- Allez-vous rester tranquilles? ordonnait une grosse voix. C'était Delcourt qui, armé d'une longue gaule dont il menaçait les plus turbulents, se montrait par instants dans l'écartement d'une porte contiguë à la scène et s'ouvrant sur les coulisses, où les marionnettes étaient alignées par rang de taille, contre le mur.
- Si vous continuez à crier, ajoutait-il, Charlemagne ne mettra pas son beau costume.
Le tumulte, un moment apaisé, reprenait dès qu'il avait tourné les talons. Il n'y avait de tranquilles que quelques gamins jouant aux cartes dans les coins et, çà et là, un ouvrier dont les épaules penchées dominaient la cohue, et qui se levait parfois, exaspéré par les bousculades, pour donner des claques ou pincer une oreille. Par là-dessus, la fumée du tabac faisait une nappe bleue, qui ondulait dans la lueur des lampes.
Le tapage commençait à diminuer lorsque les musiciens - un tambour et un accordéoniste - se hissaient dans le ‘cauvau’, sorte de petite loge en saillie, large au plus de deux mètres et accrochée comme une cage à la muraille. Un belliqueux pas-redoublé annonçait le lever du rideau; après quoi, Delcourt, du fond des coulisses, commandait le silence et l'attention:
- Allons! mes amis y sommes-nous? Un peu de bonne volonté!
Il disait, et, dans un décor naïf, on voyait paraître les premières marionnettes.
François Remy s'échappait souvent de la maison paternelle pour venir chez Delcourt, et là, assis au fond de la salle, les coudes aux genoux et le menton dans les mains, il s'émerveillait des fantaisies chevaleresques qui composaient le répertoire.
Au milieu de simples paysages, flanqués d'architectures anachroniques, Amadis de Gaule, les quatre fils Aymon,