé de parvenir au bout de ses malheureux desseins.’
En général ces observations étoient exactes. La Noblesse étoit ruinée par les dépenses du Camp et surtout par le luxe de la Cour. ‘Alle de groote Heeren staecken in schulden en armoedt, en waren derhalven tot veranderinghe niet ongheneycht:’ V.
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Ga naar margenoot+Reidt, p. 1. Le Comte de Hornes écrit le 16 juin 1562: ‘je suis pour donner ordre à mes biens que je treuve fort diminuez;’ Procès des Comtes d'Egmont et de Hornes (Amst. 1729), II p. 276. Le Prince lui-même étoit en effet fort endetté. On n'a qu'à parcourir ses Lettres à la Princesse: p. 5, 16, 27. Voyez aussi la Lettre 68. - Mais il faut ne pas perdre de vue les remarques suivantes.
Les dettes du Prince provenoient, selon lui, ‘des grandes despenses faites tant pour le service de l'Empereur que du Roy:’ Apol. p. 388b. Chacun sçait,’ dit-il, ‘que ma Maison a tousjours esté ouverte et que j'avois ordinairement la descharge et le défray, soustenant les despenses de la Cour, pour le peu d'ordre qu'il y avoit de la part du Roy.’ l.l. Il habitoit à Bruxelles le palais bâti par Engelbert de Nassau, Gouverneur des Pays-Bas du temps de Philippe I, père de Charles-Quint. ‘Rem domesticam ditissimorum Principum exemplo splendide habebat: peregrinos Legatos nobilitatemque comiter liberaliterque exciepiebat.’ V.d. Haer, de initiis Tumult. p. 123. ‘Rei domesticae splendor famulorumque et asseclarum multitudo magnis Principibus par. Nec ulla toto Belgio sedes hospitalior, ad quam frequentius peregrini Proceres legatique diverterent exciperenturque magnificentius quam Orangii domus.’ Strada, I. 95. ‘Un chacun,’ poursuit-il, ‘sçait aussi la grande et excessive despense qu'il me convint soustenir au voyage vers l'Empereur Ferdinand (p. 30). Depuis je tis, le voyage de France, .... tellement que je puis bien assurer qu'en ces trois articles, joincts aussi aux frais que j'ay faits aux dernières armées, ... j'ay fait despense de plus de quinze cents mil florins:’ Apol. 388b.
Susciter des troubles, pour se débarrasser de ses dettes, étoit une mauvaise et dangereuse spéculation: ‘il faut que tous confessent qu'estans retirez en noz maisons et à noz affaires, avions beaucoup meilleur moyen d'amasser trésors et richesses, et par là gagner, conserver, et maintenir authorité que, despendant largement en Court, espérer ladite authorité par usurpation d'administrations:’ Justific. p. 177.
Sa répugnance contre les supplices, pour cause de foi, étoit déjà un principal motif de son opposition. Il prévoyoit des persé- | |
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Ga naar margenoot+cutions affreuses. Il décrit lui-même ses sentiments à cet égard. ‘Quant à ceux qui avoient la connoissance de la Religion, je confesse que je ne les ai jamais haïs. Car puisque dès le berceau j'y avois esté nourri, Monsieur mon Père y avoit vécu, y estoit mort, ayant chassé de ses Seigneuries les abus de l'Eglise, qui est-ce qui trouvera estrange si cette doctrine estoit tellement engravée en mon coeur, et y avoit jetté telles racines, qu'en son temps elle est venue à apporter ses fruits? Car pour avoir esté si longues années nourri en la Chambre de l'Empereur et estant en aage de porter les armes, aussitost enveloppé de grandes charges, j'avois lors plus à la teste les armes, la chasse, et autres exercices de jeunes seigneurs, que non pas ce qui estoit de mon salut: toutefois j'ay grande occasion de remercier Dieu, qui n'a point permis cette sainte semence s'estouffer, qu'il avoit semée luy-mesme en moy, et dis d'advantage que jamais ne m'ont pleu ces cruelles exécutions de feux, de glaive, de submersions, qui estoient pour lors trop ordinaires à l'endroit de ceux de la Religion:’ Apol. p. 392a.
Les ordres qu'il recevoit du Roi, n'étoient pas de nature à diminuer ses appréhensions. Son Instruction portoit: ‘Et pour estre l'affaire queGa naar voetnoot1 la conservation de nostre sainte foy et religion Chrestienne la chose que sa M. a plus à coeur, sa M. ordonne au Prince bien expressément d'avoir bon et soigneulx regard de faire corriger et extirper les sectes réprouvées de nostre mère Ste. Eglise, suivant les placcarts et édicts cy-devant statués et publiez par sa M. imp., et depuis par sa M. royalle renouvellez sur le faict de la religion. Et que les juges .. les exécutent sans infraction, altération, et modération, puisque l'on les ha constitué juges pour selon la loy juger et non pour la modérer et déclairer, ou pour disputer et juger selleGa naar voetnoot2 convient ou non:’ art. 4. L'Instruction secrète avoit surtout rapport à la religion. ‘Wy verstaen de executie der Edicten gedaen te wordene mit alle rigeur en zonder daerinne yemandt aen te zyen ofte respecteren, wyeGa naar voetnoot3 zy:’ art. 2. ‘Diversche, luttel achtende op die Lutheranen en Sacramentarissen, doen alleenlyk eenich debvoir tegens die erdoo- | |
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Ga naar margenoot+pers. Waeromme en want die andere secten die poorten en inganck zyn om van d'een quaet in arger te vallen, willen en ordonneren wy dat die placcaten generalicken geobserveert zullen worden:’ art. 6. Et ‘le Roy, quand il partit de Zeelande, lieu dernier qu'il laissa en ce Pays, me commanda de faire mourin plusieurs gens de bien, suspects de la Religion, ce que je ne voulus faire, et
les en advertis eux-mesmes, sçachant bien que je ne le pouvois faire en saine conscience, et qu'il falloit plutost obéir à Dieu que non pas aux hommes:’ Apol. p. 396b.
En outre il vit bientôt les commencements d'exécution du plan dont-il avoit découvert la trame. En France la mort de Henri II sembloit une délivrance pour les Réformés. ‘Ejus interitu,’ écrit Languet en octobre, ‘impiorum putabamus repressos esse conatus omnes, futurumque ut piis aliquantum ad respirandum daretur otii:’ Ep. secr. II. 4. ‘Mais Dien en avoit disposé tout autrement, voulant avoir l'honneur qui Luy appartient d'avoir redressé son Eglise par Son seul bras et effort, d'autant plus admirable que la résistence des plus grands auroit esté plus forcenée. Ce fut doncques durant le règne de François II que la rage de Satan se déborda à toute outrance:’ Th. de Bèze, Hist. des Eglises Réformées (Anvers, 1580); I. p. 212. Déjà le 11 déc. on écrit à ce sujet de Wittemberg: ‘nunquam ita saevierunt Pontificii, nec antea fuit acerbior persequutio. Carceres sunt pleni miseris hominibus, et sylvae ac solitudines vix capiunt fugitivos:’ Languet, Ep. secr. II. 30.
Le prompt départ du Roi (dont le Prince donna connoissance à son père le 2 sept., promettant d'envoyer sous peu le Comte Louis pour plus de détails) avoit sans doute la répression du Protestantisme en Espagne pour principal motif. ‘Philipp II hatte mit Frankreich Frieden, und mit dem Papste einen Vertrag geschloszen ..; nun begann das blutige Verfolgungswerk mit einer Kraft und Consequenz, wie kein anderes Land etwas Aenhliches je erlebt hat: Evang. K. Zeitung, 1834, p. 381. Son retour fut célébré par des auto da-fés. l.l. ‘In Hispania est horribilis saevitia adversus eos qui nostrae sunt religioni addicti ... 2 Juni, 1561.’ Languet, l.l. p. 117.
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Ga naar margenoot+Les tentatives du Papisme se lioient, dans l'esprit du Prince, aux desseins des Espagnols, voulant soumettre le pays à la domination absolue d'un Roi dirigé par eux. Ainsi il étoit conduit à désirer l'affoiblissement du pouvoir royal par l'influence du Conseil d'Etat et des Etats-Généraux. |
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voetnoot1
- Soubourg (Wester-Souburg) près de Flessingue, ou Zeeburg (Rammekens).
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eindnoot2
- se démènent, se font par des menées.
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voetnoot(1)
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Seldt. Vice-Chancelier de l'Empire, né en 1516, mort en 1565.
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voetnoot(1)
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deux. Ce n'avoient pas été les seuls. Dans des états mensuels de la dépense du Prince, depuis avril 1553 jusqu'en avril 1554, où sont notées jour par jour les courses ou voyages du Prince, les noms de ses convives, l'état de sa Maison, le prix courant des vivres, on trouve indiqué au 12 décembre, un festin de baptême, à Bréda. Les convives étoient la Reine de Hongrie, l'Evêque de Cologne, le Duc de Savoie, la Duchesse d'Aerschot, le Comte de Hornes, l'Abbé de Tongerloo et plusieurs autres.
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voetnoot(1)
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mort. Les années 1558 et 1559 sont remarquables par le décès de plusieurs Souverains. Charles-Quint étoit mort le 21 sept. 1558; Marie, Reine d'Angleterre, le 21 sept. Le Pape Paul IV mourut le 17 août. Le Landgrave Philippe de Hesse écrit le 18 sept. ‘Dasz Gott der Herr ein grossen scharmutzel under den grossen Potentaten gehalten hette..., und so seltzsam unter den grossen Herren rumorte, glaubten wir dasz es eine strafe Gottes sei, weil sie so tirannisch die armen Christen verfolgten:’ v. Rommel, l.l. III. p. 313.
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voetnoot(1)
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rentra. Plusieurs historiens, ignorant sa nomination en 1555 (p. 23), l'y font entrer.
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voetnoot1
- les rendant dangereux (foenum in cornu: voyez la Lettre 69).
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voetnoot(1)
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M. de Berges: Jean, Sr de Glymes, en 1560 Gouverneur et Capitaine-Gl pour le Hainaut, Valenciennes et la Citadelle de Cambrai. Son frère Robert devint Coadjuteur de Liège en 1548, Evèque en 1557.
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