- Père! Père! murmura-t-il.
Cette étreinte passée, Balthazar dit, dressant son doigt maigre:
- Je t'attendais, Kô. Souvent, à l'heure du repas, je posais ton couvert. Je savais bien qu'un jour la terre natale reprendrait mon fils!
Kobus était maigre: une barbe inculte croissait sur ses mâchoires, ses yeux luisaient: il tremblait de fièvre dans ses guenilles.
Le meunier le regarda:
- De quel gouffre sors-tu, mon fils? Tu es comme un damné que rejetterait l'enfer. Tu frissonnes? Ne crains rien! J'ai pleuré des nuits, il est vrai, et il m'arriva de montrer le poing à l'horizon. Que veux-tu?... Mais j'ai tout pardonné, puisque te voilà!... Fils, tu vas boire et manger!
Ce disant, Barent alla chercher du pain et du lard dans la vieille armoire familiale; puis il dépendit un hareng saur accroché à une solive.
- Tu ne parles pas, Kô? On dirait que le tonnerre vient de tomber à tes pieds. Quant à moi, j'ai retrouvé déjà ma tranquillité, petit! Les vieux sont plus habitués que les jeunes aux grands coups de la vie. Et puis, je t'attendais!
Il essuya pourtant une larme au bord de sa paupière fripée, Kobus l'aida à dresser la table: il alla chercher la salière d'étain, deux gobelets, des cuillers de bois.
- Si tu m'avais prévenu, j'aurais préparé un festin! dit le meunier souriant. Tu viens de loin?
- D'Amsterdam!
Kobus dut raconter son voyage.
- Pauvre garçon! dit le père. Tu dois être fatigué! Tiens, prends cette cruche. Il y a pour les gars une tonne emplie dans la cave. Descends avec la lampe et va chercher de la bière! Je veux que tes joues redeviennent roses comme