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A la Mémoire
du Grand Martyr de la Cause Yougoslave
Alexandre Stamboulisky
Ces impresssions d'un séjour dans les Balkans parmi les paysans yougoslaves et les terroristes macédoniens
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le Rêve criminel des Comitadjis bulgares
Une Macédoine ‘indépendante’ sous leur terreur
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Avant-Propos
Ceux qui ont étudié les Slaves du Sud ont été frappés de l'affinité surprenante existant entre les Slovènes, les Croates, les Serbes et les Bulgares. Chez ces derniers, il est vrai, l'influence du proche Orient est davantage marquée, du fait de la domination moyenageuse de ce pays slave par les Bulgares, de race tartare et qui, bien que conquérants, furent obligés d'accepter plus tard la langue et les moeurs slaves.
Cette affinité de race, de langue et de moeurs. si accusée entre les Serbes et les Croates au'euxmêmes s'y trompent, a provoqué au XIXe siècle un mouvement national logique et naturel, connu sous le nom de ‘mouvement yougoslave’ et dont le but était la fusion de tous les Slaves du Sud en un Etat indépendant.
Les précurseurs de ce mouvement yougoslave ont été fort nombreux surtout chez les Serbes, les Croates et les Slovènes, mais son âme fut, dès 1850, le fameux archevêque croate Juraj Strossmayer (1815-1905), créateur de l'Académie yougoslave de Zagreb, de l'Université yougoslave de Zagreb et de la fameuse cathédrale catholique de Djakovo consacrée ‘A la gloire, à l'unité des églises, à la concorde et l'amour de notre peuple’. Il est à noter, que grâce aux travaux du grand savant serbe Vuk Karadjiz (1787-1864), principa-
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lement à son dictionnaire de la langue serbe, à son recueil de poésies nationales serbes et à sa grammaire phonétique, il a été procédé à l'unification de la langue littéraire serbo-croate par l'adoption du dialecte herzégovinien, aujourd'hui couramment usité par tous les Serbes et les Croates. La Serbie, d'autre part, se libérant progressivement et complètement du joug turc, fut pendant tout le XIXe siècle le centre d'attraction réelle de cette volonté qu'avaient les Slaves du Sud de se libérer de la domination étrangère.
La Macédoine, province yougoslave, se trouvait au moment de la guerre balkanique dans un état lamentable tant au point de vue intellectuel qu'économique. Ravagée et continuellement exploitée par les Turcs pendant les siècles de leur domination, la Macédoine slave, au cours du XIXe siècle, n'avait que Belgrade et plus tard Sofia pour défendre ses droits opprimés; là se réunissaient les patriotes macédoniens décidés à parvenir à leurs fins. Les Serbes, dont l'empire, au Moyen âge, se trouvait justement en Macédoine, ne se souciaient guère du sort futur des Macédoniens qu'ils considéraient comme des Serbes purs en attendant le moment de les voir libérés et réunis à la Serbie. Les Bulgares, qui rêvaient, eux aussi, de reconstituer leur état moyenageux faisaient le même calcul, encore qu'ils ne pussent baser leurs prétentions sur des données historiques, voir même dialectiques. L'Etat bulgare du Mogen âge était, comme on le sait, un Etat où les Slaves n'avaient rien à dire et où toutes affaires se résumaient entre les mains des conquérants
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bulgares. Le même hasard voulut qu'en 1878, lorsque la Bulgarie fut devenu un Etat indépendant, l'orientation de sa politique en général tombat de nouveau entre les mains de princes d'origine étrangère ne comprenant rien au sentiment national et ne pouvant, partant, qu'exposer la Bulgarie aux mésaventures et aux défaties. Ce fut le cas en 1913 et 1915. Ces princes étrangers rêvaient de reconstituer l'empire de Byzance. Pour y parvenir tous les moyens devaient leur paraître bons. En ce qui concerne la Macédoine, les prétentions de ces princes étrangers, naturalisés bulgares, se firent rapidement jour au moyen d'une propagande bulgarophile basée sur l'exarchat même par lequel l'église orthodoxe bulgare se proclamait indépendante des églises orthodoxes serbes et grecques. Mais ce qu'ils accomplirent de pire, ce fut d'introduire dans cette propagande bulgarisante et anti-serbe, la fameuse V.M.R.O., organisation révolulionnaire de patriotes macédoniens, dès son origine en révolte permanente contre les Turcs et qui par la suite, soumise au gouvernement bulgare, essaya par des actes terroristes d'obliger les Macédoniens à accept er l'exarchat et l'école bulgare. L'alliance, de courte durée, entre les Serbes et les Bulgares dans la première guerre balkanique et grâce à laquelle la Turquie fut presque refoulée de l'Europe, n'a pu modifier ce fâcheux état de choses. Quoiqu'il en soit, on se rappelle encore l'enthousiasme débordant de tous les Slaves du Sud en 1912 lors de la première guerre balkanique qui libéra tous les Slaves du Sud de Turquie. Malheureusement, cette guerre victo-
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rieuse contre la Turquie, entreprise en plein accord par les Bulgares et les Serbes, dégénéra
peu après, par la faute des dirigeants de Sofia, en une guerre fraticide dont l'enjeu était la Thrace, de nouveau reprise par les Turcs.
La Serbie, reconnue définitivement après la guerre balkanique par tous les Serbes, Croates et Slovènes d'Autriche-Hongrie comme l'organisme d'où naîtrait leur future liberté, était, dès 1912, admirée et recherchée par toute la jeunesse yougoslave d'Autriche-Hongrie. Même les agrariens bulgares, malmenés par le tsar Ferdinand et ses gouvernements réactionnaires, ne pouvaient que respecter et envier l'esprit démocratique et coopératif qui se développait en ce tempslà en Serbie. Toutefois le temps manquait vraiment à cette Serbie accrue de la nouvelle province de la Serbie du Sud ou Macédoine pour démontrer qu'après la juste victoire où s'était jouée la destinée yougoslave, elle serait encore capable de prouver que par l'union avec la Macédoine elle ne faisait que servir cette volonté mystérieuse par laquelle les Etats nationaux ont été créés au cours du XIXe et au commencement du XXe siècle.
La guerre européenne éclata une année après. On sait comment et par quelle somme d'héroïsme et de sacrifices, après plusieurs victoires remportées contre les armées des Empires centraux, et l'exode à travers l'Albanie de tout un peuple luttant pour sa liberté, la Serbie sortit victorieuse de la guerre européenne et se confondit, en 1918, après l'effondrement de l'Autriche-Hongrie, dans
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l'Etat de tous les Serbes, Croates et Slovènes.
Pendant ce même temps, le tsar Ferdinand dit ‘Le Félon’, entraînait à nouveau, dès 1915, la Bulgarie dans une lutte fratricide, et non seulement cette fois contre les Serbes, mais aussi contre tous les autres Slaves du Sud de l'Autriche-Hongrie qui, avec le Comité yougoslave de Londres à leur tête, faisaient cause commune avec la Serbie dans la lutte libératrice. Cette autre fausse manoeuvre de la Bulgarie s'acheva dans la débâcle prévue par les vrais patriotes bulgares: la révolution des agrariens et l'abdication du tsar Ferdinand.
C'est à ce moment - 1918 - qu'un grand tribun bulgare, Stamboulisky, possédant toutes les vraies qualités du paysan bulgare, vit s'ouvrir devant lui les portes de la prison où le tsar Ferdinand l'avait tenu enfermé durant plusieurs années. Au cours de quatre années de pouvoir. Stamboulisky dota la Bulgarie pour la première fois d'un gouvernement vraiment national et populaire, d'un gouvernement éclairé et yougoslave dans son essence. C'est ainsi que l'on put voir à Sofia en 1922, à l'occasion d'un congrès des agrariens auquel assistaient 40.000 paysans bulgares, Stamboulisky à la tête du cortège et suivi d'un étendard sur lequel était écrit: ‘De la Mer Noire jusqu'aux Alpes et de la Mer Egée jusqu'à l'Adriatique, vivent les Yougoslaves!’ En ces quelques mots tenait tout le programme national de Stamboulisky et de ses partisans bulgares qui sont une majorité importante, presque l'unanimité du peuple bulgare.
Un sort tragique n'a pas permis à Stamboulisky
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de réaliser cette grande idée. Il fut massacré, en 1923, nul ne l'ignore, avec 20.000 de ses compatriotes, par ces mêmes serviteurs des princes voués à des influences étrangères, notamment par les membres de la V.M.R.O. dépourvue après la guerre de tout idéalisme et vivant seulement de crimes et par le crime.
La Bulgarie depuis ce moment se trouve clandestinement gouvernée par la V.M.R.O. et dont les gouvernements qui se succèdent ne sont en réalité que les jouets. Le mécontentement des paysans bulgares, qui représentent plus de 80% de la population, finira par déborder un jour contre cette poignée de criminels professionnels; c'est alors seulement qu'apparaîtra la grandeur de l'oeuvre de Stamboulisky, devenu depuis son martyre presque un dieu pour les paysans bulgares.
Laissant là ces événements éphémères ainsi que les difficultés qu'ils ont occasionnées, on peut affirmer sans peur d'être un jour contredit que le mouvement yougoslave est devenu une réalité avec laquelle l'Europe doit compter, la Yougoslavie d'aujourd'hui, réunissant en un seul peuple des Serbes, des Croates, des Slovènes. Depuis ces quatorze dernières années, c'est-à-dire depuis que cet Etat existe, on va voir se briser tout mouvement de tendance antiyougoslave ou séparatiste. Le roi Alexandre a doté l'Etat du nom officiel de ‘Yougoslavie’ et la constitution yougoslave de 1931 incarne le credo yougoslave comme la politique fondamentale de l'Etat. La Yougoslavie réelle est faite de l'application
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progressive de tout ce qu'il y a de bon et d'utile dans chacune de ces trois branches d'un même peuple. Elle est faite aussi de l'abandon de tout ce qui peut entraver le progrès intellectuel et économique, au demeurant fort remarquable. Les Serbes et les Croates ont adopté pour ainsi dire spontanément la même longue littéraire. La Serbie, de son côté, a mis sans regret, sur le même rang que les autres religions, la religion orthodoxe, primitiuement religion d'Etat. Elle a changé aussi son drapeau national. Serbes, Croates et Slovènes, que la vie courante dissémine actuellement à travers toute la Yougoslavie, cimentent chaque jour plus puissamment leur conscience yougoslave. Les Bulgares d'autre part, ceux notamment qui appartiennent au parti agrarien, de même que leurs chefs qui purent échapper au massacre de 1923 et se trouvent actuellement comme émigrés politiques dans les principales capitales d'Europe, affirment ouvertement qu'ils sont eux aussi des Yougoslaves et qu'ils le prouveront avant longtemps.
Ce jour-la là V.M.R.O. ne représentera plus qu'une page noire dans l'histoire contemporaine des Staves du Sud.
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