Des contrats et des droits
‘Avisant l'arbre abattu le plus voisin, ils s'y installèrent. Je m'accroupis devant eux, entourant mes genoux de mes mains entrelacées, fixant mon oncle de bas en haut, en plein visage. Le colloque que je venais d'entendre avait singulièrement retenti en moi, me touchant, sans y pénétrer encore, aux endroits délicats que hantaient mes doutes. Un instinct de jeune animal me faisait pressentir l'approche d'un événement grave. Sans démêler s'il serait salutaire ou funeste, j'étais troublé, ayant crainte, ayant espoir, attentif surtout, attendant.
‘Ce n'était pas pour moi que mon oncle parlait.
‘Il entra en matière, en assénant une large tape sur la cuisse de son ami, et tout de suite:
‘- T'es-tu déjà arrêté place Royale quand un passant, près d'une voiture de louage, le cocher sur le siège, convient avec celui-ci d'une course? Qu'est-ce que ça te dit à toi?
‘- En voilà une question! Quel rapport avec notre paysage? Tu la poses sérieusement?
‘- Oui, oui. Tu saisiras bientôt le rapport. Réponds. Qu'est-ce que ça te dit?
‘- Rien du tout. C'est une scène bête.
‘- Or, à moi, jurisconsulte, ça me dit toutes sortes de choses. Je vois d'abord qu'il y a là une voiture, un cheval, un harnais qui sont la propriété d'un loueur. Ensuite qu'il y a un cocher qui a fait avec ce loueur un contrat par lequel il s'est engagé, moyennant salaire, à conduire l'équipage et à en tirer profit, sauf à en rendre compte. Puis qu'entre ce cocher stipulant pour son maître et le particulier qui se fait transporter au prix du tarif il se forme un deuxième contrat. Je vois encore que si le propriétaire peut faire stationner son véhicule place Royale, c'est à raison d'un troisième contrat entre lui et la Ville, à laquelle il paie une redevance. Ce n'est pas tout: dès que la course