Peut-être est-ce pour eux seuls que ces sites parlent leur muet langage et dégagent leurs chères émotions.
Quand, le dos tourné à la ligne monotone des côtes de la Flandre, on regarde les flots jaunâtres de la mer du Nord, presque toujours mouvants, presque toujours brumeux, ne changeant de ton qu'avec les caprices du ciel tourmenté qui les surplombe, si ce n'est pas la sérénité et la joie qu'on sent descendre en soi, c'est une rêverie profonde et austère qui semble mieux en rapport avec le drame de la vie. Quand, laissant ce spectacle, qui élève en berçant, on se tourne vers l'intérieur et qu'on pénètre dans la ligne des dunes qui ourlent le rivage, le coeur s'apaise, mais reste ému devant l'horizon plus restreint des ondulations sablonneuses qui se succèdent, tantôt couvertes d'herbes dures et frissonnantes, tantôt nues, d'un jaune pâle et argenté, donnant à qui s'enfonce entre leurs plis l'impression du désert.
Et lorsque, remontant sur leurs dernières croupes, on aperçoit tout à coup la campagne flamande, plate et indéfinie, se perdant loin, bien loin, dans un brouillard violacé, avec ses premiers plans de pâturages, ses rangées d'arbres parfois si nombreuses qu'elles donnent l'illusion d'une forêt, étalant la gamme des verts dans des tons si intenses qu'il semble qu'une ondée vient de les aviver en les lavant; lorsque les toits rouges sur les blanches maisons rustiques piquent ce plantureux tapis et le relèvent, comme des noeuds sur une robe; que les clochers des villages se montrent pareils à des phares dans cet espace sans bornes, on se demande quel est le plus puissant pour toucher notre âme, de cet océan de verdure tranquille et reposé, ou de cet océan toujours mobile dont on entend derrière soi la clameur.
L'Escaut aussi, là où la marée se fait encore sentir et où les bâtiments de la mer labourent ses flots, séduit, non par