Souvenir de Pétrarque
A mon réveil, j'ai pu voir l'obscure vallée où l'amant de Laure vint ensevelir son amour. La nature a formé ce cloître, dont les murs d'enceinte sont des monts escarpés qui ne laissent qu'une étroite échappée de vue sur le beau ciel de la Provence. J'ai suivi le sentier qui longe le torrent et mène à la fontaine. Les eaux rapides tombaient des roches en blanches cascades, et, divisant leurs cours, allaient former des îles, où des enfants coupaient les premières pousses des saules. Le long des rives, des mûriers creusés par les feux des pâtres tordaient leurs rameaux au-dessus de larges pierres que des passants avaient prises pour confidentes en y gravant des lettres aimées. En vain voulais-je m'élever en mes pensées, je me penchais aux formes de la terre: un alizier, une touffe de souchets, l'écume des eaux, un merle s'envolant d'une ronce, un cyprès dressant sa flèche sur le redan d'un roc, prenaient mon regard, et avec lui mon âme. J'arrivai bientôt au pied d'un rocher dont la crête brisée se rouille aux pluies d'hiver; il surplombe un bassin limpide où s'abreuve l'oiseau voyageur. De cette source paisible tombe bruyamment le torrent qui emplit le val. Que de regards aujourd'hui éteints ont parcouru ces rives et se sont arrêtés sur ces deux figuiers dont les racines s'entre-croisent à la voûte de la fontaine et se réfléchissent au même miroir! Un seul courant emporte leurs feuilles tombées, et, les baignant à sa fraîcheur, fait reverdir leurs bourgeons.
J'ai passé de belles heures dans le jardin du poëte, près de son antique demeure, qu'abrite un roc verdi par le lierre. Le murmure de la Sorgue y berce la pensée; ses flots d'émeraude disparaissent au tournant de la colline pour courir vers la plaine et s'y épandre à une lumière plus vive. La fuite de ces eaux à travers un vallon recueilli, leur tumulte au pied de rochers mornes, cette vie dans cette immobilité, alimentent les rêveries de mort et d'amour. Rien ne