À la gloire de la Belgique. Anthologie de la littérature belge. Deel 1. Les écrivains d'expression française
(1915)–Jan Greshoff– Auteursrecht onbekend
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une malédiction... De mélancoliques extases montaient vers les étoiles infécondes... Les mères enseignaient aux petits la douceur des agonies. Pur que l'ombre fût absolue, on brisa les hochets, on tua l'Espérance, on éteignit le Rêve... Et des choeurs enfantins imploraient les ouragans, glorifiaient les Automnes. Aux Avrils épanouis, le long des floraisons renouvelées, rôdaient de vastes délires tragiques. On détruisit la sève des arbres... Partout pleuraient des agonies d'oiseaux, penchaient des agonies de roses. Une ivresse épouvantable et rouge haleta. Les forêts étaient sanglantes. Les forêts et les villes. Quelqu'un rêva d'empoisonner la mer, d'empoisonner le ciel. Le meurtre était pur, le meurtre était religieux, le meurtre était saint. Quand la mort venait, on souriait à la noire Consolatrice. Les tombes resplendissaient comme des chimères. Ainsi, retombée au chaos d'où rejaillirait la primitive nature vierge, la terre finissait. - Étrange cercueil d'or, elle roulerait en l'espace indifférent. L'heure inouïe allait sonner. Donc, un soir hivernal, comme à l'aube des légendes chrétiennes, deux corps seuls vivaient, deux corps survivaient - l'homme et la femme - deux corps où s'épuisa la souffrance, deux corps blêmes, frêles, presque aveugles, et dont les trente ans douloureux étaient ivres de mort. Une désolation immense étreignait les choses. La neige infinie flamboyait. Et dans le gel, et dans la peste, et dans les ténèbres, et dans l'universelle angoisse, frissonnants de toute leur pauvre âme torturée, de toute leur pâle chair suppliciée, les âpres corps mystérieux s'enlacèrent. |
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