Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome I 1552-1565
(1841)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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Chapitre II.
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donna plusieurs Archevêques à Mayence et à Trèves; à l'Allemagne des Electeurs, des Conseillers, des Capitaines; entretint, par des mariages et par le service militaire, des rapports fréquents et intimes avec la postérité d'Otton; s'illustra, et dans les armes, et dans la politique; et ne fut éclipsée que par la branche cadette qui, transplantée dans les Pays-Bas, devint, par un concours de circonstances providentielles, l'objet d'un intérêt universel.
Otton en fut le ChefGa naar voetnoot1. - Déjà à l'entrée du 14e siècle, par le mariage de l'héritière de Polanen avec le Comte Engelbert de Nassau, cette Maison, considérable en AllemagneGa naar voetnoot1, acquit des possessions fort étendues dans les Pays-BasGa naar voetnoot2. Ainsi, de bonne heure, elle prenoit pied dans la contrée qui devoit être le théâtre de sa grandeur. Bientôt les Nassau acquirent une grande influence auprès de la puissante Maison de Bourgogne, qui alloit, en peu d'années, règner sur la presque totalité des Pays-BasGa naar voetnoot3. Engel- | |
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bert mourut en 1475 à Dillenbourg, après avoir régi ses Etats durant 33 années. Ses deux fils, Engelbert II et Jean V, aieul de Guillaume I, se partagèrent les biens de la famille. L'aîné eut les possessions dans les Pays-Bas; préférables aux autres, moins encore par leur étendue que par l'importance des relations avec les Ducs de BourgogneGa naar voetnoot1.
Engelbert est un des personnages les plus marquants de cette époque agitée. Né à Bréda en 1451, il suivit dès 1470 la Cour de Charles le Téméraire, reçut l'Ordre de la Toison d'Or, et fut admis en 1473 à la Conférence de Trèves, où l'Empereur Fréderic III, soit qu'il se proposàt de réaliser les espérances qu'il faisoit naître, soit qu'il voulût simplement ménager et flatter un personnage remuant et redoutable, fit entrevoir au Duc le bandeau royal. Puis il fut nommé en 1475 Lieutenant de Charles en Brabant, ‘avec autorité de pouvoir mettre sus tous les fiefs et arrière-fiefs du DuchéGa naar voetnoot2;’ prit part à la dernière expédition de Charles, après l'avoir déconseillée; et fut fait prisonnier dans cette fameuse bataille de Nancy, qui fit échouer le projet de créer un Etat enveloppant la France depuis la Mer du Nord jusqu'à la Suisse. Remis en liberté, il contribua beaucoup à la réussite du mariage de Marie de Bourgogne avec l'Archiduc Maxi- | |
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milien; union qui, en dépit des entreprises de Louis XI, resserroit les liens des Pays-Bas avec l'Allemagne. En 1479 il gagna contre les François la journée de GuinegatesGa naar voetnoot1. Ainsi, par la victoire aussi bien que par les combinaisons de la politique, il préludoit à ces longues luttes où plus tard les Nassau devoient contenir ou refouler la France dans de justes limites. On rencontre partout des indices de la bienveillance et de la gratitude de Maximilien. A son départ pour l'Allemagne, en 1486, il lui donne une part considérable au Gouvernement. A son retour, Roi des Romains, il reste un jour à BrédaGa naar voetnoot2. Le Comte, défait, blessé, et pris par les François près de Béthune en 1487, est relâché en 1489Ga naar voetnoot3, pour une rançon énorme, dont le Roi aura payé une forte part. Engelbert ne tarda pas à lui rendre de nouveaux services. En 1490 il punit les habitants de Bruges des mauvais traitements qu'ils s'étoient permis envers MaximilienGa naar voetnoot4. En | |
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1492 il eut à remplir une fâcheuse mission. Charles VIII, Roi de France, avoit fait ane double injure à l'Empereur, en renvoyant sa fille Marguerite, à laquelle il étoit fiancé, pour épouser Anne de Bretagne, promise à Maximilien. Engelbert ramena Marguerite; lui aussi avoit conclu ce mariage de Bretagne qui eût si admirablement complété le cercle dans lequel la Maison de Habsbourg, venant de tous côtés avoisiner la France, sembla bientôt vouloir la resserrer. Maximilien ayant remis en 1493 les Pays-Bas à son fils l'Archiduc Philippe, devenu majeur, Engelbert servit ce dernier avec le même zèle. En 1496, il signe à Londres un traité de commerce; en 1498, à la mort de Charles VIII, il est envoyé à Paris; en 1501, Philippe, marié à l'héritière de Castille et se rendant en Espagne, lui confie des pouvoirs fort étendusGa naar voetnoot1. Il en jouit peu; et meurt à Bréda, en 1504, sans posterité. Il avoit consolidé la puissance de sa Maison; la Bourgogne et l'Autriche le comptèrent parmi leurs plus fermes soutiens; la France parmi ses plus redoutables antagonistes.
La vie de son frère Jean V, né à Bréda en 1455, fut moins brillante, mais toutefois ne s'écoula pas dans un repos uniforme. En 1483 il se joignit à l'expédition de Maximilien contre le Duc de Clèves, terminée sans effusion de sang. En 1484 il fit, apparemment pour remplir | |
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un voeu, un voyage en Palestine. Il fut souvent mêlé aux affaires très-confuses de l'Allemagne, Maximilien lui témoignant beaucoup de considération et demandant parfois ses avis. En 1482 il épousa E izabeth de Hesse-Catzenelenbogen, par qui la Maison de Nassau acquit une partie considérable de ce Comté. Mort en 1516, il laissa deux fils; Henri le confident de Charles Quint; Guillaume, le réformateur du Pays de Nassau et le père du libérateur des Pays-Bas.
Le Comte HenriGa naar voetnoot1, né à Siegen en 1483, fut élevé dans les Pays-Bas par son oncle Engelbert. Dès sa 16e année il fut à la Cour de l'Archiduc Philippe, devint son ami, le suivit en 1501 en France, en Espagne; reçut en 1505 la Toison d'Or; puis, après la mort de Philippe, survenue en 1506, l'Empereur lui confia, conjointement avec Guillaume de Croy et Adrien d'Utrecht, l'éducation de l'Archiduc Charles son petit-fils, né en 1500. Maximilien le nomma en 1511 ‘Lieutenant et Capitaine-Général de | |
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Brabant et Pays d'Outremeuse, Chef et conducteur général des gens de guerre; en 1513 Chef et capitaine de l'arméeGa naar voetnoot1.’ Charles, devenu majeur, envoya le Comte en France, en 1515, pour y requérir en mariage Renée, fille de Louis XII, négociation qui ne réussit point; puis encore pour conclure avec le Roi un Traité et réprésenter l'Archiduc, en qualité de Comté d'Artois et de Flandre, à l'avènement de François I. - La même année Henri devint Gouverneur de Hollande, Zélande, et FriseGa naar voetnoot2. Peu après, il détermina, par son influence, la nomination de Philippe de Bourgogne à l'Evêché d'Utrecht. En 1517, au moment où, Roi de Castille par la mort de Ferdinand le Catholique, Charles se préparoit à partir pour l'Espagne, la Légion noire, ramassis de gens sans aveu, fit une invasion en Frise et en Hollande, à l'instigation du Duc de Gueldre. Le Comte Henri repoussa ces brigandsGa naar voetnoot3: Charles, déjà prêt à mettre à la voile, lui envoya une Commission comme chef et capitaine général de l'armée, avec la Lettre autographe qui suit:
‘Monsr de Nassou, je vous envoye par ce porteur le mandement de Capitaine Général de la Gendarmerie de par deçà, et combien que je n'y met que deux mille Phil.Ga naar voetnoot1 par an de pension, si est ce que, quant vous séré | |
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au chansGa naar voetnoot1, que vous aurés quiconqueGa naar voetnoot2 moiGa naar voetnoot3 pour trestement, comme on a accoustumé de bailler aulx Capitaines Généraulx ou [tienGa naar voetnoot4] qu'il sera avisé avec vous. Monsr de Nassou, vous savés mes affaires [qui où] ils sont, et le tour que Monsr de Geldre me fit; mais je vous prie que vous me serviés bien en ceste guerre. Car je suis délibéré de mestre le tout pour le tout, et ne vous soussiésGa naar voetnoot5; car je ne vous lesseray en dangier et recognoisteray ancores mieulx les services que vous m'avés faict et que j'espère que vous me ferés encores. A tant fai fin, priant Dieu qu'Il vous donne quelque bonne fortune contre les ennemis. Escript à Middelbourg, ce 12 de juillet de l'an vii et [dice]. Vostre bon mestre et cousin Charles.’
Arrivé en Espagne, Charles en donna immédiatement connoissance au Comte Henri, par une Lettre également autographeGa naar voetnoot1:
‘Mr de Nassou. Il a pleut à Dieu me donner ci bon temps que suy arrivé en mes royaulmes de par-deçà et ocyGa naar voetnoot6 toute ma compagnie. Mr de Nassou, pour ce que vous cuydoieGa naar voetnoot7 bien revoir devant mon partement, je ne vous rescrivis point et ocy6 pour ce que le vous espérois dire de bouche. Mr de Nassou, je vous mercye du bon service que vous m'avez fet, lequel n'oublieray jamais, et vous assure et | |
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promets que je le recongnoitray quelque jour et bien tost, car je suy icy en lieu, là où je vous peulx bien ferreGa naar voetnoot1, et verrez que ne suy point ingrat et qu'il fest bon servir tienleGa naar voetnoot2 mestre. Mr de Nassou, pour ce que j'ay grand desir de savoir de vostre besoigne de Geldres, je vous prie que m'en rescriviés ce que y avés fait, et vous prie que ayés toujours bon vouloir à me ferreGa naar voetnoot1 service, comme je ne doute point que me ferés, et vous me trouverés toujours vostre bon mestre. Nous cuidions arriver à Saint-Ander à Biscaye, là où toute la compagnie nous attendroyt, mès nos pilotes nous ont un peu fourvoyés et nous a fallu prendre ce port, qui est au principauté de Asturias, là où n'avons trouvé guerres de gens; et sommes tous arrivés, sauf le navire de mon escurie, là où étoit Montrigart et Henry de Bruxelles, deux vieux serviteurs dont suy bien mary les avoir perdu; toutes fois nous ne savons de vrai si c'est [sti laGa naar voetnoot3]; car je ne fay que arriver et ne l'avons vu de tout le voyage, qui a duré xii jours, mes il a esté si beau qu'il n'est possible de plus. A tant fai fin, priant Dieu vous donner bonne vie et longue. Escript à Ville Viciosa, ce 19 septembre, de la main de [stiGa naar voetnoot4] qui a esté, est, et sera à jamais votre bon maistre et Cousin, Charles.’
L'Empereur Maximilien vint à mourir le 12 janvier 1519. Le succès de la négociation en faveur de Charles fut l'ouvrage du Comte de Nassau. Comme Engelbert II ‘a maintenu l'Empereur Maximilien, employant ses biens, sa vie, et son entendement pour le conserverGa naar voetnoot1,’ de même: | |
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personne ne peut nier que de son temps il n'y a eu Seigneur en ces Pays qui plus ait travaillé pour le service de l'Empereur Charles que le Comte Henri.’ Mais c'est surtout par les négociations pour l'Empire que cet éloge fut bien mérité. Henri, par sa constance et son adresse, triompha de tous les obstaclesGa naar voetnoot1. Il prépara la grandeur de Charles-QuintGa naar voetnoot2 et fit échouer les projets ambitieux de la France, lui suscitant une puissance rivale qui devoit un jour, auxiliaire des Provinces-Unies et guidée avec elles par la Maison de Nassau, maintenir en Europe l'équilibre politique. En 1521 Charles, Empereur, envoya le Comte contre le Duc de Bouillon qui, soutenu par la France, lui avoit déclaré la guerre. Après plusieurs succès, Henri, réduit, par les maladies des soldats, à lever le siège de Mézières, défendue par Bayard, donna, en s'emparant de Tour- | |
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nai, une nouvelle preuve de sa valeur et de son habiletéGa naar voetnoot1. Il paroît avoir aussi rendu de grands services au frère de l'Empereur, l'Archiduc Ferdinand: celui-ci en 1521 lui assure une pension annuelle de ƒ 1000. L'Empereur aimoit à l'avoir auprès de sa personne. De 1522 à 1526 le Comte est avec lui en Espagne. En 1530 il l'accompagne à la Diète, et reçoit de lui l'original de la Confession d'Augsbourg en Latin, pièce conservée long-temps dans les Archives de Bréda. En 1531 il fut créé Grand-Veneur du Brabant; en 1535 chargé d'assister au mariage du Comte Palatin avec Dorothée de Danemark, nièce de l'Empereur. En 1536, les François ayant recommencé la guerre, l'Empereur lui confia son armée dans les Pays-Bas. Expédition de courte durée! Charles-Quint ayant été repoussé, le Comte dut se retirer aussi; toutefois, entré en Picardie, il avoit assiégé Péronne, et par son invasion rapide fait trembler Paris. Il mourut en 1538 à Bréda, n'ayant qu'un fils, René, issu de sa seconde épouse.Ga naar voetnoot2. | |
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Guillaume, né en 1487, succéda en 1516, par la mort | |
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de son père, à la partie Allemande des biens de la Maison de NassauGa naar voetnoot1. Il ne consuma point sa vie, comme le Comte Henri, en de lointains voyages et de fréquentes expéditions militaires. Il quitta peu l'Allemagne. Il se prononça vivement, il est vrai, contre les intrigues des FrançoisGa naar voetnoot2, et, en 1521, il se trouva au siège de Mézières; mais, en général, il recherchoit les occasions d'être utile beaucoup plus que celles de remporter des succès éclatants. Il semble avoir sacrifié l'amour de la gloire au désir de se vouer exclusivement au bien-être de ses Etats. Il n'a pas été apprécié comme il auroit dû l'être. La gloire de son fils, en rejaillissant sur lui, a beaucoup trop | |
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éclipsé ses propres mêrites. Il est juste de rappeler qu'il tient un rang distingué entre les Princes les plus estimables de l'Allemagne et parmi les plus courageux témoins de la foi. Il faut qu'on ait eu confiance en sa valeur et son habileté; car, en 1532, on lui offrit un commandement supérieur dans les armées Impériales. Il avoit à lutter contre l'exiguité de ses ressources. Le surnom de Riche lui fut donné mal à propos. Après de longues et vives disputes avec la Hesse, il acquit enfin une partie du Comté de Catzenellenbogen; mais moyennant bien des fraix, et des sacrificesGa naar voetnoot1. La principale affaire de sa vie fut l'introduction et le maintien de la RéformeGa naar voetnoot2. Il montra dans cette oeuvre beaucoup de courage, de fermeté, et de persévérance; il y joignit la prudence et la modération doublement nécessaires à cause de sa position difficile. La petitesse de ses Etats lui rendoit le courroux de l'Empereur redoutable, et la résistance à ses ordres ou à ses désirs étoit pénible, son frère et plus tard son fils se trouvant à la Cour de Charles-QuintGa naar voetnoot3. | |
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Déjà en 1517, c'est-à-dire, lorsque la lumière du réveil Evangélique ne faisoit encore que poindre à l'horizon, le Comte s'opposa sérieusement au scandaleux trafic des indulgences. Il assista en 1521 à la Diète de Worms; il n'aura pas entendu sans émotion la défense courageuse de Luther. Mais il semble surtout avoir reçu une impression salutaire et durable d'une visite que le jeune Duc Jean-Fréderic de Saxe lui fit en 1526 à DillenbourgGa naar voetnoot1. | |
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En 1530 il se rendit à la Diète d'Augsbourg. L'Empereur le chargea de détacher l'Electeur de Saxe du parti Evangélique. Ignoroit-on ses croyances, ou bien vouloiton dissimuler, espérant peut-être, par cette marque de confiance, le faire revenir de son penchant vers la Réforme? En ce cas on fut désappointé: au lieu de ramener les autres au Papisme, il se décida bientôt à embrasser ouvertement la Confession d'Augsbourg. A son retour il introduisit à Dillenbourg et à Siegen des pasteurs Evangéliques. Successivement il abolit la | |
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Messe et les autres cérémonies contraires à la Parole de de Dieu. - En 1536 il prit part à la Ligue de Smalcalde. C'étoit une détermination hardie pour un Prince auquel la prudence humaine devoit conseiller tout au moins une stricte neutralité. La violence n'est pas ce qui ébranle le plus aisément la foi. Souvent on y résiste, tandis que l'on tombe bientôt dans le piège tendu à l'ambition et à la cupidité. Les séductions de ce genre ne furent point épargnées au Comte; d'autant plus dangereuses que, sans exiger de rétractation formelle, on essayoit de le gagner d'une manière indirecte. En 1531, la Maison d'Autriche, ayant pris possession du Würtemberg, lui en offrit le Stadhoudérat. Son frère lui conseilla d'accepter ce poste important, dont il pourroit tirer honneur et profitGa naar voetnoot1; mais Guillaume ne se laissa point amorcer par ces avantages, ne voulant, en aucune façon, prendre part à des actes nuisibles à la cause Evangélique. En 1532 on voulut le nommer général de l'armée impériale. Refus pour les mêmes motifs. En 1533 on tàcha de lui faire accepter la Toison d'Or. Les Chevaliers juroient le maintien de la Religion Catholique RomaineGa naar voetnoot2. Le Roi Ferdinand invita le Comte à venir recevoir les insignes; il s'excusa sur l'impossibilité d'observer fidèlement les Statuts. Le Comte avoit extrêmement à coeur l'affaire de Catze- | |
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nellenbogen. En 1546 la guerre ayant éclaté entre les Protestants et Charles-Quint, celui-ci désiroit que Guillaume, attaquant le Landgrave de Hesse, son voisin, s'emparât de ce Comté. Conformément aux intentions de l'Empereur, la Gouvernante des Pays-Bas, Granvelle, le Comte de Buren, soufflant volontiers la discorde entre les partisans de la Réforme, l'excitoient à profiter de cette occasion unique pour faire valoir ses droits si longtemps méconnusGa naar voetnoot1. Guillaume avoit trop de noblesse dans le caractère pour écraser un antagoniste abattu. Il fut inébranlable. Ne se joignant pas aux Protestants, soit par suite de ses différends avec le Landgrave qui même avoit paru le repousser; soit à cause de ses rapports avec l'Empereur, soit aussi parceque l'opposition lui sembloit outrepasser les justes limites, il ne voulut, ni spéculer sur les embarras de son adversaire, ni surtout nuire, même indirectement, à la RéformeGa naar voetnoot2. Et lorsqu'en 1547 il fut obligé, en janvier, de se rendre à Ulm vers l'Empereur, d'y séjourner un mois, et de promettre | |
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600 chevaux, il parvint, sous divers pretextes, a différer l'exécution de cet engagement jusqu'à la paix. S'il dût se soumettre à l'Interim fait en 1548, il adoucit, autant que possible, ce que les dispositions de cet acte avoient de fâcheux. A cette époque Granvelle le sollicita, avec de magnifiques promesses, de retourner au CatholicismeGa naar voetnoot1. Il y perdit sa peine: le Comte, après avoir affronté tant de périls et résisté à des tentations si diverses, n'étoit pas disposé à renier sa foi. Il mourut en 1559. Avoir été le père du Prince d'Orange, n'est pas son titre unique au souvenir de la postérité. Les Lettres de sa seconde épouse, la Comtesse JulienneGa naar voetnoot2, | |
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qui lui donna douze enfants, attestent que les fils de cette pieuse mère pouvoient s'écrier, comme David: ‘Seigneur, tournetoi vers moi et aie pitié de moi; donne la force à ton serviteur, et délivre le fils de la servanteGa naar voetnoot1.’ - Il est écrit: Je fais miséricorde en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements,’ et l'on ne sauroit, en se rappelant la piété des parents du Prince et les destinées de leur Famille, ne pas être frappé encore de la fidélité de l'Eternel.
René fils unique du Comte Henri, né en 1518, devint en 1530 Prince d'Orange, d'après le testament de son oncle maternel, Philibert. Ici nous pourrions entrer dans de nombreux détails sur la Maison d'Orange et citer ou extraire les Chartes et autres Documents de nos Archives. Nous préférons renvoyer à l'Ouvrage de de la PiseGa naar voetnoot2. La Principauté d'Orange avoit appartenu successivement, et sans relever d'aucun SuzerainGa naar voetnoot3, à trois Maisons; Orange, Baux, et Châlons. - Celle de Châ- | |
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lons, tres-puissante dans les deux BourgognesGa naar voetnoot1, y parvint par mariage en 1393. Elle donna cinq Princes; Jean I, Louis le Bon, qui régna durant 44 années, et Guillaume VIII; puis Jean II, de 1475 à 1502, mêlé aux guerres entre la France et la Bourgogne, et le plus souvent, ainsi que ses prédécesseurs, ennemi de la France; enfin son fils le Prince Philibert, frère de la Comtesse Claudine de Nassau. Celui-ci, né en 1502, fut à 24 ans, par la mort du Connétable de Bourbon, généralissime de l'Empereur en Italie; il conclut le Traité avec le Pape. Mais il périt en 1530, ‘faisant contre les Florentins, plustot debvoir de soldat que de capitaineGa naar voetnoot2.’ A la mort de son père, en 1538, René étoit done un personnage très-considérable. Aussi Charles-Quint, en 1540, lui donna le Gouvernement de la Hollande, Zélande, Utrecht, et Frise. La même année il épousa Anne fille d'Antoine Duc de Lorraine, née en 1522. - Digne fils d'un capitaine auquel l'Empereur étoit redevable d'une bonne partie de ses succès, il ne trompa point la confiance que celui-ci lui témoignoit déjà. En 1542, surpris près d'Anvers par les troupes du Duc de Clèves sous les ordres de Martin van Rossum, célèbre par sa bravoure et son audace, il répara promptement cet échec; encore la même année il remporta des avantages considérables dans le Luxembourg. En 1543, Général de l'armée contre la Gueldre, il força le Duc de Clèves à se désister de ses prétentions sur ce pays, dont il devint GouverneurGa naar voetnoot3. | |
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En 1544, accompagnant l'Empereur dans son expédition contre Paris, il fut blessé mortellement devant St. Dizier et mourut le 21 juillet: ‘Prince valeureux qui avoit fait tant de services à l'Empereur: ayant par la force des armes non seulement réparé le dommage d'une bataille perdue, mais aussi luy ayant reconquis le Duché de Gueldre, et par après venu iceluy mesmes mourir aux pieds de l'Empereur et pour son serviceGa naar voetnoot1.’ N'ayant pas d'enfant légitimeGa naar voetnoot2, il institua, par Testament du 20 juinGa naar voetnoot3, Guillaume, son cousin germain, son héritier.
Ainsi périrent, à 28 et 26 ans, Philibert et René, jeunes héros qui sembloient destinés à marquer sur la scène du monde, et qui, dans les desseins de la Providence, ne firent que préparer les voies à un enfant de onze ans, sur lequel désormais se concentrèrent les souvenirs et les espérances des Maisons d'Orange et de Nassau. |
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