par le menton et me regarda un moment, mais je fermai les yeux pour ne pas me livrer... il me donna encore deux francs.
Je sentais très bien que, pour les hommes, une prostituée est un être hors nature, incapable d'aucun sentiment humain, et seulement apte aux conceptions viles. Il n'est même pas besoin, pour eux, d'être prostituée: il suffit d'être une petite fille indigente et à leur merci...
Un jour, chez un peintre, une dame de ses élèves venait de partir. Le peintre me dit de retourner un tableau qu'il avait acheté dans une vente; il voulait le montrer à un de ses amis qui était là.
- Mon cher, je ne pouvais pas te le montrer devant cette dame, mais regarde ça!... cela ne vaut rien comme art, mais c'est d'un cochon!...
Et, à eux deux, ils faisaient, en riant, ressortir le côté malpropre du sujet.
La dame qui venait de quitter avait quarante ans; moi, j'en avais dix-sept, ces hommes ne savaient rien de ma vie...
Je me croyais donc de bonne foi vouée à ces abjections. J'étais cependant sûre que, si j'avais été riche et artiste, je n'aurais pas acheté ce tableau rien que parce qu'il était ‘cochon’.
Aussi étais-je ahurie et charmée quand Stéphanie traitait les hommes de voyous.