Dissertation sur la question s'il est permis d'avoir en sa possession des esclaves, et de s'en servir comme tels, dans les colonies de l'Amerique
(1770)–Philip Fermin– Auteursrechtvrij
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S'il est permis d'avoir en sa possession des Esclaves, & de les retenir dans la servitude.Je réponds à cette question, que l'on peut licitement avoit des Escalve, & les retenir dans la servitude, dés que celà n'est contraire, ni à la Loi Naturelle, ni à la Loit de l'Evangile. Si l'on consulte l'Histoire des differens Peuples, même les plus anciens, & les plus policés, on y verra, que partout, & de tout tems, il a été d'usage d'avoir des Esclaves. L'Ecriture sainte nous en fournit suffisamment d'exemples, pour prouver clairement; que la servitude n'est point contraire au Droit naturel. Le Journaliste ayant reconnu que je puise mes plus forts argumens dans l 'Ecriture sainte, j'ai cru devoir en tirer un plus grand nombre, qu'il trouvera encore plus forts. Dans les maledictions que Noé, seul Juste parmi les hommes au tems de Déluge, donna à son petit fils Canaan, il repéta jusqu'à | |
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trois fois, qu'il seroit serviteur des serviteurs de ses Freres.Ga naar margenoot(a) La sentence de Noé, eut son effet: ainsi elle fut prophétique, & l'Ecriture ne la blâme aucunement de l'avoir prononcé. Belle raison s'écrie mon Censuer, pour conclure qu'il est permis de vendre & d'acheter les hommes comme un vil troupeau de bétes? Ce n'est pourtant pas la seule, que j'eûsse alleguée en faveur de ma These. Ces anciens Justes, qui vivoient sous la Loi de Nature, ces Patriarches, dont St. Paul exalte la bonne foi & la vertue eurent des Esclaves. Abraham le Pére des Croyans, en avoit un très grand nombre, puisque, selon le xiv. Chap. de la Genese Ga naar margenoot(b)il arma troiscents dix huit de ses serviteurs, qui étoient nés dans sa maison pour marcher contre divers Rois ligués ensemble, & délivrer Loth son Neveu de leurs mains. Au Chap.xvii du même Livre Ga naar margenoot(c) on trouve l'ordre que Dieu donna à ce Patriarche, de circoncire tout enfant mâle de huit-jours, tant celui qui étoit né dans sa maison, qui l'Esclave acheté par argent, de tout étranger, qui n'étoit point de sa race; Mais le Chap.xvi. | |
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qui précede Ga naar margenoot(d) confirme encore mieux la légitime authorité des Maîtres sur leurs Esclaves, par l'exemple d'Agar, servante Egyptienne, qui, toute enceinte qu'elle étoit d'Abraham fuiant de devant Sara, dont elle avoit été maltraitée, lorsque l'Ange de l'Eternel lui ordonna de retourner à sa Maitresse, & de s'humilier sous elle. Sara la chasse ensuite avec son sils, & quoi que cela déplût fort à Abraham, Dieu lui dit d'obéir à la parole de Sara; desorte, qu'il renvoya sa servante & l'enfant, après avoir donné à Agar, du pain & une bouteille d'eau qu'il lui mit sur l'épaule. Ga naar margenoot(e) Cet exemple dont on ne sauroit revoquer en doute l'authenticité, ne prouve t-il pas clairement le droit qu'ont les Maîtres sur leurs Esclaves, tant pour les tenir dans la servitude, que pour les punir, lorsqu'ils tombent en faute? Si cette Loi étoit contraire au Droit des Gens, Dieu, qui est l'Auteur de la Nature, n'auroit point ordonné à cette Esclave fugitive de se soumettre aux traitemens que sa Maitresse avoit droit de lui infliger. On passe | |
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sous silence d'autres Patriarches & pieux personages, qui ont eu de même un grand nombre d'Esclaves.Ga naar voetnoot[f] Les Grecs & les Romains, comme les Juifs, en avoient aussi; & si l'on remarque à cet égard, quelque difference entre les Coutumes des diverses Nations, elle ne consiste, que dans le plus ou le moins d'étendue de pouvoir qu'on y déféroit aux Maîtres sur leurs Esclaves. Les Loix Grecques & Romaines leur attribuoient droit de vie & de mort; droit qui, dans la suite a été reservé au seul Souverain. Ils pouvoient, selon ces Loix, mettre à la torture les Esclaves en faute, les faire fouetter, leur ôter même la vie, sans l'intervention du Magistrat; ensorte, que leur puissance étoit tout-à-fait despotique. Si un Roi a le droit sur ses sujets, pourquoi un Maître ne l'auroit-il point sur ses Esclaves? La puissance de l'un, n'est ni moins légitimes, ni moins fondée en raison que celle de l'autre, quoi qu'elle ne soit pas toujours aussi pleine & aussi absolue. Toutes deux sont de même nature, coulent de la même source, | |
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& émanent également de Dieu, selon ce principe du grand Apôtre: Omnis autem potestas à Deo est. Ga naar margenoot(g) D'où il s'en suit, qui'il n'est pas plus permis de se soulever contre l'une que contre l'autre, & que condamner la puissance des Maîtres sur leurs Esclaves, c'est condamner ce que Dieu même a ètabli. Cet usage d'avoir des Esclaves sous sa domination se trouve autrorisé par le Droit des Gens, lequel loin d'être opposé au Droit naturel, en dérive immédiatement, sans autre difference, si ce n'est, que celui-ci est antérieur à celui-là, & qu'il a beaucoup plus d'étendue. Le premier suppose une parfaite égalité entre les hommes, & en conséquence exclut toute distinction & toute subordination entr'eux: au lieu que le second suppose la difference des états déja établie par le fait, & reconnoit une subordination nécessaire & inévitable, sans laquelle la societé ne pourroit subsister. Qu'appelle t-on, en effet, Droit, des Gens, sinon une raison naturelle établie parmi les hommes, afin qu'elle soit communément reçuê & observée par toutes les Nations? | |
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Les Interprêtes divisent le Droit des Gens, en Jus gentium primarium, & Jus gentium secundarium. Le premier est le Droit, que la raison seule a inspiré aux hommes, & que l'Etre suprême a gravé dans leurs coeurs; savoir la connoissance du bien & du mal. Le second est le droit que les hommes, par un raisonnement fondé sur les commodités de la vie, se sont fait, dans differens tems, suivant les differentes nécessités qui les y ont portés, pour établir & entretenir la société humaine, Et quant au Droit Civil, ce sont des Loix propres à chaque Peuple ou Nation. L'un & l'autre me serviront d'appui pour l'affirmative de la question proposée. C'est en vertu de ces Droits, que chez tous les Peuples policés, les crimes sont punis. On ne sauroit regarder le Droit des Gens, comme contraire au Droit Naturel, en ce qu'il autorise l'usage d'avoir des Esclaves, qu'en supposant que, suivant les principes de la loi naturelle, tout homme a un droit à son entiere liberté; on le suppose ainsi. Je conviens que si l'on remonte à la premiere institution des choses, tous les hommes sont parfaitement libres par leur nature, & égaux entr' | |
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eux; Mais le péché, en prenant naissance, a bien changé ce premier ordre; & la difference des Etats établis par le Droit des Gens, est devenu une suite inévitable de ce triste & funeste changement. C'est ce qui a occasionné l'établissement de Chefs pour entretenir chaque Nation dans son devoir; de-là, la dépendance & la subordination est devenue nécessaire, car, sans elle la société n'auroit pu subsister ni se maintenir.
Je soutiens, d'aprés la définition que donne Justinien de la servitude, qu'elle est une constitution du Droit des gens, par laquelle un homme se trouve assujetti à un autre, comme à son Maître, contre la disposition de la nature. Servitus est constitutio Juris Gentium, quâ quis Domino alieno contrà naturam subjicitur. Ceci doir s'entendre, de la nature de l'homme, considerée dans son Origine, ou premiere institution lors de la création, & antécédemment au péché, autrement il se seroit contredit lui même. Il établit ailleurs un principe, parlant de ce même Droit des gens, qui autorise la servitude, & dit, qu'il est un accord commun entre les differens | |
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Peuples, dicté par la raison naturelle, Quod naturalis ratio inter gentes omnes constituit. Il faut entendre, dans le même sens, ce que cet Auteur si célébre dit, & aprés lui plusieurs Jurisconsultes, qu'en ne considérant que le Droit Naturel, tous les hommes naissent libres. Il ne s'agit ici, que du Droit Naturel considérê en lui même en envisageant les hommes tels qu'ils ont été originairement crées en Adam, avant le péché' & eu égard au penchant naturel qu'ils se sentent pour posseder cette liberté. Je conviens que la Loi naturelle, considérée dans toute sa force, ne dépouille personne de sa liberté; mais aussi elle ne donne non plus à personne le droit d'exemption de la servitude. Le savant Grotius à 'très bien développé ces Idées, en disant, Naturâ nemo servus, sed naturâ nemo jus habet, ne unquam serviat. Sénéque lui-même, quoique vivant au milieu des ténébres du Paganisme, l'avoit bien conçu, & c'est ce qui a donné lieu à ces paroles remarquables. Neminem naturâ liberum esse, neminem servum: baec posteà nomina singulis imposuisse fortunam. | |
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Je ne disconviens pas que la servitude corporelle ne soit un joug des plus insupportables au vif penchant que l'homme a de conserver sa liberté, qui étoit un des principaux appanages de son innocence. Mais nous ne pouvons pas non plus nous dissimuler, en considérant son état présent, qu'il n'aît beaucoup perdu par sa faute, du droit qu'il y avoit, & dont il se montre encore si jaloux; & que, suivant les dispositions actuelles de la Providence, il ne se trouve bien des cas, où l'état de servitude devient, pour lui, un assujettissement, non seulement nécessaire, mais même utile & avantageux pour son salut. C'est Dieu qui met cette difference entre les hommes, qui diversisie leurs voies sur la terre, & qui décide souverainement, selon son bon plaisir, du droit de chacun d'eux.
C'est lui qui fais le Roi & le sujet, l'Homme libre & l'Esclave, le muet & le sourd, le voyant & l'aveugle, ainsi qu'il est exprimé dans le Livre de l'Exode, Chap.iv. N'est ce pas moi, dit l'Eternel, qui a fait le muet & le sourd, ou le voyant ou l'aveugle? Quiconque est né Esclave, ou le devient, doit | |
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se soumettre à la volonté de cet Etre suprême, & dire ‘C'est Toi, Seigneur, qui as établi des hommes sur la Terre, pour nous gouverner, ta volonté soit faite & non la mienne?’ Or l'espece d'Esclaves, dont il est ici question, sont des hommes nés, ou devenus tels, par une suite inévitable des querres continuelles que leurs Chefs se font entr' eux. On ne les fait donc point Esclaves, en les achetant en Guinée; on les trouve déja réduits à la servitude la pluscruëlle & détenus dans les chaînes, au pouvoir des Maîtres barbares, qui ne les occupant point, les laissent manquer le plus souvent du nécessaire, & ne se font aucun scrupule de leur ôter même la vie, lorsqu'ils s'en trouvent embarassés, ou qu'ils ne peuvent s'en défaire d'une autre maniere. C'est en pareils cas, qu'un véritable Philosophe pourroit justement s'écrier Ga naar voetnoot* | |
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Précieux don de la Nature, faut-il qu'il y aît des coeurs assez malheureux, pour ne pas te connoïtre, ou pour te dédaigner. Tout ce qui résulte du Commerce qui s'en fait, est le changement d'une Esclavage excessivement dur, en un autre incomparablement plus doux & plus tolérable, ensorte que, l'état, où se trouve ce Peuple dans les Colonies de l'Amérique, n'est absolument point contraire au Droit des Gens, ou à la Loi naturelle. A l'égard des Loix Divines, il n'est pas moins évident, par celles qui furent données à Moyse dans le désert de Sinaï, qu'il continua, d'être permis aux Israëlites, d'acheter des Esclaves, non seulement étrangers, mais | |
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même Nationaux Ga naar margenoot(a) & de les chatier impunément, pourvu qu'il n'en mourûssent pas, au bout d'un jour ou deux. Ce pouvoir du Maître est exprimé d'une maniere bien remarquable par ces mots: car c'est son argent Ga naar margenoot(b) La loi du Talion, qui ordonnoit oeil pour oeil, dent pour dent, étoit restrainte, en sa faveur, vis-à vis du serviteur ou de la servante, qui avoit souffert, de sa part, quelque mutilation en son corps Ga naar margenoot(c) Si un homme avoit la compagnie d'une femme Esclave fiancée, & qui n'auroit pas été rachetée, la peine de mort, en ce cas, étoit commuée en celle du fouet. Ga naar margenoot(d)
Les Esclaves Hébreux devoient être affranchis la septiéme année, à moins qu'ils ne préférâssent de rester au service de leur Maître, qui, dans ce cas, leur percoit l'oreille, avec une Alesne contre la porte de sa maison en présence des Juges; ce qui étoit la marque de l'Esclavage, tant chez les Syriens, les Arabes & autres, que chez les Israëlites. Ga naar margenoot(e)
Le grand Jubilé de cinquante ans étoit encore le terme de prolongation de servitude. Alors les Esclaves Hébreux, pouvoient s'en | |
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retourner chez eux, libres, avec toute leur famille Ga naar margenoot(f) au lieu qu'en la septiéme année, le Maître étoit en droit de retenir la femme qu'il avoit donnée, & ses fils ou les filles qu'elle avoit enfanté à son Esclave, qui sortoit seul avec son corps. Ga naar margenoot(g) Dans tous ces cas, la Loi portoit, qu'ils ne seroient point vendus comme on vendoit les Esclaves; Ga naar margenoot(h) & l'on doit remarquer, que c'étoit le pauvre, qui se vendoit lui-même; ou quelque fois le Pere, qui, réduit a l'indigence, vendoit ses propres enfans. Ga naar margenoot(i) outre ceuz qui étoient nés Esclaves, d'autres enfin le devenoient, par sentence des Juges, selon le délit qu'ils avoient commis.
J'ai dit dans ma Description de Surinam, que la Loi de Dieu condamne un voleur, qui ne peut pas restituer ce qu'il a pris, a être vendu pour son Parein Ga naar margenoot(k) & j'ai cité au même endroit, la parabole du vers 25. du chap xviii. de St. Matthieu, dont on peut inférer que l'usage étoit autre fois de faire vendre les débiteurs insolvables.
Mais, ajoute l'Eternel, quant à ton Esclave & à ta servante . . . . .ils seront d'entre | |
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les Nations qui sont autour de vous; vous acheterez d'elles le serviteur & la servante. Vous en acheterez aussi d'entre les enfans des étrangers qui demeurent avec vous, même de leurs familles qui seront parmi vous, les quelles ils auront engendrées en votre Pays, & vous les possederéz. Et les aurés comme un héritage pour les laisser à vos enfans aprés vous, afin qu'ils héritent la possession, & vous vous servirez d'eux à perpétuité. Ga naar margenoot(l) Rien de plus formel que ce droit, attribué aux Maîtres, d'acheter & de Posseder des Esclaves, rien de mieux exprimé que les distinctions que Dieu luimême a mises entre les uns & les autres. Le dernier Commandement du Décalogue, defend aussi de convoiter, entr' autres choses qui appartiennent au prochain, ni son serviteur, ni sa servante; paroles qui assurent très positivement, & sans aucune ambiguité, aux Maîtres, la propriété & le domaine sur leurs Esclaves. On trouve le droit de l'Esclavage, qui résulte de celui de Conquête, tout aussi bien établi par les exemples suivans. La Victoire que les enfans d'Israël remporterent sur les Madianites, dés le tems de Moyse, sit tomber entre leurs mains, outre | |
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un grand butin, & les hommes qu'on devoit mettre à mort, trente deux mille filles, qui n'avoient point eu compagnie d'hommes, & dont le tribut, pour l'Eternel, sut de trente-deux personnes, c'est à dire, de cinq cens, un de la moitié accordée aux Combattans; & de l'autre moitie appartenant à toute l'assemblée, Moyse par ordre de l'Eternel, prit encore le cinquantiéme tant des personnes que des bêtes, qu'il donna aux Lévites, qui avoient la charge de garder Le Pavillon de l'Eternel(?)Ga naar margenoot(m) C'est ainsi que sous Josué, les Gabaonites, ayant obtenu grace de la vie, furent employés, comme des Esclaves, à couper le bois & à puiser l'eau pour l'assemblée & pour l'autel de l'Eternel.Ga naar margenoot(n) Une des Loix Militaires du Deuteronome Chap.xxxi.℣.10.14. porte en propres termes Quand tu seras allé à la querre contre tes ennemis, & que l'Eternel ton Dieu les aura livrés entre tes mains, & que tu en auras emmené des prisonniers; Si tu vois entre les prisonniers quelque belle femme, & qu'ayant conç pour elle de l'affection tu veuilles la prendre pour ta femme; alores tu la meneras en ta maison, & elle rasera sa tête, & fera ses ongles: Et elle ôtera de dessus soi les habits qu'elle por- | |
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toit lors qu'elle a été faite prisonniére, & elle demeurera en ta maison, & pleurera son Pere & sa Mére un mois durant; puis tu viendra vers elle & tu sera son mari, & elle sera ta femme. S'il arrive qu'elle ne te plaïse plus, tu la renovyeras selon sa volonté, mais tu ne la pouras point vendre pour de l'argent, ni en faire aucun trafic, parce que tu l'auras humiliée. Il s'ensuit donc que, hors ce seul cas, l'on pouvoit légititmement vendre pour de l'argent & trafiquer les prisonniers de Guerre, & par conséquent il étoit également permis de les acheter pour Esclaves, aussi ne trouve-t-on, dans toute l'Ecriture lainte, aucun passage, qui interdise ou qui condamne ce Commerce & cet usage. Je dis plus encore; c'est que, sous l'ancienne Loi, la servitude étoit un de ces chatimens auxquels la Justice Divine dévouoit les Nations rebelles, & à qui ils avoientmême souvent été prédits long-tems en avance. Moyse termine ses maledictoins contre Israël, par ces mots: Et l'Eternel te fera retourner en Egypte sur des Navires . . . . & vous vous vendréz là à vos ennemis pour être Esclaves & servantes, & il n'y aura personne qui vous ra[c]hette.Ga naar margenoot(o) | |
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L'Historien Joseph, nous apprend, que Prolemée, Roi d'Egypte, ayant fait un grand nombre de Juifs prisonniers, dans la querre qu'il eut avec cux, les avoit fait emmener en Egypte, où ils avoient été vendus pour Esclaves Ga naar margenoot(p) & ailleurs il rapporte, que Tite aprés avoir ruiné toute la Judée, envoya en Egypte dix septs mille Juifs, pour y être employés à des ouvrages d'Esclaves Ga naar margenoot(q) Combien de fois l'Eternel ne les a ti-il pas vendus en la main de leurs ennemis, & délivrés de leur servitude, sous le tems des Juges? sous le régne de Sédécias, dernier Roi de Juda, Nebucadnetsar transporta à Babylone, tous ceux qui étoient échappés de l'épée, & ils lui furent esclaves . . . . afin que la parole de l'Eternel prononcée par Jérémie fut accomplie, Ga naar margenoot(r) Encore une fois, il n'appartient point aux hommes de desapprouver les moyens que Dieu choisit pour chatier un Peuple par l'autre. Le Livre de l'Ecclésiastique Ga naar margenoot(s)quoique rangé au nombre des Apocryphes, contient de bons avis sur le traitement des Esclaves, & sert à donner une idée de la façon dont les Juifs avoient continué de les employer jusqu'aux tems qui ont suivi le retour de la Cap- | |
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tivité de Babylone. Le fourrage, le bâton & le fardeau sont pour l'âne, la nouriture, la correction & le travail sont pour le serviteur; mets ton serviteur en oeuvre, & tu trouvera du repos: Lâche lui les mains, & il demandera d'être affanchi. Le jeug & le licol font courber le côté du boeuf: il en est ainsi du fouet & de la torture a l'égard de l'Esclave malicieux. En voie-le au travail afin qu'il ne soit jamais oisif: car, l'oisiveté a enseigné beaucoup de malice. Emploie le aux Ouvrage qui lui sont convenables: & s'il n'obéit pas, donne lui des fers plus pesans. Toutefois ne commets à l'égard de qui que ce soit, & ne fais rien sans jugement. Si tu as un Esclave, entretiens-le comme ton ame: car, le possedant, il est comme le sang qui te fait vivre . . . . traite le comme ton frére: car, tu en as à faire comme de toi même; que si tu le maltraites à tort, & qu'il s'enfuie, par quel chemin le cherchera tu? On n'y trouve pas un seul mot, qui donne à entendre, que ce soit un mal d'avoir des Esclaves, au contraire, tout y suppose manifestement que cela est tres permis. Il me reste à faire voir, que cet usage, n'est pas plus contraire à la Loi de l'Evangile, ni à l'esprit du Christianisme, qu'il ne l'étoit à | |
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la Loi donnée aux Juifs par le ministère de Moyse. Il est vrai que par notre qualité de Chrétien, nous ne formons qu'un seul corps en Jesus-Christ, & nous sommes parconséquent tous membres d'un même corps. Mais dans ce corps, tous les membres ne tiennent pas le même rang, ni ne sont pas destinés à remplir les mêmes fonctions: Esau étoit frere de Jacob, & quoique l'aîné par sa naissance, Dieu voulut qu'il fut assujetti à son frere. Major serviat mineri. Le but de la mission de Jesus-Christ, ne fut jamais de mettre les hommes au même niveau, & de les rendre tous égaux sur la Terre; il n'est point venu confondre la difference des conditions, ni détruire la juste & nécessaire subordination, qu'il avoit plû à la Providence de mettre entre elles. Il n'est point venu apprendre aux hommes à mépriser l'autorité, & à résister aux Puissances instituées de Dieu: ni solliciter les serviteurs à se soustraire au droit légitime que l'Etre Suprême a accordé à leurs Maîtres sur eux. Son intention ne fut jamais de troubler le repos de la société, ni de renverser l'ordre Civil & Politique établis dans les Etats. Il nous prêche | |
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la douceur par-tout, dans son Evangile, l'humilité, la subordination, la soumission, & l'obéissance, dont il nous a donné lui-même de si grands exemples. Lors qu'il par la avec ses Disciples qui se disputoient entre eux sur la préseance, il leur dit: Le fils de l'homme n'est point venu pour être servi, mais pour servir & donner sa vie en rençon pour plusieurs; leur faisant clairement entrendre, non qu'il ne doit point y avoir de distinction, de rang & d'autorité entre les Chrétiens, mais qu'on ne doit pas ambitioneer le premier rang; ce qu'il explique ailleurs en termes encore plus exprès; quand il ajoûte; Celui qui voudra être le premier entre vous, sera le dernier & le serviteur de tous. Dans ses bénédictions, le Sauveur n'oublie pas les serviteurs fidèles à leurs Maîtres de prétendre que la Réligion Chrétienne rend tous les hommes égaux, & qu'elle exclut toute subordination entr'eux, c'étoit une des Erreurs des Gnostiques. La morale de Saint Paul, écrivant à Timothée, & à Tite, vérifie bien mieux l'assujettissement des Esclaves: Que tous les Esclaves, dit-il qui sont sous le joug de la servitude, sachent qu'ils sont obligés de rendre toute sorte d'honneur à leurs Maîtres; afin de n'être pas cause que le | |
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nom & la Doctrine du Seigneur soient blasphémés. Que ceux qui ont des Maîtres sidéles ne les méprisent points, sous prétexte qu'ils sont leurs freres. Mais plutôt, qu'ils les servent encore mieux; parce qu'ils sont fidéles & plus dignes d'être aimés, comme étant participans de la même grace. L'Apôtre donne le même avis à son Disciple Tite. Exhorté, dit-il, les Esclaves à être soumis à leurs Maîtres, a leur complaire en tout, à ne les contredire point, à ne détourner rien de leur bien, & à leur témoigner une entiére fidélité &c. Si L'autorité des Maîtres sur leurs Esclaves étoit absolument contraire à la Loi de l'Evangile, & à la charité Chrétienne, seroit-ce une oeuvre agréable à Dieu? Les Apôtres n'enseignent point aux Esclaves, que leur état soit imcompatible avec celui de Chrétien, ni qu'en embrassant une Réligion, ils acquiérent par-là, le Droit à leur liberté; cela pourroit avoir lieu, si le nombre des Esclaves étoit moindre dans les Colonies; car, quoique l'usage de se convertir à la Réligion Chrétienne soit établi dans les Isles Françoises, ils n'en démeurent pas moins Esclaves, & sont également traités que ceux des Colonies Hollandoises qui en embrassent aucune, | |
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à moins qu'on ne leur donne leur liberté. Le même Apôtre écrit aux Corinthiens: Que chacun demeure dans la condition où il a été appellé. Car l'Esclave qui est appellé à nôtre Seigneur, est l'affranchi du Seigneur, demême aussi celui qui est appellé étant libre, est l'Esclave de Christ. Il ajoûte de plus, aux Ephésiens Serviteurs obéissez à ceux qui sont vos Maîtres selon la chair, avec crainte & tremblement dans la simplicité de votre coeur, comme à Christ. Ne servant point comme voulant plaire aux hommes, mais comme serviteurs de Christ, faisant de bon coeur la volonté de Dieu, comme étant serviteurs de Christ, sachant que chacun, soit Esclave, soit libre, remportera du Seigneur le bien qu'il aura fait.
On voit par-là, qu'il les exhorte à la soumissioin, au respect, à la fidélité envers leurs Maîtres, à une prompte exactitude à remplir avec zèle & ferveur leur devoir. Il adresse à peu près les mêmes exhortations aux Colossiéns. Mais rien n'est plus frappant, que l'exemple de Philémon, à l'occasion d'Onésime son Esclave, le quel s'étoit enfui de sa maison, & lui avoit fait quelque tort. Cet Esclave fugirif & répentant alla trouver Saint Paul, qui | |
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l'instruisit, le convertit, le baptisa & le renvoya ensuite à son Maître avec une lettre par laquelle il le prioit ‘de le recevoir avec bonté & de le traiter avec indulgence, ne le considérant plus comme un simple Esclave, mais comme un frère en Jesus-Christ, qui lui appartenoit, selon le monde, comme étant son Esclave; & selon le Seigneur par la nouvelle qualité de Chrétien.’ Enfin S.Pierre recommande aux Serviteurs ‘d'être sujets en toutes choses à leurs Maîtres, non seulement à ceux qui sont bons & équitables, mais aussi aux facheux.’ Il suit de là, que la Loi de l'Evangile, ni la charité Chrétienne, ne défendent nullement d'avoir des Esclaves, mais au contraire, elles préscrivent, comme on vient de le faire observer, les devoirs qu'ont à remplir les Maîtres & les Esclaves, les uns envers les autres; d'où je conclus, que, sans blesser l'équité & sans se rendre coupable d'injustice envers ses semblables, il est très permis d'avoir des Esclaves en sa possession & à son service; & que le commerce qu'on en fait en Guinée, n'est pas en soi illégitime, n'étant contraire, ni à la Loi Divine, ni à la Loi Naturelle, ni aux ordres du Souverain. | |
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D'ailleurs en achetants des Négres, on ne leur ôte point leur liberté, ils n'en jouissent plus; on ne les fait point Esclaves, on les trouve tels. Et tout ce qui résulte de cet achat, est d'améliorer leur sort; d'où il suit que, loin de leur faire injustice, & de leur causer aucun tort, on les sert au contraire, & on leur procure un très grand avantage, en les faisant passer, sous une servitude incontestablement plus douce & plus supportable que celle dont on les tire, c'est que je vais prover dans les Chapitres suivans. |
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