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Résumé
Pieter Vlaming (1686-1734)
1. Introduction.
De l'oeuvre du poète Pieter Vlaming (1686 -1734), on ne connaît que peu de chose. La cause en est qu'il n'en est jamais paru de recueil imprimé, vraisemblablement parce queson Histoire d'Amsterdam (Geschiedenis van Amsterdam), restée inachevée, a retenu de beaucoup le plus d'attention.
A l'issue de nombreuses recherches, nous pouvons établir la liste ci-dessous de poèmes, traductions, morceaux en prose, entre autres des lettres et des éditions d'auteurs décédés: ce sont 28 poèmes originaux, 7 traductions plus ou moins longues de poèmes; en prose, une dissertation sur la satire, les biographies de 4 poètes, deux essais historiques plus courts, un certain nombre de pages de prose, consacrée ‘Au Lecteur’ (Aan den Lezer); à cela, il convient d'ajouter 9 publications remarquables d'oeuvres d'autres auteurs et quelques morceaux de prose latine, à savoir ceux qui sont joints aux publications en latin et une élégie pour Théodore Boendermaker, ainsi qu'un poème de jeunesse. De son Histoire d'Amsterdam (Geschiedenis van Amsterdam), il est probable qu'au moment de sa mort, un premier chapitre, formant un tout en soi, se trouvait prêt à mettre sous presse ou était peut-être même déjà sous presse. Comme recueil, nous ne disposons aujourd'hui que de celui des
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Divertissements Poétiques (Dichtlievende Uitspanningen), (1710), parmi lesquels, á côté de nombreux poèmes de J.B. Wellekens, se trouvent quatre poèmes de Vlaming, dont deux ont été composés par lui avant sa vingtième année. Le seul poème champêtre ‘Hogerwoert’ a suffi à faire parvenir son nom jusqu'à nous. P.A.F. van Veen a étudié ce poème dans sa thèse sur les poèmes champêtres. Pieter Vlaming luímême a été l'objet d'un bref exposé dans Silvander (Jan Baptista Wellekens) 1658-1726 de la main de Dr. R. Pennink. C'est cette dernière étude qui est à l'origine de l'importante question de l'existence éventuelle du style Rococo aux Pays-Bas (C. Geerars et W.C.J. Buitendijk) et celle de savoir dans quelle mesure les poètes néerlandais ont été influencés de façon directe par la littérature italienne.
En 1917, Th.E.C. Keuchenius remémore ‘Pieter Vlaming en tant que poète de la nature’. Il est indéniable que Pieter Vlaming a été influencé par J.B. Wellekens. Ce dernier, qui naquit en 1658 à Alolst, en Belgique, a été pendant une courte période élève du peintre Anthonie de Grebber à Amsterdam, puis il partit pour l'Italie (1676), où il gagna sa vie comme peintre. Vers 1687, il revint à Amsterdam, devenu incapable de gagner son pain de cette façon, par suite de l'affaiblissement de sa vue qu'avait causé une hémorragie cérébrale. Une première publication de ses poèmes vit le jour en 1710 dans les Divertissements Poétiques (Dichtlievende Uitspanningen), de concert avec ceux de Pieter Vlaming. On pourrait voir dans ‘Lyris’, lors de la ‘bataille des poètes’ une caricature de la personne de Wellekens.
Un second ‘ami-dans-sa-vie-d'artiste’, fut Jean Goeree (1670-1731): il était allié, du côté maternel, à la famille des célèbres imprimeurs de De Jansonius van Waesbergen. Il resta célibataire et habita, jusqu'à sa mort, dans la ‘Leidsestraat’, où il exerçait le métier de libraire, de peíntre et d'illustrateur. Après la mort de leur père, ses frères continuèrent de diriger l'imprimerie de celui-ci. De nombreuses commandes, entre autres la décoration picturale de plafonds de l'hôtel de ville d'Amsterdam, quantité d'illustrations de livres, attestent le grand renom de Jan Goeree dont les travaux devinrent des thèmes directeurs. Ses poèmes ont été édités à titre posthume sous le nom de Poèmes Mêlés (Mengelpoëzie).
Gérard Muyser s'inscrit comme troisième ami de Pieter Vlamíng á qui il apporta son appui financíer dans la mesure où ce fut nécessaire. Il était marchand de soie et de soieries dans la ‘Warmoesstraat’ où il
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est né et y fut èduqué; après la mort de son père, il hérita la propriété campagnarde de celui-ci, ‘Endenhout’ à Haarlem.
Ces trois amis ont conseillé Pieter Vlaming à l'occasion de sa première publication, la ‘Dissertation sur les satires et Poètes satiriques’ (Verhandeling van satiren en satirdichters). L'imprimeur Willem van Kessel fut l'initiateur de l'édition de Toutes les Satires de Juvénal et de Persius Flaccus qui comprenait aussi la Dissertation de Vlaming et sa traduction de deux satires. A ce sujet, van Kessel s'était d'abord adressé à Lukas Schermer.
Wellekens, Goeree et Muyser étaient tous les trois de grands admirateurs de l'Italie; mais ont-ils en cela représenté un îlot unique ou bien existait-il à l'èpoque un groupe plus étendu que l'art italien intéressait?
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2. Divertissements Poétiques (Dichtlievende Uitspanningen).
Le plus souvent, c'est au sens artistique de ses lecteurs dont l'érudition devait être grande, que Vlaming fait appel. A l'exemple de Nil Volentibus Arduum, on honorait la conception: ‘ut pictura poesis’ (Horace A.P., 361, Ut pictura poesis erit quae si propius stes Te capiat magis, et quaedam si longius abstes). La peinture et la poésie sont soeurs. Il n'est pas question ici de la musique, quoique cet art prît sans aucun doute une place dans le sentiment esthétique de Vlaming. Vlaming et Wellekens désirent s'adonner à la ‘poésie légère’: ils veulent jouer de la flûte de Pan (sampogna), et non de la lyre.
Les poèmes des Divertissements Poétiques de Vlaming sont:
‘Amarillis, Chant Bucolique’ (Amarillis, Herderszang). Ce poème peut être considéré comme une petite pièce destinée à être jouée dans une école ou une petite fête de famille et en tant que telle, elle satisfait entièrement.
‘Tableaux Rimés’ (Berymde Tafereelen), tableaux peints par Barend Graat, d'après des modèles tirés de ‘l'Iconologie’ de Ripa (Iconologia) et décrits par Vlaming dans le style de son temps; cette manière se retrouve dans les peintures de Lairesse dans la villa ‘Messina’ de Philippe de Flines, par exemple.
‘Hogerwoert’: le poème le plus important du recueil; il compte 1084 vers comprenant cinq iambes chacun. Dans la ‘Préface’ (Voorrede),
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Vlaming parle du poète Marino, ce qui est l'indice d'une certaine vénération pour l'Italie mais devait être due ici surtout aux sujets idylliques probablement de La Sampogna.
De son poème s'exhale l'amour de la simplicité, de la sérénité de la campagne; il veut, à l'instar de Constantin Huygens dans son poème ‘Hofwyck’ et de Westerbaen dans ‘Ockenburg’, immortaliser la propriété de ‘Hogerwoert’. Suivant l'exemple de Westerbaen, Vlaming divertit ses lecteurs par divers intermèdes historiques où il a inséré de la littérature moderne. On remarque une certaine régularité dans la composition amenée par l'alternance des parties descriptives et des intermèdes. Les descriptions de fleurs, de fruits et de légumes sont plus étendues que dans aucun autre poème lyrique et attestent l'amour de l'auteur pour son sujet et la grande connaissance qu'il en a. Dans les digressions, on peut distinguer des critiques d'ordre social (10), des images tirées de la mythologie de l'antiquité (16), des allusions historiques (11) ou bibliques (8) et des maximes moralisatrices (4), ces dernières occupant souvent plusieurs vers. Aussi l'oeuvre ne peut-elle être qualifiée de symbolique-emblématique, mais plutôt de lyrique - descriptive. La nature y est observée avec attention et rendue sans exaltation, mais de façon saisissante. Vlaming a emprunté aux écrivains de l'antiquité quelques motifs courants comme l'aetas aurea, la vie de béatitude du laboureur (beatus ille), la peinture des saisons. Il n'y manque que les recommandations relatives aux soins à donner au jardin et aux arbres fruitiers, comme la greffe, et la description de la vie des abeilles qu'on lit chez Virgile et ses imitateurs.
La différence la plus frappante entre Huygens et Vlaming en tant que poètes champêtres, c'est le point de vue où chacun d'eux se place: Huygens est le fondateur, fier de son oeuvre culturelle, Vlaming est l'amoureux de la nature, qui jouit, dans la propriété paternelle, de la beauté des environs. ‘Hogerwoert’ a plus de points communs avec Ockenburg qu'avec Hofwyck, entre autres les intermèdes historiques, le nombre relativement élevé des fleurs décrites, la peinture détaillée des saisons.
Il y a à peine de ressemblance entre ‘Hogerwoert’ et d'autres poèmes champêtres du 18ème siècle, sans doute parce que ces derniers étaient destinés à assurer le renom des propriétaires et non pas à exprimer la beauté de la nature.
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‘L'Oraison Funèbre d'Hieronymus Angérianus’ (Lykgedachtenis van Hieronymus Angerianus). Dans ce poème, Vlaming traite une pure donnée littéraire qui se situe et est élaborée aux alentours du tombeau de Virgile et de la propriété de Sannazaro. La forme s'apparente aux oraisons funèbres de l'antiquité aussi bien qu'au drame classique, où les actes sont remplacés par cinq élégies. La longueur irrégulière des vers et le schéma variable des rimes font de ce poème une expérience remarquable. L'intrigue peut en être comparée à celle d'Aminta, du Tasse (Torquato Tasso), en en différant toutefois par le fait que la pièce du Tasse exigeait un dénouement heureux, tandis que Vlaming relate la mort tragique de son héros.
Dans les Divertissements Poétiques, ce qui nous frappe, c'est la culture de Vlaming, l'intérêt, non dénué de sens critique, qu'il manifeste pour l'histoire, son amour de la nature; le besoin qu'il a de repos et de silence s'exprime dans ‘Hogerwoert’. Si théâtral que puisse nous paraître l'‘Oraison Funèbre de H. Angérianus’, les caractéristiques que nous venons d'énoncer sont également présentes dans cette oeuvre.
Chacun des quatre poèmes a constitué une expérience pour le jeune artiste: on y sent une évolution, point une croissance régulière, docile. D'admirateur de Marino, Vlaming est devenu un imitateur - éloigné - du Tasse.
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3. Poèmes Epars (Verspreide Gedichten).
On y trouve, imprimés, trois épithalames, datant d'avant 1710, qui tous les trois montrent cette progression; le dernier, destiné à Jan van Meekeren et Margarethe Rutgers, mérite même le prédicat de beau.
Nous sont parvenus - en manuscrits seulement - (UBA., Bibliothèque de l'Université d'Amsterdam): un panégyrique dédié à un certain Breukman, juriste, de l'époque où Pieter Vlaming était étudiant et trois poésies sur l'amour qui sont de belle teneur et, dans le même manuscrit, deux emblèmes de l'amour qui nous sont ainsi transmis par Vlaming. Cinq poèmes de commande, composés avant 1720, se trouvent imprimés, chacun d'eux dans l'oeuvre à laquelle il se rapporte. Ils révèlent beaucoup de métier et du sens artistique: expression de l'essentiel où les fioritures trop luxuriantes sont évitées.
Deux chants funèbres (pour Lukas Schermer et Joan van Broekhuizen)
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qui ont aussi un sens très profond. Dans le dernier, Vlaming rompt une lance contre les offenseurs de la mémoire de Van Broekhuízen et s'affirme comme un des paladins de David van Hoogstráten dans la lutte contre Jean le Clerc et ses acolytes.
Les poèmes les plus importants de ce groupe sont les Poésies Annuelles de 1714 et 1715 pour la chambre de rhétorique de Haarlem ‘Trouw moet blijken’, vraisemblablement une allusion à la bataille des poètes. La première qui s'intitule ‘Louange à la Fidélité’ (‘Lof der Trouwe’) est un hymne de triomphe, suivant le modèle de Pétrarque, et peut être considérée comme la prise de position dans le combat.
La deuxième, appelée ‘Alcides’ (Hercule), pourrait être tenue pour la description des partis combattant et peut en outre enfermer un programme pour les adeptes de David van Hoogstraten: ‘l'étude des leçons et des oeuvres de nos prédécesseurs est fort importante’.
‘La Louange de l'Amitié’ (‘Lof der Vriendschap’) doit être considérée comme l'apogée de l'art poétique de Pieter Vlaming.
Ce poème est compris dans son édition de l'‘Hertspieghel’ de Spiegel. Le sujet en est la description de l'insaisissable notion d'‘Amour’, de l'indéfinissable sentiment de l'‘Amour’: ici, pas de figures symboliques ou mythologiques, pas de répétitions ou d'énumérations de figures de rhétorique par exemple, mais l'approche respectueuse de la toute - puissance du Créateur. Vlaming se perd dans l'immensité de l'univers, et se considère comme une parcelle merveilleuse, engendrée par le démiurge. Les exemples de l'amitié et la strophe finale sont assujettis à l'époque mais rendent fidèlement ses pensées.
Tous les poèmes composés après 1723 existent en impression; les deux panégyriques écrits à l'occasion du centenaire de l'Athenaeum Illustre (l'Illustre Athénée) sont les plus importants; ils diffèrent par le ton, ce qui les caractérise comme étant adressés l'un au magistrat, l'autre aux étudiants et anciens étudiants de l'école en liesse.
Les caractéristiques du style poétique de Vlaming exposés par nous à la fin du chapitre 2, sont valables ici également.
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4. Traduction de l'Arcadie d'Actius Sincerus Sannazarius.
Le récit en prose de l'Arcadie a été littéralement traduit par Vlaming en très bon néerlandais. Dans les chants il s'est permis quelques libertés
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pour obtenir de bonne poésie néerlandaise, ne faisant pas usage de la même forme de vers que Sannazaro. Cependant, il reste bien plus proche de l'original italíen que le traducteur françaís, Jehan Martin (1514).
La traduction de Vlaming étant terminée au printemps 1716, il voulut alors écrire une biographie de Sannazaro et c'est en 1730 seulement que paraît la traduction imprimée, de concert avec la ‘vie’ de Sannazaro et l'‘Histoire de la Maison d'Arragon’, qui a régné à Naples.
On se trouve en présence de graves difficultés quand il s'agit de porter un jugement sur la traduction des quatrième et septième chants pastoraux, pour lesquels Sannazaro a employé les ‘sestine lirice’. Vlaming maintient cette forme, maís pour rendre les chants plus attrayants, il use d'un mètre avec quatre accents par vers, avec huit syllabes non accentuées, dont six dans le corps du vers, une au commencement et une à la fin du vers. Une syllabe non accentuée peut être remplacée par une pause. Après Sannazaro, l'arcadíe est devenue un genre très fréquent en littérature. Aux Pays-Bas, l'Arcadie Batave (Batavische Arcadia) de Johan van Heemskerck fut imitée avec ferveur. L'intérêt de la traduction de Vlaming est justement qu'à côté de ces récits artificíels, elle met sous les yeux du lecteur de nouveau la vie originale, naturelle, de simples bergers. En outre, par cette traduction, il élargit le champ des sentiments qu'on peut mettre en vers: il ne s'agit plus seulement de l'échec éprouvé dans les relations avec l'aimée, mais aussi de la douleur que l'on ressent à l'occasion de la mort d'un père, d'une mère, de la ruine de la patrie qui peut fournir des sujets d'élégies: l'échelle des sentiments que l'on peut chanter s'allonge ainsi énormément.
En portant ainsi l'attention sur Sannazaro, Vlaming montre la nécessité d'une réorientation vers la littérature italienne.
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5. Prose.
Comme oeuvre en prose importante, il convient de citer la ‘Dissertation sur les satires et les Poètes satiriques’ (Verhandeling van satiren en satirdichters) dans laquelle il a donné un aperçu historique allant de l'antiquité à son époque.
Les préfaces des diverses oeuvres sont d'une grande profondeur et écrites en bon néerlandais.
Ses récits de la vie de H.L. Spiegel et de Jac. Sannazaro témoignent
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d'un travail scientifique consciencieux, contrairement aux schémas sommaires et d'un style facile de la vie de Lukas Schermer et de celle de Jan Baptista Wellekens.
C'est dans l'histoire que Vlaming voyait son idéal mais il s'éteignit malheureusement avant même que le schéma de son Histoire d'Amsterdam (Geschiedenis van Amsterdam) fût pour la plus grande partie achevée. On peut reconstituer la plus grande part de ce que l'héritage en avait inclu grâce aux lettres conservées dans les archives de Huydecoper (RAU.: ‘Archives Nationales d'Utrecht’), ainsi que l'histoire du coffre que Huydecoper s'était illégalement approprié et qu'il a gardé huit ans par devers lui.
La correspondance de Vlaming n'a été conservée que pour une petite partie. L'érudit Cornelis van Alkemade à Rotterdam, le poète Joan de Haes à Rotterdam, François van Limborgh à la Haye-qu'intéressait l'histoire- c'était le beau-frère de De Riemer, l'auteur de l'Histoire de la Haye (Geschiedenis van 's-Gravenhage), voilà les correspondants les plus importants.
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6. Littérature et Science.
Pieter Vlaming avait une connaissance approfondie du latin qui lui avait été enseigné dès sa jeunesse, mais aussi du grec, ce qui est prouvé par quelques écrits et publications. Il ne faudrait toutefois pas surestimer son mérite en la matière: quantité d'oeuvres, accompagnées de commentaires nombreux avaient déjà été éditées. Plusieurs dictionnaires avaient paru qu'on peut qualifier d'encyclopédies spécialisées, comme par exemple le ‘Trésor des Antiquités Néerlandaises’ (Schatkamer der Nederlandsche Oudheden), de Lud. Smids.
Les manuscrits et anciens ouvrages latins imprimés qu'il édita après 1725, avaient été achetés par lui à la vente aux enchères de la bibliothèque de David van Hoogstraten: ces ouvrages provenaient presque tous de la bibliothèque de Joan van Broekhuizen, certains étaient même annotés de la main de ce dernier et quant aux autres, ils étaient accompagnés de nombreux commentaires. Ce sont seulement les Opera Latine scripta de Jac. Sannazaro que Vlaming a étudiés lui-même, après quoi il a comparé ses annotations avec celles de Van Broekhuizen.
Le catalogue de la vente aux enchères de la bibliothèque de Vlaming
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(1734) énumère les titres d'une collection inestimable de livres qui constituent déjà une source d'informations quant au bagage intellectuel de Vlaming.
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7. L'histoire de sa vie.
L'arrière-grand-père de Pieter Vlaming était un batelier de l'île de Vlieland, son grand-père avait épousé une jeune fille de Stavoren, une mennonite de famille aisée, propriétaires terriens dans le jeune polder ‘De Wiel’. Ce grand-père, d'abord instituteur dans sa jeunesse, devint ensuite négociant à Amsterdam. Le père de Vlaming, avocat à Amsterdam, épousa une mennonite distinguée, Christina van Beeck, fille de négociants, et après la mort de celle-ci, se remaria avec Agneta Block, nièce de la célèbre Agnès Block, la cousine et amie de Vondel: celle-ci possédait une propriété située sur la rivière de la Vecht, le ‘Vijverhof’.
Quand il eut 18 ans, Vlaming alla faire ses études de droit à Leyde, mais en 1705, après la mort de son père, il semble que sa vie ait pris un autre tournant. En 1706, il est marié à Wynanda, la fille du brasseur Calkoen et paraît avoir alors abandonné ses études: la poésie est son idéal. Il habitait la plus grande partie de l'année, avec sa famille, la propriété de ‘Hogerwoert’, près de Haarlem; en outre, il installa à Amsterdam une boutique de produits alimentaires où il vendait, entre autres, du fromage, fait que Zeeus remémore dans son poème: ‘De la Décadence de la Poésie Néerlandaise’ (Het verval der Nederduitsche Dichtkunst). Le frère de Pieter Vlaming lui donna beaucoup de soucis par sa vie de dissipation et d'immoralité.
L'année 1717 fut une période difficile de sa vie sans doute aussi à cause de la bataille des poètes.
La demande de l'imprimeur Andries van Damme de rééditer le Hertspieghel de Hendrik Laurensz. Spiegel et le contact qui en découla avec Cornelis van Alkemade et Lambert ten Kate, le tira d'affaire, de concert avec sa nouvelle fonction de comptable des V.O.C. (Compagnies des Indes Orientales). Sa nomination et ses instructions sont consignées dans les ‘Archives Coloniales’ à la Haye. Il consacra ensuite beaucoup de temps à des travaux scientifiques, surtout à des recherches historiques; en même temps et jusqu'à quatre ans avant sa mort, il fut occupé par
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l'édition de l'Arcadie de Sannazaro et par les études que ce travail impliquait.
De ses fils, les trois qui atteignirent l'âge adulte restèrent célibataires; des trois filles, mariées l'une à Jan van Sypesteyn (qui émigra aux Indes avec sa famille), les autres à Jan Sels et à Quiryn Verhuell, tous deux appartenant à des familles distinguées de la Gueldre, naquit seulement une nombreuse progéniture de petits Sels, parmi lesquels on compte le poète Jacques Perk. Le petit-fils de Quiryn Verhuell et Christina Wijnanda Vlaming fut le poète A.C.W. Staring.
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8. Conclusion.
Chez Vlaming nous admirons la connaissance de la littérature de l'antiquité et de la renaissance italienne et française. Le lecteur de ses poèmes est censé posséder une certaine érudition; celle-ci, qu'escortent les annotations de Vlaming, doit à la lecture évoquer un monde fictif, plaisant. C'est en tant que poète que Vlaming veut captiver son public, non point en tant qu'érudit: il recherche la fantaisie, non point la science, l'agréable, non point l'utile: ce n'est pas un auteur didactique.
Son travail atteste l'observation pure, et est honnête: les détails décoratifs ne débordent pas sur l'essentiel.
La sensibilité est subordonnée à l'observation intellectuelle, mais ne manque pourtant pas de s'exprimer. La source la plus importante d'inspiration pour Vlaming, c'est la nature. Il dispose sa matière comme pour un tableau vivant (ut pictura poesis).
Ces caractéristiques marquent une simplification du style baroque du dix-septième siècle, un équilibre entre l'intelligence et la sensibilité.
Si le Rococo, comme courant artistique, eût été introduit aux Pays-Bas, c'est Vlaming qui aurait dû en être l'initiateur avec J.B. Wellekens. D'après une lettre de Pieter Vlaming au savant italien Giusto Fontanini, il a été en contact direct avec G. Mario de Crescimbeni, le chef de l'Académie Arcadienne de Rome, oú l'on pratiquait le style Rococo depuis 1695 environ.
Cependant, le caractère essentiel du Rococo, le ‘jeu galant’ est absent chez nos poètes: ce sont l'étude, la satire comme genre poétique et leurs affaires qui les ont occupés. Toutefois, ils se sont bien consciemment appliqués à la poésie légère: leur instrument, c'est le flûte de Pan
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(sampogna), comme elle avait résonné au quinzième siècle dans les bois et les champs italiens.
Il nous reste encore à répondre à la troisième question posée dans l'introduction: celle de la diffusion de l'intérêt que portèrent les Hollandais à l'art italien.
A Amsterdam, de nombreux négociants, tout particulièrement les marchands de soie et d'articles en soie, mais aussi ceux qui importaient des denrées alimentaires d'Italie, avaient des relations dans ce pays. On enseignait l'italien, entre autres à Leyde. A l'époque où il faisait ses études en cette ville, Vlaming devait déjà éprouver de l'admiration pour la littérature italienne et les vers latins de Sannazaro. L'admiration que les hommes du dix-septième siècle avaient éprouvée pour Marino avait encore en lui des résonances.
A coté des sentiments relatifs à la littérature, on s'intéresse aussi vivement, au dix-huitième siècle, aux arts plastiques de l'Italie. De nombreux spécimens se trouvent désignés dans les catalogues des ventes aux enchères où ils sont toujours placés en tête.
Plusieurs des relations et amis de Vlaming ont fait des voyages en Italie. Il est probable que Vlaming et son milieu de Mennonites et d'autres dissidents intellectuels, ont eu, de par leurs relations avec les riches marchands et les magistrats, une assez grande influence ‘italianisante’. C'est ce qu'atteste aussi le portrait de Pieter Vlaming par Lamb. Bidloo dans son Anthologie des Poètes Bataves (Pan Poëticon Batavum) (1720).
Sur le terrain scientifique aussi, il convient de citer le nom de Vlaming: dans ce domaine également, ses relations furent nombreuses; il est évident que Balthazar Huydecoper a été influencé par lui, en particulier en ce qui concerne l'intérêt que ce dernier porta à Melis Stoke.
En conclusion, nous pouvons dire que le poème de ‘Hogerwoert’ (1710) est curieux en soi, il forme un témoignage du talent de Pieter Vlaming; que la traduction de l'Arcadie de Sannazaro (1730) a été de la plus grande importance pour les lettres néerlandaises du dix-huitième siècle; que Pieter Vlaming a joué jusqu'en 1720 un rôle dans la lutte contre le classicisme français par sa poésie et l'orientation vers la poésie italienne qu'il a donnée.
C'est un destin fatal pour la littérature néerlandaise qui a fait si jeunes disparaître Lukas Schermer, Jakob Zeeus et Joan de Haes et que Poot et Vlaming n'aient pas eu non plus davantage de temps pour travailler.
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Pièce annexée
La bataille des poètes (de Poëtenstrijd).
L'intérêt de Vlaming s'est déjà tôt éveillé à la satire: dans son premier poème du genre, il s'élève contre l'hypocrisie des ‘chrétiens’. Dans l'oraison à la mémoire de Joan van Broekhuizen, il se range au côté de David van Hoogstraten. Il est probable que c'est lui l'alouette et également lui, Lyris, dans la ‘Fable du Chien de chasse et l'Alouette’ (Fabel van de Jagthond en Leeurik) de Jakob Zeeus. Qu'il se soit mêlé à la lutte entre Joan de Haes et P.A. de Huybert van Kruiningen appert de sa correspondance avec De Haes. Nous y lisons que ces poètes désapprouvent fortement la vanité de Zeeus: Vlaming le compare à ce point de vue à Lukas Schermer. De Haes-aussi bien que Vlamingreconnaît le talent de poète de Zeeus. Il est probable que la lettre au post-scriptum, jointe à la série des ‘Monts Parnasse’ (Zangbergen) de Chrisostomus Matanasius (P.A. de Huybert van Kruiningen) est de la main de Vlaming. La bataille des poètes prend fin après la parution de cet écrit avec le poème: Les Chants Lyriques d'Anacréon rimés suivant le style néerlandais (De Lierzangen van Anakreon, in Nederduitschen Rijmtrant nagevolgt) par N.N. (P.A. de Huybert van Kruiningen). |
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