| |
| |
| |
Le garçon au bonnet rouge
door Alf. de Cock.
Verschenen in Revue des Traditions populaires. (Paris, Emile Chevalier et Ernest Leroux) - Tome XVIe (1901), p. 217-231.
Il était une fois un jeune homme qui, un certain jour, se mit en voyage.
J'ignore où il allait, mais il marchait et marchait toujours, jusqu'à ce qu'il se perdît dans une contrée sauvage.
Il avait une faim de loup et rien à se mettre sous la dent. Mais dans le lointain il aperçoit une grande tour; vite il s'y rend et se trouve devant un vieux, vieux château entouré de gros chênes et d'un large fossé. Sans crainte, il frappe à la porte. Un grand et vigoureux gaillard, avec une longue barbe et des yeux foncés lui ouvre la porte.
‘Monsieur, dit le garçon, j'ai perdu mon chemin, et comme j'ai mangé ma dernière tartine, je viens vous demander un peu de nourriture’.
- ‘Tu est bien audacieux d'oser mettre le pied ici, mais comme tu as l'air d'un bon garçon, tu peux entrer’. Le pauvre gars en fut enchanté.
Il comptait bien se faire bon ventre! Après on lui montrerait le droit chemin pour arriver sain et sauf à la maison.
| |
| |
Le châtelain, c'était lui qui ouvrait, avait justement tué un sanglier, et en servit un bon morceau à notre jeune homme. Il va sans dire qu'il s'en donnait à coeur joie. Pendant le repos,. le châtelain lui raconte qu'il habitait seul le vieux château avec un domestique, auquel il avait signifié son congé huit jours passés, et qu'il désirait le remplacer. ‘Une bonne affaire pour moi, pensa notre garçon. A la maison, je devais travailler dur, et jamais un bon morceau à croquer. Ici, ce sera une autre paire de manches: peu de besogne, et tous les jours un morceau de viande comme maintenant. Je vais m'engager comme domestique’.
Le propriétaire, content de la proposition, l'admit à son service. Le jeune homme s' acquittait parfaitement de ses devoirs et s'habituait fort bien chez son nouveau maître, dont il sut gagner toute la confiance.
Le châtelain allait souvent en voyage pour quelques jours, et voilà qu'un jour il dut sortir de nouveau.
- ‘Voici les clefs de toutes les chambres,’ dit-il au garçon. ‘Tu peux entrer partout, sauf dans trois pièces du premier étage, dont l'accès t'est absolument défendu: ce sont celles à droite du corridor’.
‘Que peut-il bien y avoir dans ces chambres?’ pensa le garçon en voyant s'éloigner son maître. Mais bah, bah, je ne suis pas une femme, et Dieu sait comment j'en sortirais, si je voulais y entrer’.
Un jour se passa sans que le garçon enfreignît l'ordre da maître. Le lendemain le même instinct de curiosité le poussa, mais il y résista encore. Cependant, le troisième jour, il n'y tint plus: prenant la clef, il ouvrit doucement la porte.
Ce qui s'offrit à ses yeux lui causait une surprise extrême: Les murs, les chaises, la table, tout était en argent. Il en fut tellement troublé, qu'il n'osa entrer dans la chambre; invo- | |
| |
lontairement il avança l'index, et celui-ci se changea aussitót en argent.
Il eut beau frotter et laver, rien n'y fit, cela le jeta dans une grande perplexité. Comment se tirer de ce mauvais pas? Il se mit un linge au doigt d'argent, et au retour du châtelain notre domestique lui fit accroire qu'il setait coupé le doigt. Le rusé domestique continua son travail sans jamais ôter la loque du doigt. Le châtelain, qui ne découvrit rien, avait foi en son domestique.
Bientôt après il repartit en voyage. Il remit encore les clefs au domestique, avec les mêmes recommandations. ‘Bah, bah, le châtelain ne s'apercevra de rien, comme il n'a rien remarqué à mon doigt. Ça doit être ici bien?lus beau que dans la première chambre!’
En effet, tout ce qu'il vit était de l'or pur, depuis le pavé jusqu'aux poutres. Comme il avançait la tête, toute sa chevelure se changea en or, et à chaque boucle pendait, en outre, une petite boule en or.
Inutile de laver et de frotter; cette fois il allait assurément être chassé. Mais il cousit à la hâte un bonnet rouge et s'en couvrit la tête jusqu'au oreilles.
A son retour, le châtelain demanda au domestique, qui avait l'habitude de courir la tête nue, pourquoi il portait maintenant un bonnet.
- ‘Monsieur, je me suis blessé en me heurtant, dans l'obscurité, contre la mangeoire du cheval; la blessure est grande, mais elle guérira bien vite’.
Cette fois encore rien ne transpira. Mais voilà que le maître dut, pour la troisième fois, aller en voyage, et ce pour six jours. En remettant les clefs à son domestique, il lui rappela de nouveau sa défense formelle d'entrer dans les chambres. Mais notre garçon ne sut pas résister longtemps à la tentation. ‘J'ai déjà un doigt d'argent et une tête d'or’,
| |
| |
se dit-il; ‘Dieu sait ce qui arriverait, si j'étais assez imprudent pour allez ouvrir la troisième chambre’.
Mais après quelques jours, une invincible curiosité s'empara de lui, il ouvrit la porte de la mystérieuse chaxnbre.
Il y avait là un grand cheval qui savait parler. ‘Sais-tu bien, dit-il au domestique, qu'il t'est défendu d'entrer ici? Le châtelain te chassera à son retour’.
- ‘Oh, cheval,’ dit le domestique, ‘mon maître m'a interdit l'entrée de trois chambres; mais cette défense a justement excité ma curiosité’.
Il raconta ensuite ses aventures dans les chambres en argent et en or.
- ‘Si tu veux, répondit le cheval, je te rendrai heureux. Je m'ennuie à rester seul ici; nous fuirons ensemble; prends un râteau, un trident et une brosse’.
Le garçon alla chercher les trois objets, et mit vite sa redingote.
Une minute après, il partit avec le cheval. Celui-ci, un vigoureux animal, savait courir comme un lièvre.
Chemin faisant, le cavalier pensa en lui-même: A quoi serviront bien ce râteau, ce trident et cette brosse? Mais il n'osa le demander au cheval.
Après trois jours de course, le cheval lui dit:
- ‘Regarde un peu derrière toi, si tu ne vois arriver personne’.
- ‘Non, personne encore’.
Le lendemain, le cheval dit de nouveau:
- ‘Regarde un peu maintenant’.
- ‘O mon Dieu! voilà le châtelain, s'écria le domestique; il court si vite qu'il nous aura bientôt rejoints’.
- ‘Jette le trident au-dessus de la tête’, ordonna le cheval.
| |
| |
- ‘Que signifie ça?’
- ‘Ça signifie que du cou? le maître restera de trois cent mille lieues en arrière’.
Et pendant deux jours ils continuèrent leur course, sans boire ni manger.
- ‘Regarde une fois derrière toi’, dit le cheval, ‘si personne ne nous poursuit’.
- ‘Le voilà, le voilà’, se lamenta le fugitif.
- ‘Jette le râteau au-dessus de la tête’, ordonna le cheval.
- ‘Que signifie ça?’
- ‘Ça signifie que le maître sera en retard d'autant de fois cent mille lieues qu'il a de dents dans le râteau’. Au même instant le persécuteur avait disparu.
Durant huit jours ils continuèrent encore leur voyage.
- ‘Regarde une fois derrière toi,’ dit le cheval, ‘si personne ne nous poursuit’.
Le châtelain était de nouveau à leurs trousses.
- ‘Mais’, demanda le domestique, ‘d'où vient que le maître sait aller beaucoup plus vite que toi?’
- ‘Il y a dans son écurie un cheval qui court deux fois plus vite que moi. Jette maintenant la brosse au-dessus de la tête’, ordonna l'animal.
- ‘Que signifie ça?’
- ‘Ça signifie que le maître sera retenu par une grande forêt, où les arbres seront aussi rapprochés que les poils de cette brosse, à telle enseigne qu'il n'en sortira plus.’
Au même instant ils aperçurent derrière eux une immense forêt, et leur persécuteur était devenu invisible.
- ‘Nous en voilà bien délivrés’, s'écria le cavalier avec joie.
Ils allèrent toujours, toujours, pour arrêter enfin dans une grande ville, où habitait le roi du pays.
| |
| |
- ‘Je resterai ici’, dit le cheval, ‘dans une écurie hors de la ville; tu tâcheras d'entrer au service du roi. En cas de besoin tu viendras me retrouver’.
Le jeune homme obéit à l'animal, et se rendit à la cour, royale.
On l'admit en qualité de relaveur.
Il se plaisait bien à la cour; il frottait et essuyait si bien Ies plats qu'ils luisaient, et à la fin de la semaine il empochait son salaire.
Ici non plus il n'ôtait jamais son bonnet et quand on lui en demandait la raison, il répondit: ‘J'ai eu une grave maladie à la tête; tous mes cheveaux sont tombés, et voilà pourquoi je porte un bonnet’. Depuis lors on le nommait le garçon au bonnet rouge.
Voilà qu'une grande guerre éclatait entre le roi du pays et un de ses voisins.
Tout le monde se fit soldat, personne ne fut exempt du service.
Le garçon au bonnet rouge alla demander au roi la permission de partir pour la guerre. ‘Mais que sauras-tu faire,’ lui dit le roi en riant, ‘un petit bonhomme comme toi, un souffle peut te tuer!’
- ‘Qui sait, sire,’ répondit le garçon, ‘prenons que je n'en tue qu'un seul, ce serait toujours un ennemi de moins’.
Et le garçon parlait tant et si bien, que le roi se laissa convaincre.
- ‘Eh bien’, dit-il, j'ai encore à l'écurie un vieux cheval à trois pieds, j'ai en outre dans une armoire à bricà-brac un sabre de bois, tu pourras ainsi aller combattre’.
Le relaveur, tout heureux, monta à cheval, attacha son sabre et partit cahin caha.
| |
| |
Il alla d'abord retouver le coursier du châtelain dans son écurie et lui raconta les évènements qui se préparaient.
- ‘Attache ton ‘trois pieds’ là dans le coin, et mets ton sabre de bois à côté’, dit le cheval. Puis il tourna trois fois sur ses pieds de derrière en disant: ‘Cent mille hommes habillés èn écarlate rouge!’
Et les cent mille hommes, armés de pied en cap, furent là au même instant et se rangèrent en ordre de bataille.
‘Saute sur moi’, dit le cheval, ‘ôte ton bonnet’.
D'un seul bond notre garçon se mit en selle et en avant, marche, sans perdre une minute.
Lorsqu'il arriva au champ de bataille, il vit que le roi, son maître, devait déjà reculer et qu'il perdait beaucoup de monde.
La nouvelle armée s'avança vers le centre, tuant ou blessant tout sur son passage, à telle enseigne qu'en un tour de main la bataille fut gagnée et les ennemis en fuite. Le roi, tout étonné de ce triomphe inattentu, voulut remercier son libérateur, mais ne parvint point à retrouver le guerrier à la tête d'or.
Le roi en fut aux regrets et s'en retourna à la cour, où il fut reçu avec enthousiasme. Sur ces entrefaites notre garçon revint au palais avec son cheval estropié et son sabre de bois.
‘Comment cela a-t-il marché?’ demanda le roi. ‘As-tu tué beaucoup d'ennemis?’
- ‘Sire’, répondit-il, ‘quand je quittai le champ de bataille, il n'en restait plus un seul’.
Le même soir notre relaveur reprit sa besogne à la cour, où l'on ne parlait que du roi à la tête d'or. On eut beau s'informer, et nommer tous les rois de la terre, pas un n'avait une tête aux boucles en or.
| |
| |
Quelque temps après, une nouvelle guerre éclata et tout le monde dut encore prendre les armes.
De nouveau notre garçon voulut accompagner. Il partit avec son cheval boiteux et son sabre de bois.
Tout d'abord notre cavalier alla retrouver son fameux coursier et lui raconta la situation critique dans laquelle se trouvait le roi.
‘Cent mille hommes habillés en écarlate blanche!’ cria le cheval en tournant trois fois.
Au même instant une belle armée parfaitement équipée, était prête à partir.
- ‘Mets l'estropié dans le coin, et le sabre à côté’, dit le cheval.
Notre garçon échangea ses armes de bois contre d'autres en acier.
- ‘Saute sur moi’, ordonna le cheval, ‘et ôte ton bonnet. En avant’.
Le roi setait déjà vu obligé de reculer avec son armée, et avait même pris la fuite. En ce moment critique apparut l'ar mée du roi à la tête d'or; elle tomba comme une giboulée de grêle sur l'ennemi vainqueur qu'elle culbuta du premier coup.
Un long cri de triomphe retentit parmi les combattants du jeune homme qui pénètre dans les rangs ennemis, renversant et tuant tout ce qu'il rencontre. Ses hommes suivent de près, et sous leurs coups l'ennemi succombe et s'enfuit à toutes jambes.
Le roi voulant remercier son sauveur, ne le trouva point. Il fit faire des recherches partout, mais en vain: le guerrier à la tête d'or avait de nouveau disparu.
Tous les jours le garçon au bonnet rouge était sur pied
| |
| |
de grand matin, pour aller se laver la tête d'or dans le ruisseau derrière la cour du roi.
Or, le roi, son maître, avait trois filles, et un beau matin il arriva que la plus jeune se trouva à sa fenêtre pendant que le garçon se lavait la tête. Elle se garda bien d'en parler à son père ou à ses soeurs.
Peu après une fête solennelle devait avoir lieu à la cour: les filles du roi avaient atteint l'âge nubile; le roi résolut donc qu'elles fissent leur choix dans le monde. Tous les jeunes princes et gentilshommes du pays et des contrées voisines furent invités à la cérémonie.
A cette occasion le roi fit faire pour ses filles trois pommes en or.
- ‘Voyez’, leur dit-il, ‘après le dîner je ferai passer tous les invités devant moi et chacune de vous jettera sa pomme à celui qui lui plaît le mieux’.
Ainsi dit, ainsi fait. Tous parurent devant le roi et ses filles. Presque tous les seigneurs et princes étaient passés et la plus jeune possédait encore sa pomme, tandis que ses soeurs l'avaient jetée.
- ‘D'où vient-il’, demanda le roi tout étonné, que ra tiens encore toujours ta pomme? Tu voîs que tes deux soeurs ont déjà fait leur choix!’
- ‘Père, c'est parce que je n'ai pas vu la personne qui me plaît le plus, fais repasser tous les gentilshommes ici présents, ainsi que les serviteurs de la cour’.
- ‘Tous viendront’, dit le souverain, aucun ne manquera, pas même le garçon au bonnet rouge’.
Ils durent donc de nouveau passer devant le roi. Presque tous étaient partis et la jeune princesse n'avait pas encore jeté la pomme.
Le garçon du bonnet rouge arriva le dernier. Dès qu'il se
| |
| |
trouva devant le roi, le princesse lui lança la balle sur le dos, et avec tant de force qu'elle rebondissait.
Le roi et son entourage en furent étonnés et la princesse fut invitée par son père à motiver son choix.
- ‘Père, ordonne au jeune homme qu'il ôte son bonnet’.
En présence de toute la cour et tous les gentilshommes, le relaveur dut se découvrir la tête.
- ‘Honneur au roi à la tête d'or!’ s'écria toute l'assemblée, en voyant la magnifique chevelure bouclée.
Le garçon dut raconter ses aventures et le roi ne sut mieux lui exprimer ses sentiments de reconnaissance pour les services rendus, qu'en lui offrant la main de sa fille. Ce fut une grande réjouissance à la cour. Les trois filles du roi se marièrent le même jour, et la plus jeune avec le garçon au bonnet rouge.
(Rumbeke. - Flandre Occidentale).
| |
Remarques
L'étude comparative des divers incidents de notre conte flamand me mènerait trop loin. Je n'y relève qu'un seul épisode que je me propose d'examiner, l'épisode notamment de la poursuite des fugitifs et des obstacles suscités par les objets magiques qu'ils jettent derrière eux.
Une poursuite analogue se retrouve déjà dans l'antiquité égyptienne et grecque. Ainsi dans le fameux conte égyptien Les deux frères (MASPERO, Contes pop, de l'Egypte anc. 131), remontant au temps de Ramsès II, le jeune Bitiou est poursuivi par son frère Anoupou, mais le premier ayant invoqué le secours du dieu Phrâ, celui-ci créa entre les deux frères une large rivière remplie de crocodiles. ‘On peut sup- | |
| |
poser, dit A. LANG (Mythes, Cultes et Religion, 602) que cette substitution de l'intervention d'un dieu qui exauce une prière aux pratiques magiques habituelles, est l'oeuvre du scribe sacerdotal qui a transcrit la version traditionnelle’.
Dans l'antiquité grecque, l'expédition des Argonautes pour la conquête de la Toison d'or, nous présente un épisode plus ou moins semblable: Médée s'étant enfuie avec son amant Jason et son frère Absyrte sur le navire Argo, le roi son père AEétès se mit à leur poursuite. Voyant que son père allait les atteindre, Médée tua son propre frère, le hacha en petits morceaux et les jeta dans la mer. AEétès s'arrêta pour recueillir les restes de son fils, mais il y perdit tant de temps que les fugitifs lui échappèrent.
On remarquera qu'ici, comme dans le conte égyptien, l'objet magique fait défaut; il n'y a pas même de véritable obstacle. Dans nos contes populaires contemporains, au contraire, ces deux éléments se rencontrent partout, tant dans le Nouveau monde que dans l'Ancien. C'est ce que nous allons montrer, en indiquant brièvement nos sources, et mettant entre parenthèses les objets magiques (en caractère italique), suivis immédiatement des obstacles créés par eux.
| |
A. - En Europe.
1) | DE COCK-DE MONT, Vlaamsche Wondersprookjes, no 18 (miroir: mer; marteau: montagne; étrille: mer de feuGa naar voetnoot(1). |
2) | Volkskunde, III (1890), pp. 110-116 (étrille: mon- |
| |
| |
| tagnes et vallées; miroir: montagnes et vallées; épéeGa naar voetnoot(2): lac d'eau bouillante). |
3) | VERMAST, Vertelsels uk West-Vlaanderen, p. 87 (poil de la queue du cheval: haie d'épines; poil de la crinière: montagne couvette de bois; poil du toupet du cheval: rivière, où se noie le persécuteur). |
4) | E. COSQUIN, Contes de Lorraine, no12 (éponge: forêt; étrille: rivière; pierre: montagne de rasoirs). |
5) | PAUL SEBILLOT, Contes pop, de la Haute-Bretagne, III, no 9 (bouchon: étang; brosse: forêt aussi épaisse que les poils de la brosse; étrille: montagne). |
| Une particularité, c'est qu'ici les obstacles se dressent devant les fugitifs, mais ceux-ci (Jean le Teignons et sa mule) les traversent facilement, tandis que le persécuteur (le diable à cheval) doit chaque fois les contoumer. |
6) | Blaetter für Pommersche Volkskunde, IV, pp. 183-184 (étrille et balle de fer: grande mer, où le persécuteur - le diable - trouva la mort). |
7) | Revue des Trad. populaires, XII, 112: Epopée latavienne, 13e chant (brosse: forêt; pomme: montagne; drap de lin: lac où périrent les persécuteurs: le roi et sa troupe). |
8) | SCHRECK, Finnische Maerchen, no 15 (pierre: grand rocher; branche de sapin: forêt de sapins; plat: lac). |
| Le diable essaya de boire toute l'eau du lac, mais n'y réussit pas et y trouva la mort. Le même incident se rencontre dans le no 21 des Lapplaendische Maerchen. Ici la fille de la persécutrice (une géante) dut serrer fortement le derrière de sa mère, pour empêcher que l'eau bue ne s'échappât par l'anus; mais voyant en ce moment un jeune corbeau faire de sottes pirouettes, la fille lâcha prise, et toute l'eau secoula
|
| |
| |
| par l'anus de la géante qui y perdit la vie avec son mati et sa fille. - Dans la Finlande, le diable avait pris la précaution de mettre une ceinture, mais un renard l'ayant déchirée, le diable eut le même sort que la géante laponne. |
9) | POESTION, Lapplaendische Maerchen, no 21 (morceau de souffre: étendue d'eau; pierre à feu: montagne; peigne: forêt). |
10) | HAHN, Griechische u. Albanesische Maerchen, no 45 (peigne: plaine immense; miroir: champ de glace immense; poignée de sel: mer houleuse). |
11) | HAHN, Id. Variante du no 6 p. 197 du tome II (peigne, miroir et morceau de savon. Comme les obstacles ne sont pas mentionnés ici, on peut admettre qu'ils sont les mêmes que ceux du no 45). |
| Ces onze numéros sont des contes similaires de notre conte flamand: les deux suivants présentent encore un peu d'analogie, mais les autres appartiennent à des types tout différents. |
12) | JOOS, Vertelsels, I, no 79 (poil de la queue du chat: montagne; deuxième poil: vaste étendue d'eau, où le persécuteur se noie avec son chameau). |
13) | LUZEL, Contes de Basse-Bretagne, II, no 1 (bouchon de paille de l'écurie: montagne avec une forêt dessus; étrille: chapelle avec prêtre officiant, un saint et une sainte. Ce prêtre, le saint et la sainte sont les fugitifs métamorphosés (Mabie, la princesse et le cheval); il s'agit ici, non de susciter un vrai obstacle à la poursuite, mais de dérouter le persécuteur. Ce genre de métamorphoses appartient à un autre type de contes pop. (Cf. GRIMM, no 113). |
| |
| |
14) | JOOS, II, no 14 (boule d'or: montagne de fer). |
15) | GRIMM, no 79 brosse: montagne de brosses, avec des milliers de pointes; peigne: montagne de peignes, avec des milliers de dents; miroir: montagne de miroirs; très lisse). |
16) | SEBILLOT, C. de la Haute-Bretagne, III, no 13 (brosse: forêt; étrille: montagne; bouchon: montagne plus haute encore). |
17) | SEBILLOT, Contes espagnols, no5 (roses blanches: grande rivière; roses rouges: feu violent qui brûlait tout). |
18) | SEBILLOT, Id., no 16 (poignée de sel: grande nuée; peigne: montagne avec beaucoup d'aspérités; bouteille: grande rivière). |
19) | GONZENBACH. Sicilianische Maerchen, no 64 (1o grenade: fleuve de sang; 2o grenade: montagne depines; 3o grenade: montagne de feu, où périrent les deux lions de la Fata Morgana qui, alors, renonça à la poursuite). |
20) | HAHN, Griech, u. Alban. M., no 1 (coûteau: plaine immense; peigne: forêt; poignée de sel: mer). |
21) | BRUEYRE, Contes de la Grande-Bretagne, no 13 (pointe d'épine: bois d'épines noires; éclat de pierre grise: un grand rocher; goutte d'eau: lac d'eau froide, où le persécuteur, un géant, se noya). |
| Deux particularités à noter dans ce conte écossais. a) Le fugitif, un prince, trouve ces objets magiques dans l'oreille de son cheval. Ordinairement les fuyards les prennent dans la maison du persécuteur; dans le conte finnois, no 14 (de SCHRECK) le héros les prend sous la queue de l'animal qu'il monte: un loup, un ours, un renard (ici il y a 3 courses distinctes). |
b) | Le géant retourne deux fois à la maison pour aller chercher des outils; la première fois il rapporte sa hache et
|
| |
| |
| son couteau et se fraye un chemin à travers l'épine noire; la deuxième fois il revient avec son levier et sa pioche pour fendre le rocher. Chaque fois après s'être frayé un passage, le géant veut laisser là ses outils et reprendre immédiatement la poursuite, mais chaque fois aussi un corbeau l'avertit que dans ce cas il les lui volera, de sorte que le géant perd un temps précieux à remporter ses outils à la maison. Les mêmes incidents se présentent dans les nos 14 et 15 des Finn. Maerchen et le no 21 des Lappl. Maerchen; le corbeauGa naar voetnoot(3) écossais y est remplacé, en Finlande, par une mésange ou un renard, en Laponie, par un oiselet. Dans le conte lapon no 22 et dans le conte islandais, no 4 (de POESTION) on retrouve encore les outils, mais l'animal avertisseur y manque. |
22) | POESTION, Islandische Maerchen, no 18 (rameau: forêt; une pierre et un bâton qui, quand on frappe avec celuici le côté blanc de la pierre, font éclater une giboulée de grêle où périt le persécuteur). |
23) | POESTION, Id., no 4 (poil de la queue de la vache: grand fleuve; 2e poil: grande pile de bois en feu; 3e poil: montagne). |
| La géante fait chercher son grand boeuf pour qu'il boive toute l'eau du fleuve, et en vomissant cette eau, le boeuf éteint ensuite le feu du bûcher. Voulant après percer la montagne, elle y fait un trou au moyen de son forêt et s'étant introduite dans le trou, elle ne sait plus en sortir et s'y pétrifie. - L'incident des boeufs qui boivent l'eau se retrouve aussi dans le conte russe La Baba Yaga (RALSTON, p. 141; voir plus loin, no 29). |
| |
| |
24 | POESTION, Lapplaend. Maerchen, no 22 (feuille: forêt; pierre à feu: montagne; morceau de souffre; lac. Voir plus haut, note no 8). |
25 | SCHRECK, Finn. Maerchen, no 14 (branche: montagne très élevée, couverte de branches; quelques soies: très haute montagne couverte de soies; briquet: cataracte de feu. Voir plus haut, no 21). |
26) | Maerchen der Ljutziner Esten, p. 122-123 (brosse: forêt; pierre à aiguiser: montagne; un lingeGa naar voetnoot(4): mer de feu). |
27) | KRAUSS, Sagen und Maerchen der Südslaven, I, no 89 (brosse: forêt; peigne: fleuve). |
28) | KRAUSS, Id., II, no 57 (étrille: forêt; peigne: chaîne de montagne; bouteille d'eau: grande étendue d'eau). |
29) | GOLDSCHMIDT, Russische Maerchen, no 18, et RALSTON, Contes de la Russie, pp. 141-146, essuie-mains: large fleuve; peigne: forêt impénétrable). |
30) | RALSTON, Id., pp. 169-175 (brosse: des montagnes s'élevant jusqu'au ciel; peigne: épaisses forêts de chênes; mouchoir: grand lac). |
| Particularité à noter: Ces montagnes et ces forêts que le prince Ivan fait naître en jetant sa brosse et son peigne sur les terres des géants Vertogor et Vertodub, ne forment tout d'abord pas d'obstacle à la poursuite de la sorcière (soeur du prince), mais celle-ci ayant traversé le lac, Vertodub entasse ces chênes et Vertogor renverse ces montagnes sur son chemin pour lui barrer la route. |
| Dans un conte russe D'AFANASSIEFF, que je n'ai pu lire, il est question d'une serviette avec laquelle on jette un
|
| |
| |
| pont sur la rivière, et du peigne habituel, donnant naissance à une forêt impénétrable. (DE GUBERNATIS, Myth. zoolog., II, 62). |
31) | LEGER, Contes slaves, no 27 (Mouchoir brodé, foulard rouge, miroir). |
| Ici les objets jetés par le fugitif ne créent pas d'obstacles, mais servent seulement à ralentir la course de la persécutrice (une vierge nue). Celle-ci s'arrête chaque fois pour ramasser et examiner ces objets. Comme elle n'avait jamais vu un miroir et qu'elle vit son image dedans, elle crut que c'était une autre femme et pendant qu'elle se regardait, le fugitif s'enfuyait toujours et lui échappait. |
| On peut encore trouver des épisodes semblables, a) chez BRUEYRE, (Contes de 1. Gr.-Bret., pp. 111-112), exemples tirés par lui des contes de MULLENHOF, D'ASBJöRNSEN, DE CHODZKO et du Pentamerone de BASILE; - b) chez KöHLER-BOLTE, Zeitschr, d. Vereins f. Volkskunde, VI, 165, où l'on mentionné encore plusieurs parallèles, extraits e.a. des recueils de COELHO, IMBRIANI, FINAMORE, CERQUAND, etc. - c) chez KöHLER-BOLTE, Kleinere Schriften zur Maerchenforschung, p. 171; - chez COSQUIN, I, 141, qui cite e.a. ERDELYI-STIER, HALTRICH, BUSK, KENNEDY et ARNASON. |
| Ne possèdant pas ces receuils et n'ayant donc pas pu lire les contes mentionnés par ces trois auteurs, je ne m'y arrête pas plus longtemps. |
| |
B. - En Asie
32) | PLEYTE, Bataksche Vertellingen, pp. 150-151. - Il n'y a ici ni objets magiques ni obstacles. |
| Sangmaima, marié dans le monde souterrain avec la prin- |
| |
| |
| cesse Madjalan, s'éloigne pendant la nuit, sous prétexte d'aller chercher son aiguille. Alors il prend la fuite, après avoir attaché une torche allumée à la queue d'un porc qui, étant ensorcelé par lui ne cesse de faire le tour de l'étable. Traversant ensuite une rivière, notre homme place à chaque bord une poupée. La princesse, trompée par le va-et-vient de la lumière dans l'étable, ne commence la poursuite qu'à l'aube du jour et est encore retardée par les poupées qu'elle prend chaque fois pour son mari. |
| Outre ce recueil de Contes bataks (Sumatra), je n'ai pu consulter personnellement que 6 recueils de contes asiatiques: JüLG, Kalmüh Maerchen (Siddhi-Kür); BRAUNS, Japanische Maerchen u. Sagen; DUMOUTIER, Trad. des Annamites; STOKES, Indian Fairy Tales (trad. néerl. SCHELTEMAGa naar voetnoot(5); OESTRUP, Contes de Damas; CARNOY-NICOLAIDES, Trad. de l'Asie Mineure, sans parler du Pantschatantra, de l'Hitopadesa, des 1001 Nuits et des Contes d'un Perroquet, et dans aucun de ces recueils je n'ai trouvé un parallèle à la poursuite avec obstacles que nous étudions ici. Force m'est donc de recourir pour le reste aux Remarques de COSQUIN, pp. 152-153. |
33) | RADLOFF, Volkslitteratur d. Türkischen Stamme Süd - Sibiriens, III, p. 383 (peigne: forêt; miroir: lac). |
34) | Goettingische Gelehrte Anzeigen, 1862, p. 1228; conte samoyède (pierres à aiguiser: rivière; pierre à fusil: montagne; peigne: forêt). |
35) | Asiatic Researches, t. XX. Calcutta, 1836, p. 347; conte siamois (ingrédient magique: bâtons pointus innombrables; nouvel ingrédient: haute montagne, 3e ingrédient: grande mer). |
| |
| |
36) | MISS FRERE, Old Deccan Days, or Hindoo Fairy Legends current in Southern India, pp. 62-63 (divers objets magiques, non indiqués par C. font naître successivement une rivière, une montagne et enfin une forêt en feu, où la persécutrice, une raksha ou sorte de démon, trouve la mort. |
| Progressive colloquial Exercises in the Lushai Dialect of the Dyo or the Kuki language with vocabularies and popular Tales, p. 85; conte du Bengale (semence de feu (!): incendie immense; semence d'eau; grande rivière; semence d'épines; fourré rempli de ronces). Le persécuteur, l'homme tigre, est tué alors par l'un des trois fugitifs. |
38) | Die Moerchensammlung des Somadeva Bhatta aus Kashmir, livre VII. Conte sanscrit (de la terre; montagne; des épines; large fleuve; du feu: forêt en feu). |
| |
C. - En Afrique.
39) | JACOTTET, Contes des Bassoutos, p. 7 - (Petite pierre brillante et polie: Grand rocher aux flancs escarpés et glissants). Le fugitif s'assit au sommet de ce rocher et ses persécuteurs, les nyamatsanês (animaux imaginaires) essayèrent en vain de l'escalader. Pendant la nuit l'homme se remit à fuir, et à leur réveil, ses ennemis le poursuivirent de nouveau. Sur le point d'être atteint, notre homme jeta encore sa petite pierre à terre, même rocher et même résultat, le jeu se continua pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que le fugitif atteignit son village. |
40) | JUNOD. Chants et Contes des Ba-Rouga, p. 115. - L'Hippopotame poursuivi par la Rainette ne jette pas d'objets magiques, mais a) il produit une grande chaleur; la rainette passe outre; b) il envoie des guêpes et des abeilles contre son ennemie qui, en sécrétant son liquide gluant, les
|
| |
| |
| chasse; c) il crée un marais, la rainette le passe; d) il crée un fleuve; la rainette le passe sur une feuille, surprend l'hippopotame, mais celui-ci, averti à temps par un oiseauGa naar voetnoot(6), se jette dans l'eau et sort de l'autre côté! Enfin, après avoir tué l'oiseau et brûlé sa dernière plume, la rainette parvient à surprendre et tuer l'hippopotame qui avait volé la trompette du petit animal. |
41) | JUNOD, Id. pp. 214-215. - Le héros, Nouamoubia, s'enfuit de chez les ogres, et, tout en courant, il crachait à terre de-ci, de-là. Ses persécuteurs, arrivés à cet endroit, s'écrièrent: ‘Quel parfum délicieux, par ici!’ Et partout où Nouamoubia avait craché, ils lêchaient. Après, le fugitif suscita un monceau de graines piquantes, et ensuite il appela à son aide l'armée des taons, des bourdons, des guêpes et des abeilles. |
42) | JUNOD. Les Ba-Rouga, pp. 299-301. - Sikouloumé s'étant enfui avec ses serviteurs, et emmenant tous les boeufs du pays des ogres, ceux-ci les poursuivirent et firent éclater un orage pour arrêter les fugitifs, mais sans aucun résultat. Alors Sikouloumé fit paraître une rivière qu'il traversa; ensuite il lança une corde à ses ennemis qu'ils la saisissent et passent à leur tour; mais quand ils furent au milieu du courant, il lâcha la corde et la rivière les emporta. |
43) | CHATELAIN. Grammatica elementar do Kimbundu, p. 101. - Dans ce conte angolais, Ngana Samba, la prisonnière des cannibales, s'évade et empêche son ennemi de l'atteindre en jetant sur la route du millet, du sésame, qu'il perd son temps à manger. |
44) | THEAL. Kaffir Folklore, p. 78. - Le héros du conte
|
| |
| |
| cafre arrête les cannibales en leur jetant un peu de graisse sur une pierre. Ils se disputent pour la manger. |
| Ces deux derniers nos, je les dois à M. JUNOD. Chants et C. des Ba-Rouga, note, p. 115. |
45) | THEAL, Id., p. 82 (oeuf: grand brouillard; outre pleine de lait: grand eau; pot: profondes ténèbres; pierre: montagne escarpée). Ceci et le no suivant, est emprunté à COSQUIN, I, 154. |
46) | Folklore Journal, 1883, T. p. 234: conte de Madagascar (balai: épais fourré; oeuf: étang; roseau: forêt; pierre: montagne). |
| Les Contes malgaches de FERRAND ne m'offrent pas de parallèle. J'en trouve encore un dans le Zeitschr, d. Vereins f. Volkskunde, VI, 165: |
47) | BAISSAC, Folklore de l'île Maurice, no 15 (oeuf: mer; balai: forêt; assagaie: 1000 assagaies). |
| |
D. - En Amerique.
48) | CONTO DE MAGALHAES, Contes indiens du Brésil (trad. franç. d'ALLAIN). D'après Mélusine, II. col. 408, où je trouve cette indication, l'Ogresse c'est le conte de l'homme poursuivi par la sorcière dont il a enlevé la fille et qui assure sa fuite métamorphosant divers objets derrière lui. Et Mélusine ajoute: ‘nous signalions récemment une variante de ce conte en Polynésie.’ (voir notre no 49). |
| Les poursuites dont il est question dans les Trad. indiennes du Canada Nord-Ouest par PETITOT, pp. 207 et 400, ont un autre caractère. |
| |
| |
| |
E. - Dans l'Oceanie.
49) | Samoa a Hundred years ago and long before. Livre annoncé dans Mélusine, II, col. 213-214; dans son compterendu, M. GAIDOZ y signale un conte, où un détail rappelle le conte européen ‘dans lequel un amoureux emmenant sa belle et poursuivi, jette derrière lui un peigne qui se change en un bois, etc.’ |
|
-
voetnoot(1)
- Var. flam. L'étrille produit quelquefois une mer d'eau brillante ou bien encore un bois de ronces. Les objets magiques sont quelquetois: une poire, une pomme et une noix.
-
voetnoot(2)
- Le héros lève l'épée, il ne la jette pas derrière.
-
voetnoot(3)
- On retrouve le corbeau dans une circonstance plus ou moins analogue en Laponie; voir plus haut no 8.
-
voetnoot(4)
- Le texte dit simplement: ein Tuch; dans d'autres contes il est question d'un essuie-mains ou d'un mouchoir (voir nos nos 29 et 31).
-
voetnoot(5)
- Son no 10 est un similaire du conte flamand, mais sans l'épisode de la poursuite.
-
voetnoot(6)
- Cet oiseau qui prévient le fugitif du danger qu'il court, se retrouveaussi dans le conte du Bengale de notre ne 37.
|