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Hors des Epistres dorées de Don Antoine de Guevare.
Lettre à Mosen Puche Gentil-homme Valantien, en laquelle est amplement traité comme se doit porter le mary envers la femme, & la femme avec le mary: c'est lettre duisante à nouveaux mariez.
IEune Seigneur & nouveau marié Chevalier d'estre marié Mosen Puche avec dame Marine Gralle, & dame Marine Gralle avec Mosen Puche, dés ceste heure leur envoye la congratulation du mariage, & de ce pas prieray Dieu leur donner grace, & à l'un & à l'autre de viure longues années ensemble. D'estre marié Mosen Puche avec femme de qujnze ans, & Dame Marine avec marj de 17. si ie ne suis deçeu, assez leur reste de temps pour jouïr l'un de l'autre, & de mesmes pour pleurer le mariage. Solon Salimin commanda par ses loix aux Atheniens, que nul y osast marier qu'il n'eust attaint l'aage de vingt ans, & le bon Lycurgus ordonna aux Lacedemoniens, de ne prendre femme qui'ls n'eussent accom- | |
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plis les vingt & cinq ans, & si le philosophe Protheus prohiba aux Egyptiens ne contribuer mariage qu'ils n'eussent passé les trente: tellement, que si quelqu'un s'avançast à prendre femme deuant ce temps ainsi limité, estoit decreté & commandé par Loy de chastier publiquement le pere, & d'estimer les enfans non legitimes. Que si Mosen Puche, & dame Marine Gralle fussent esté d'Egypte, comme ils sont de Valance, n'eussent demeurez sans punition, & si les enfans fussent au semblable esté desheritez.
Or pour l'entiere amitié que j'ay eu avec vostre pere, & par les honnestetez qu'ay receu de vostre mere, du temps que j'estois inquisiteur à Valance, suis marry de vous veoir en aage si tendre marié, & d'une si grande charge chargé.
Par ce que tel & si pesant fardeau, que le mariage, ny vous avez à ceste heure licence de laisser, ny moins aage pour le supporter. Si vostre pere vous à marié sans auis, ie dy qu'il a usé envers vous de grande cruauté, & si vous vous estes marié pour vostre plaisir, & sans licence, ie dy aussi qu'aúez fait legierement: car de mettre en mariage, & à entretenir maison, un ieune homme de 17. ans avec une jeune dame de 14. ou de 15. cela me semble une chose faicte plustost temerairement, que avec bon conseil. Mais sachons quelles conditions ou qualitez doit avoir le mary, & par mesmes la femme, voulant estre bien mariez, & si cas est qu'elles se trouvent en Mosen Puche & en Dame Marine Gralle, dés ceste heure je conferme & ratifie leur mariage, & me condamne moymesme d'avoir impertinemment parlé. En premier lieu faut que la femme mariée porte entiere amytié à son mary, l'estimant par dessus tous: qu'elle soit patiente pour sçavoir dissimuler & endurer de luy: & qu'elle soit prudente pour gouverner sa maison: menagiere pour garder le bien: soigneuse à la nourriture de ses enfans: affable avec ses voisins: accomplie en faits d'honneur, amie d'honneste compagnie, & tresgrande ennemye de legeretez de jeunesses. Celles du marj sont telles, qu'il soit correct en ces propos, de douce conversation, fidele en ce qu'on luy confie, prudent en conseil, soigneux de pourvoir au necessaire de sa maison, diligent à procurer le bien gracieux à sa famille, zelateur du gouvernement de ses enfans, honnorable & veritable envers tous. Or je demanderois volontiers aux dix & sept ans de Mosen Puche, &
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aux quinze de Dame Marine, s'ils sont fournis & ornez de toutes ces qualitez, ou s'ils y penserent jamais; De personnages d'aage si tendre & mariez de si peu d'experience, l'on aura soupçon, que telles ou semblables qualitez ne soyent par eux entendues, combien que l'on les leur remonstre, ny moins parleront d'icelles, leurs estantplus que necessaires.
Dont je predy, & aux dixsept ans de monsieur, & aux quinze de madame, que s'ils ne s'estudient à sçavoir ces qualitez, & apres les avoir sceuës les mettre en oeuvre, qu'avec le temps ou ils tomberont avec la charge par terre, ou possible chacun d'eux cherchera nouvelles amours. Or les inconveniens qui s'ensuyvent, de marier dixsept ans avec quinze, mieux le sçauroyent ils reciter comme tesmoings de vëue, que je ne le sçaurois escrire pour ouyr dire: Et entre autres leur survient; que les femmes se cassent & rompent à faire des enfans, leur vigueur naturelle s'affoiblit plustost elles estant incontinent chargées d'enfans, despendent leur mariage sans sçavoir comment, sont bien souvent jaloux l'un de l'autre, ne scavent que c'est que d'honneur, & si n'ont trop grand pensement, que leur maison soit pourveuë: si que mettant fin aux premiers amours, recouurent des nouveaux soucis: en sorte & maniere que pour avoit esté mariez si jeunes, viennent par apres à vivre avec mescontentement estans devenus vieux, & pource conseilloit le divin Platon à ceux de sa Republique, que de tel aage mariassent leurs enfans qu'ils eussent entendement pour cognoistre ce qu'ils prenojent, & discretion pour gouverner la charge, dont ils se chargeojent.
Laquelle sentence certes est digne d'estre notée & retenue. Parce que choifir femme ou eslire marj à un chacun est facile: mais substanter & entretenir maison, c'est chose difficile. Quant à moy je ne fus onc marié, ny moins ay eu tentation de l'estre: mais pour cela qu'ay veu en mes alliez; & ay leu és livres, j'ay trouvé par mon compte, que ceux qui rencontrent à estre bien mariez, ont un second Paradis en ce monde: & ceux qui ont mal choisi, ont faict de leur maison un enfer. Et qui est celuy qui à rencontré avec femme si accomplie, qu'elle n'eust faute de quelque chose? Ou se trouvera celle qui a eu en sorte un marj sans quelque rebours? Du commencement qu'on veut parler des fiançailles, & qu'on se
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commence à accointer, n'a gueres de mariages qui desplaisent: mais un peu de temps apres, il n'y a chose, qui soit à gré, & le plus seur du tout est, qu'estant achevé l'argent, de ce pas hurtent à la porte les ennuys. Ha ha traistre marj: car si tu rencontres femme genereuse, tu dois souffrir sa pompe ou folie, si as esleu femme sage & arrestée, l'on la te aura donnée toute nuë. Si prens femme fort riche, tu auras honte possible de nommer ses parens: si elle est belle, tu auras prou peine à la garder: Si la prens layde, dans peu de tenps te tiendras loing, ou te esgareras. Que si tu t'estimes de ce que ta femme est sage & discrete, par mesmes te plaindras de ce qu'elle faict trop de la mignarde, & qu'elle n'est guere mesnagere: si tu dis qu'elle est adroite & mesnagiere, diras par adventure d'autre part qu'elle est un petit Astarot domestique: si qu'il n'y a chambriere, qui la puisse endurer, ny avec elle temporiser. Si tu te glorifies, disant que ta femme est honneste, plusieurs fois luy porteras haine, par ce qu'elle est de toy si jalouse.
Que veux tu que je te die d'avantage ô pauvre mary? non que si tu luy defens compaignie, ou l'yssue de la maisõ, jamais elle n'aura fin à ses plainctes, si elle trotte à son plaisir, elle donnera à tous occasion d'en parler, si tu t'en courrouçes souvent, elle deviendra chagrine: si tu ne luy dis rien, aura le caquet plus haut que toy, si elle faict les despens, elle aura sa part. Si tu les veux faire, garde la bourse, ou le grenier. Que si tu demeures tousiours en la maison, elle te estimera soupçonneux, & si te retires tard, elle dira que tu viens de t'esgarer: si tu l'entretiens brave, elle dira qu'elle veut estre veuë, & si elle n'est bien en ordre, tu auras mauvais disner & pire souper. Si luy monstres trop grande amour, elle t'estimera peu, & si à ce faire tu es nonchalant, elle aura soupçon qu'ailleurs as ton amour: si tu luy nies ce dont elle te interroguera, ne cessera jamais de te importuner: & si luy decelles le secret, ne le sçcaura garder. Voyla donc l'occasion, & de mesmes la raison, que sil y a en un peuple dix qui soyent bien mariez, it en y a cent qui vivent en fascherie, & non sans estre repentis: lesquels feroyent separation & de lict & de femme, si ainsi facilement ils eussent le congé de de l'Eglise, qui seroit conclud avec leur conscience. Vous asseurant que si les mariages des Chrestiens fussent semblables à ceux des Gentils, pour pouvoir faire divorce à leur plaisir, & changer à
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leur volonté, je vous jure qu'il y auroit plus grande presse en Quaresme à se separer, qu'il n'y a en tout l'autre tenps de l'an à se marier.
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Qu'on ne se doit marier qu'à sons pareil.
Les reigles & conseils, que je veux donner icy à ceux qui se veulent marier, & pour ceux qui sont desia mariez, si ne leur servent pour viure contens, serviront du moins pour eviter ennuys. Et le premier & plus seur conseil, est, que la femme prenne tel marj, & le marj choisisse telle femme, qu'eux deux sojent esgaux en sang ou lignée & estat, faisant alliance le gentil-homme avec le gentil-homme, marchand avec marchand, l'escuyer avec l'escuyer & le laboureur avec le laboureur. Car si en cecy il y a disparité, celuy qui sera le moindre, viura mal content, & celuy qui sera de plus haute lignée, aura souvent regret. Le marchand donc qui marie sa fille avec un Chevalier, & le riche päysan, qui faict alliance avec un Gentil-homme, je dy & afferme que ceux là ont mis en leur maison un crieur de leurs fautes, des artres pour leur bien, & un tourment pour leur renommée, & par adventure un abbreviateur de leur vie. Qu'en mauvaise heure a marié sa fille celuy qui un tel gendre, ou telle fillastre a reçeu en sa maison: lequel, ou laquelle aura honte de tenir son beau-pere en tel estime de vray pere, & qui dedaignera d'appeller sa belle mere Madame, ou ma Mere.
Ceux donc qui ont faict telles alliances, ne sçaurojent dire pour vray qu'ils ont retiré en leurs maisons, gendre, mais plustost enfer: non fillastre, ains serpent, non qui luy face service, mais qui l'offense & fasche: non pas qui l'honore, ains plustost qui le diffame. Si que celuy qui ne marie sa fille avec son pareil, luy seroit moindre mal la veoir ensevelir, que de la veoir mariée: car il la pourroit plorer seulement le jour de sa sepulture, & si elle est mal mariée, il la plorera à tousiours. Et pource le riche marchand, le pauvre escuyer, le sage laboureur, & le bon artisan n'ont besoing de telles filles qui s'addonnent à farder, ains de telles qui saçhent bien filler: car autrement le jour qu'elles contreferont la Dame, ce jour mesmes leur bien commençera à descroistre, & la maison à se ruiner.
Or je tourne à redire & affermer que tel pere se donne garde de mettre fillastre en sa maison, qui ne vueille rien faire que se
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pourmener, & faire du courtisan par la ville, disant qu'il est extraict de noble lignée, & que pour cela ne faut que scavoir piquer un cheval, & estre expert en matiere de tablier & cartes. Parce qu'en tel cas faudra que le pauvre beau-pere jeusne ce que le gendre fol despendra. Soit donc la conclusion de ce conseil que un chacun marie ses enfans avec ses pareils ou semblables. Autrement je luy predy & certifie dés a present, que devant que l'an soit revolu, il pleurera dessus la teste de celuy qui a cherché tel mariage de folie. Pareillement est louable conseil qu'un chacun prenne femme selon sa complexion & condition. Parce que les mariages qui se font par necessité & contraincte, & non par amitié & bonne volonté, donnent occasion & au marj & à la femme de dire qu'on ne les a point mariez, mais plustost mis en perpetuelle captivité.
Donc a ce que les mariages soyent perpetuels, devant toute oeuvre doibvent estre bien liez & conglutinez ensemble les coeurs du marj, & de la femme. Et pour ce je trouve bon que le pere donne licence à son fils de prendre femme à sa volonté, sans le contraindre à prendre autre qu'il n'ayme point: attendu mesmement que tout mariage contrainct ou forcé, engendre malveuillance entre les mariez: & fascheriers & proces entre les peres, & parens d'iceux: & si ne veux je pas aussi entendre, ny mon intention est telle, qu'on se marie secrettement, sans licence, ou à cachette, se hastant par trop, comme font plusieurs jeunes fols. Car mariage faict par folle amour se termine le plus souvent en douleur, ce que voyons par experience de maintes jeunes personnes, lesquels aucunement ne sçavent ce qu'ils aymènt, ne moins ce qu'ils prennent, s'enamourant d'une jeune fille, & tout à la chaude l'espousent, tellement qu'ayant donné fin à leur chaleur, de ce pas il la commencera à hayr. Donc pour eviter cest inconvenient, & maints autres, doit estre en tres-grande recommandation l'amour reciproque entre les nouveaux mariez, ou autrement à toutes heures auront nouvelles dissentions entre eux, & si donneront prou peine, & aux voisins, & amys de les mettre d'appoinctement, les advertissant encores qu'a ce que l'amour soit ferme, entier & de durée, it doit prendre son siege au coeur peu à peu. Car autrement par le chemin qu'on a veu venir l'amour courant, le verront retourner en fuyant. Plusieurs ay-je veu de ma souvenance s'entr'aymer à grand
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presse, lesquels ay veu par apres se hayr à grand loisir. Et pource l'un des plus grands ennuys que je trouve en ceste vie humaine, est, que s'il ya cent qui soyent contens en l'amitié, se trouveront d'autre part cent mille, qui ne mettent jamais fin à leur inimitié & malveuillance.
Or semblable conseil que j'ay donné au pere de ne faire mariage sans le vouloir de son fils, celuy mesme donne-je à ceste heure au fils de ne se marier sans le sceu & volonté du pere: car autrement pourroit estre, que luy apporteroit plus de dommage la malediction de son pere, que ne luy pourroit porter de profit le mariage, ou douaire de la femme.
Les jeunes gens avec la jeunesse qu'ils ont, ne regardent autre chose, que voulant prendre femme, si non que pour prendre leur plaisir, & que la femme qu'ils prennent, soit belle, ou à leur grace. Mais au pere & à la mere, comme cela leur importe le bien & l'hõneur, cherchent & si voudrojent avoir une femme pour leur fils qui fust bien sage, riche, & de bonne part, & le dernier point & dequoy moins ils se soucient est, si elle a grande beauté ou non. Donc les mariages clandestins, ou faits à la legiere sans y penser, donnent occasion au peuple de murmurer, aux enfans repentance, & aux peres de grandes fascheries. Et pource disoit Plutarque en sa politique, que le fils qui se marioit sans licence de son pere estoit entre les Grecs foueté, & entre les Lacedemoniens des herité. Laërce dit, que ceux qui se mariojent sans, le vouloir & consentement de leurs peres, non sculement leur estoit tolue l'hoirie qu'ils eussent peu avoir, ains publiquement estoyent maudits. Or que l'on n'estime si peu la benediction, ou malediction du pere: car entre les ancestres estoit plus estimée telle benediction, que tout autre bien que le pere eust peu donner au fils.
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Que la femme doit estre honteuse, & non languarde.
Il est par mesmes louable conseil, & cõseil tres-necessaire à l'homme, qui se veut marier, & entretenir maison, de prendre femme qui soit honteuse: car n'ayant point d'autre vertu, de ceste-cy doit elle estre du moins contrainte, ornée & prouvée: pour ce que maintes & maintes fautes excusons nous en une femme honteuse, mais en celle qui est cause & effrontée, soit bonne, si la soupçonnous avoir
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plusieurs imperfections, & que un chascun die ce qu'il voudra: car quant à moy je tiens pour certain qu'en une femme honteuse il y a peu à rependre, & en celle qui est affrontée il n'y a rien à louër.
La forteresse & defence que nature a donné à une femme pour defendre sa reputation, sa chasteté, & son honneur, ç'a esté la honte, de laquelle le jour qu'elle n'en tiendra compte, je la donne à tout jamais pour perdue. Et par ce quand l'on voudra prendre femme, on se doit en premier lieu enquerir, non point tant si elle est riche, ains plustost si elle est honteuse: veu que le bien se peut tous les jours recouvrer, & la honte ne se recouvrera jamais en la femme dés qu'elle l'aura perdue. De maniere que le meilleur douaire, le meilleur heritage, & le meilleur joyau qu'une femme peut avoir, est d'estre honteuse.
Or c'est le bon de ce que aucunes femmes se prisent d'estre languardes, & mocqueuses, lequel office je ne voudroye point leur veoir apprendre, ny moins exercer: par ce que propos deshonnestes, moqueries, & gaudisseries non seulement la femme d'honneur doit avoir honte de les proferer, & encores plus de les escouter. Parquoy la femme grave, & d'authorité ne se doibt priser d'un tel meuble, ains plustost elle se doit estimer de son honnesteté, & de sa prudence: car si elle s'addonne une fois à gaudir, ceux là mesmes, qui ont rit du petit mot, se moqueront en apres de l'autheur d'iceluy: veu mesmement que l'honneur des femmes est si delicat, que plusieus choses que les hommes avec liberté peuvent dire, & faire, à elles ne leur est permis tant seulement de le penser, & encores moins d'en parler.
Et partant les dames qui veuillent entretenir leur gravité, doyvent non seulement taire les choses illicites, mais aussi bien les necessaires, n'y estant fort requises: considerant en mesmes que la femme ne faudra jamais si elle se veut taire, & si pour moins valoir pour s'avancer à parler. O pauvre marj, à qui le sort a donné femme libre de parolles, ou quaqueteuse! car si une foïs telle femme commence à se plaindre, jamais ne admettra propos quon luy die, ny raison qu'on luy donnera. Et à ceste cause advient en plusieurs maisons que les fascheries & ennuys, que les femmes ont avec leurs marys, ne sont par adventure tant par la faute de leurs personnes, comme pour la liberté de leurs lan- | |
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gues, & par ainsi si la femme vouloit se taire, quand le marj commence à se courroucer, jamais le marj n'auroit mauvais disner: ny elle possible pire souper: ce qui se pratique souvent: car l'heure que le marj commencera à gronder, elle commencera à crier, suffisant moyen pour venir au poil, & pour appeller les voysins.
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Que la femme soit plus solitaire que trop compaignable.
Il est aussi salutaire conseil, que la femme se prise d'estre honneste, & s'estime de sa solitude: car de vouloir les femmes estre dedans ses maisons absolues, viennent apres à estre par les places dissolues. Et par ainsi la femme d'honneur & de bien doit avoir esgard à ce qu'elle dit, & se donner garde à ce quelle fait. Pource que autrement ne voulant faire cas des parolles, elle viendra facilement à cheoir aux faits: attendu, que pour simple que soit un homme, il cognoistra estre plus subject à calumnier l'honnèur des femmes, que celuy des hommes: car pour obscursir l'un, besoing est de grande raison, & pour assoupir l'autre, suffit la seule occasion. Celle donc qui est sage, & s'estime honneste, qu'elle tienne pour certain, que d'autant qu'elle sera en plus grande reputation, elle doit avoir de soy moindre confiance: je dy moindre confiance, à fin qu'elle n'ose ouyr parolles legieres, ny vueille admettre promesses faintes. Et partant qu'une femme s'estime tant qu'elle voudra, & se prise tant que luy plaira, que celle qui preste l'oreille, & prend plaisir estre festiée, tard ou de bonne heure elle tresbuchera. Et si vous me dites qu'elle ne fait cela que pour passer le temps, ou bien pour se jouer: à cecy vous responds-je, que de semblables yeux demeurent elles bien trompées. Or j'advise & conseille à toutes dames d'honneur de quelque estat ou condition qu'elles soyent, qu'elles n'osent sous tiltre de cousin, ou nepueu, ou autre alliance se fier trop: car si elle craint en se confiant de l'estrangier de ce que pourroit estre fait, elle doit de mesmes du parent avoir paour de ce que l'on pourroit bien dire.
Qu'elle ne se fie aussi soubs couleur que le parentage ou alliance est trop grande entre eux, & que par ce moyen sera ostée toute inique pensée de luy ou d'elle: Parce que si la malice humaine s'advance à juger des pensemens, ne sera pas facile à croire que vueil le celer ce que verra à l'oeil. Les dames qui liront, ou orront ce- | |
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ste mienne escriture, je veux qu'elles notent ce mot: C'est que l'homme, pour estre homme de bien, luy suffit d'estre bon, combien qu'il ne le monstre à l'apparence.
Dont à la femme pour estre femme de bien, ne suffit qu'elle le soit, mais faut qu'elle monstre par escrit. Et si faut aussi qu'elle pense une, deux, & trois fois, & qu'elle imprime en son cerveau que ainsi comme la provision de la maison depend du marj, aussi l'honneur de tous deux depend de la femme. Si que tu n'auras d'advantage d'honneur devant ta maison, que ta femme en pourra avoir de sa part. Ie n'entends pas toutes-fois appeller femme d'honneur celle, qui est extraite de noble lignée, de belle presence, ou grande menagiere: ains celle qui est en sa vie vertueuse, en son mantien honeste, & en ses propos correcte. Et à ce propos recite Plutarque, qu'estant un jour interroguée la femme de Thucydides le Grec comme elle pouvoit endurer la puanteur de la bouche de son marj, elle respondit: ainsi comme oncques homme ne s'approcha si pres de moy que je puisse sentir son aleine, j'avoye opinion que tous les autres l'avoyent semblable. O exemple digne de sçavoir, & en mesmes louable à imiter, par lequel nous enseigne celle tresnoble matrone le devoir auquel sont tenues les femmes qui veulent estre reputées vertueuses.
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Que la femme mariée ne soit superbe, ny querelleuse.
C'est de mesmes conseil tressain à la femme mariée de n'estre point fiere n'y orgueilleuse, ains douce & humaine.
Pour ce que ces deux choses aneantissent & endommagent fort une femme: à sçavoir le trop parler, & ne vouloir rien endurer. Dont au contraire si elle sçait se taire, sera de tous estimée, & si elle souffre, sera du marj aymée: O combien grande mal-adventure prend avec soy l'homme qui espouse femme fiere! Par ce qu'il ne sort tant de feu du mont Etna, qu'elle jettera de venin par sa bouche. Parquoy sans comparaison est plus à craindre le courroux de la femme, que l'ire de l'homme: veu que l'homme coleré seulement se courrouçera, & la femme irritée en se courrouçant vous descrie, & deshonnore. Et à ceste cause l'homme prudent & femme d'honneur ne doivent aucunement se prendre avec une femme, quand elle est en sa furie. Pour ce que dés l'heure qu'elle
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aura alumé sa colere, dira non seulement ce qu'aura veu, mais de mesmes tout ce qu'aura ouy, & encores ce que elle aura songé. Et si sera le passetemps que lors qu'elle-est ainsi irritée, ny elle se oyt, ny entend les autres, ny admet excuse, ny dissimule de personne: ny veut prendre conseil, ny par mesmes se joindre à raison: & le pis est, que maintes-fois elle laissera ceux avec qui elle avoit question, & se plaindra de celuy qui vouloit estre mediateur: tellement que la voulant mettre d'appointement, seulement elle ne luy sçaura gré, ains formera contre luy plusieurs plainctes: disant, que s'il fut esté tel: quelle pensoit il la devoit ayder à crier, & prendre la querelle pour la venger. Donc la femme, qui de sa nature est superbe, ne pense jamais se courroucer sans occasion. Parquoy mieux vaut la laisser que la resister. Or je trouve à ratifier mon dire que la maison, où la femme est querelleuse, aura maladventure, elle estant à toutes heures preste à se courroucer, & jamais à se cognoistre. Qui me donne aussi occasion de dire, que telle femme est dangereuse: veu que par ce moyen elle fasche souvent son marj, scandalise ses parens, se fait mal vouloir de ses beaux freres, & scandalise ses voysins, & si est possible cause, que le marj luy mesure le corps avec les pieds, & luy pigne les cheveux avec les doigts. A femme furieuse & chagrineuse d'une part ce sera un plaisir de la veoir, & d'autre fascherie, la ouyr: car si elle rencontre une procession de gens, elle leur dira une letanie d'injures: si que au marj dira qu'il est nonchalant, aux serviteurs qu'ils sont paresseux, aux chambrieres qu'elles sont salles, aux enfans qu'ils sont chats, aux filles, qu'elles sont affectées, aux amys qu'ils sont ingrats, aux voisins qu'ils sont malicieux, & aux voysines, envieuses, & si pour refrein de la Balade dira qu'il
n'y a homme qui à un autre die verité, ny qui à sa femme garde loyauté, & je veux mentir, si je n'ay veu separer deux honorables mariez, non pour autre occasion, que par ce que le marj se contristoit à la table, & souspiroit au lict, & par celle cause elle disoit qu'il machinoit quelque trahison à la table à l'encontre d'elle, & que pour l'amour de quelque belle Dame souspiroit au lict: Dont sçeue la verité de ce faict, c'estoit parce qu'il estoit caution pour un sien amy d'une grande somme, & il en avoit ouy mauvaises nouvelles: suffisant mojen pour estre bien fasché. Toutes-fois je fis tant par
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mes pas que je les accointay, m'ayant le marj premier promis & juré de dissimuler ses fatigues, ne se contristant plus à table, ny souspirant au lict. Or donc la femme qui voudra endurer & estre pacifique, elle sera aymée de son marj, bien servie des serviteurs, honnorée des voysins & reverée de ses beaux freres, où autrement se pourra tenir asseurée, que tout le monde fuira sa maison, & blasonnera de sa langue. Pource qu'avec la femme malicieuse, le marj prendra bien peu de goust, bien qu'elle soit en sang genereuse, belle de face, riche de biens, & adroicte en sa maison, ains il maudira plustost le jour qu'il l'espousa, & si blasphemera le premier qui de ce faict luy parla.
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Que les marys ne sojent pas trop rigoureux, mesmement nouveaux mariez.
Il est par mesmes decent conseil au nouveau marié de n'estre rude, ny mal gracieux envers sa femme, partant que jamais ils n'auront paix ensemble, si la femme n'apprend à se taire, & le marj ne veut aucunement dissimuler: car autrement semblera plustost maison de fols, que de gens bien arrestez, celle là ouù le marj a faute de prudence, & où la femme n'a point de patience, & si avec le temps faudra que chacun face son menage à part ou bien aura tous les jours nouveaux debats. Et parce estant les femmes de leur nature fragiles, & de complexion foible, doivent à ces fins les marjs tolerer leurs fautes & dissimuler leurs negligences: tellement que s'ils leur parlent une fois avec rigueur, ils leur doivent parler cent avec douceur.
Que si on plaint l'homme qui a femme forte ou mauvaise, à plus forte raison doit on avoir compassion plus grande de la femme qui a un marj rigoureux: mesme qu'il y en a aucunes qui ont des marjs si choierez & si inconsiderez, qu'aux pauvres femmes ne leur suffit diligence pour les servir, ny patience pour les souffrir. Il est certain que par fois pour amour des enfans, ores pour les serviteurs, ou possible pour faute d'argent, ne se peut faire que le marj & la femme n'ajent par fois quelque propos ou fascherie ensemble: mais en celà, aufsi bien qu'en toute la reste, faut que le marj se monstre prudent, vojant sa fenme en sa colere, luy faisant changer de propos & re- | |
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mettant tout cela qu'elle dict à rire, luy disant aussi qu'elle en a trop de raison, ou autrement ne luy rien respondre. Car si toutesfois & quantes que la femme se courrouce au marj, ou elle forme quelque plaincte à l'encontre de luy, il veut à tout respondre, & en celà satisfaire, ne luy suffira la force de Samson, ny la sagesse de Salomon. Prens donc garde, marj, à ce que je veux dire: c'est que ou ta femme est sage, ou elle est folle; si est folle, tes efforts seront pour neant, mais si elle est sage, te suffise seulement luy dire une parolle mal-gracieuse, sans passer plus avant: Car tu dois entendre, mon amy, que si la femme ne se corrige par ce qu'on luy dit, elle ne s'amendera jamais par courroux, ou chastiment qu'on luy face. Donc quand la femme est fort en sa colere, l'on doit pour lors dissimuler, comme dict est, ou passer cela comme celuy qui n'en faict compte, & le courroux appaise, l'on pourra lors luy remonstrer, & la reprendre s'il est besoing. Car si elle perd une fois la honte ou la craincte a l'endroict de son marj, à toutes heures elle foudroyera la maison de cris, & à ceste cause celuy qui s'estimera sage, & qui voudra estre appellé
bon marj, doit plus user avec sa femme de prudence, que de rigueur ou force, cognoissant mesmement que la femme est de telle nature, qu'au bout de trente ans qu'elle aura esté avec son marj, il trouvera tous les jours en elle de nouvelles fantasies, & differentes façons de faire. Et par ainsi en tout temps le marj doit obuier aux fascheries & ennuis entre luy & sa femme, & principalement estant nouveau marié. Par ce que si du commencement la femme le commence à haïr, tard ou jamais elle l'aymera. Doncques, pour couper chemin à toutes ces fatigues, le sage marj flattera, & rendra amoureuse de soy sa femme, pource que si du commencement ils se portent reciproque amitie, & s'accordent & obtemperent l'un à l'autre, bien que par apres its viennent à se courroucer, ce sera pour nouvelle occasion, & non pas pour vieille haine. Autrement estant l'amour & l'inimitié tant mortels ennemis, le premier d'eux qui prendra le coeur à logis, il demeurera la hoste toute sa vie: si que les premier amours se pourront de là personne esloigner, mais non pas du coeur oublier. Et pour ce si du commencement la nouvelle mariée prend le frein aux dents à haïr son marj, je luy promets mauvaise vie, & à luy prou peine: car si l'un a le pouvoir de se faire craindre,
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si ne l'aura il pas aussi de se faire aymer. Il y a beaucoup de maris qui se vantent, en disant qu'ils sont crains & servis en leurs maisons, ausquels je porte plus de pitie, que d'envie, parce que service faict par crainte, ou par feinte, n'est jamais tel que celuy qui est faict de volonté. Au moyen dequoy doit beaucoup travailler le marj d'estre en la bonne grace de sa femme, & beaucoup plus la femme de se faire aymer de son marj. Donc pour journée si longue & charge si penible comme celle du mariage, ne se doit pas seulement contenter le marj d'avoir eu seulement le pucelage de sa femme, mais par mesmes doit tascher à luy desrober sa volonté: parce qu'il ne suffit pas qu'ils sojent mariez, mais faut adjouster encor ce mot de bien mariez, & bien contens. Or le marj qui n'est aymé de sa femme il aura son bien en danger, sa maison en soupçon, son honneur en peril, & sa vie en doubtance: estant aysé à croire que celle là, ne desirera longue vie à son marj, elle l'ayant avec luy mauvaise.
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Que les Marys ne doivent pas estre trop jaloux.
Il est pareillement conseil raisonnable que les maris se donnent garde d'estre avec leurs voisins malicieux, & de leurs femmes trop jaloux. Deux manieres d'hommes voit on le plus souvent estre jaloux, sçavoir est ceux qui sont de mauvaise complexion, & ceux qui en leurs jeunesses sont esté bons compaignons: lesquels imaginent & impriment en leur fantasie que leurs femmes leur feront autant, estant avec eux qu'ils ont faict avec les femmes des autres: ce qui est grand resuerie à eux de penser, & tresgrande folie le vouloir dire. Car jaçoit qu'il y ait aucune femme dissoluë, si y a il aussi d'autre part beaucoup qui sont honestes & vertueuses. Or dire que toutes les femmes sont bonnes, c'est propos d'affection, dire aussi que toutes sojent mauvaises, ce seroit faute de raison.
Faut donc ainsi parler, qu'entre les hommes il y a beaucoup à reprendre, & aux femmes se treuve tousiours quelque chose à louer. Ie ne trouve pas mauvais conseil pour la femme qui est mauvaise, ou legere de teste, de la reduire à raison, & luy oster toute occasion: toutes-fois avec ce je n'entens pas que sous couleur de la garder, luy donnent mojen ou occasion de se desesperer: Nous ne scaurions nier qu'il n'y ait des femmes de si mauvaise nature, &
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de tant deshonneste inclination, lesquelles ne se veulent amender par raison qu'on leur propose, ny pour bien qu'on leur face, & moins par punition qu'on leur donne, ains plustost semble veoir qu'elles sojent nées en ce monde pour deshonnorer leurs marys, & pour faire honte à ses parens. Et par le contraire trouvera l'on plusieurs autres femmes lesquelles de leur propre nature sont de si bonne, chaste & gentile inclination, qu'on jugeroit pour vray qu'elles ont esté nées par exemplaire & miroir de toute la Republique, & pour l'honneur de toute sa lignée.
Or donc si le marj a quelque soupçon de sa femme, il doit monstrer cautement qu'il se fie plus de sa preud'homie, que de la garde qu'il pourroit faire: luy ostant toutesfois les occasions, & soupçonneuses compaignies, & ne luy monstrant de parolles, ny de faict qu'il est si jaloux: Car les femmes sont de telle nature, qu'il n'y a choses qu'elles ayment & desirent plus avoir que ce qu'on l[e]ur deffend: joint aussi que si une femme se sent une fois deshon[no]rée, elle cherchera tous les mojens qui luy seront possibles, pour faire vray ce dont le marj en est par trop soupçonneux, & ce non point tant pour la volonté, ou desir qu'elle aura de mal faire, ains pour se voir de sondict marj vengée. Doncques ny la force de Samson, ny le sçavoir d'Homere, ny la prudence d'Auguste, ny les cautelles de Pyrrhus, ny la patience de Iob, ny la sagacité d'Annibal, ny les veilles d'Hermogenes, ne fuffirojent point à assujectir une femme à vostre vouloir, si une fois elle â entrepris le contraire. Car il n'y a en ce monde si grande force, qui face une femme estre bonne par force. Et à ceste cause les negligences, & fautes, qu'un marj cognoistra en sa femme, ne sera sage de les publier, & incontinent les chastier, mais plustost doit corriger les unes, remonstrer les autres, & dissimuler la plus grand part: car pour sage & patience que soit une femme, deux choses seules elle ne sçauroit endurer, à sçavoir qu'on l'ayt en estime de femme moins que chaste, & d'estre appellée layde. Par ce si qu'elle est dissolue, elle veut estre estimée vertueuse, & estant layde, veut estre au rang des belles.
Soit doncques la conclusion, que quand le marj verra, & cognoistra ces qualitez en sa femme, sçavoir est: qu'elle craint deshonneur, & fuyt occasions, & soupçonneuses compaignies, & par
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mesmes qu'elle met à point son bien. Suis de c'est aduis, & conseil, que le marj ne la traicte comme homme jaloux, & si ne luy parle comme malicieux. Par ce qu'elle aura grande obligation d'estre bonne & vertueuse, vojant que son marj fait de grande confiance d'elle.
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Que si entre le marj & la femme ont des ennuys ou facheries, ny doivent cela trop manifester, ny moins en participer à leurs voisins.
Il est par mesmes tres-convenable conseil, qu'en telle sorte & maniere, & avec telle discretion se gouvernent le marj, & la femme en leurs courroux, ou debats, que les voysins n'en sojent abreuvez de leurs affaires, puis que c'est chose certaine, que si quelqu'un d'eulx leur porte inimitie, il prendra plaisir de sçavoir qu'ils sont en fascherie, & s'ils les ayment, ne sçauront aussi tenir d'en parler, cecy dis-je parce qu'il y a des hommes tant inconsiderez, & des femmes si mal patientes, qu'ils ne scaurojent remonstrer, qu'en se courroucant, ny elles ne scaurojent respondre, qu'en cryant, en sorte & maniere que leurs voysins ont assez affaire de les appointer les jours ouvriers, & à ouyr leurs plaintes les festes. Le marj se plaindra, en disant, que sa femme est si tresancre & mauvaise, qu'il n'y a diable qui la puisse dompter, ny avec elle demeurer, & si dira aussi qu'elle est si jalouse, soupconneuse, & si impatiente qu'elle ne scauroit dissimuler un seul mot: & si adjoustera d'avantage: disant qu'elle est paresseuse, trop mignarde, dormarde, & si ne obmettra, possible à dire qu'elle est salle, nonchalante & mauvaise mesnagiere, & qu'elle ne scait qu'aller & retourner à visiter ses commeres, ses parens & amyes, tellement que depuis qu'elle met le pied hors la maison le matin, elle ne revient jusques à ce qu'il est heure de soupper. Semblablement la femme fera plusieurs doleances de son marj, en disant que c'est un homme triste, melancolique & trop solitaire, si que pour estre si soupconneux, seulement il ne la laisse aller veoir ses parens, & que si elle veut aller à l'Eglise, n'aura pas encores ouy demy messe, ne dit un pater, qu'il la mandera querir, 't ellement qu'elle n'ose vestir bonne robe, ny chaperon, &
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moins s'ose monstrer encores à porte ou à fenestre estant plus enclose ou serrée, que si elle fut religieuse d'observance, & si elle se plaindra de mesme de son marj, voulant dire qu'il est homme de tresgrande colere, qu'on ne luy ose dire un mot, ne se courrouce fort: si qu'il y a par fois si allumé la colere, qu'il ny aura en sa maison chambriere ny serviteur, ny quelque fois la maistresse, ausquels il ne mette la main dessus.
Pareillement elle dira qu'il ne prend en gré service, qu'on luy face, & ne veut croire chose qu'elle luy die: en sorte que la pauvre femme ne luy sert j'a d'autre office, que de garder la maison, apprester son disner, & soupper, & luy nourrir ses enfans: & en se plaignant dira par mesme sorte de son dict marj, que c'est un jouëur, & un desbaucheur, tellement qu'il ne laisse mariée ny vefue, qu'il ne tasche à luy presenter son service, & si avec tout cela elle que ne suffit pas de despendre sa rente ou revenu, mais que pareillement il engage les bagues d'elle, pour en survenir à ses plaisirs, passetemps: telles & semblables plaintes, & doleances font le marj de la femme, & la femme du marj, desquelles en vouloir participer à ceux qui ne les doivent sçavoir, n'y leur peuvent remedier, me semble veoir, que au marj est faute de naturel, & à la femme envie devouloir parler. Partant que telles, ou semblables choses se dovent seulement deceler à celuy, lequel cognoissons estre nostre vray amy, & l'avons congneu pour tel, & non à autre.
Car si je manifeste à tous ce que j'ay caché dans mon coeur, qu' est ce que je garderay à dire à mon grand amy? Et pour ce les facheries, passions, & fatigues, qui nous surviennent, n'est pas raison de les manifester, & declarer, fors à celuy, qui est nostre entier amy, lequel nous aydera à y remedier, nous donnera conseil, & si nous les aydera à plorer: joint que les larmes de l'amy amollissent beaucoup le coeur affligé. Et puis que cecy est vray, pourquoy est-ce que la femme se plaint du marj, & le marj de sa femme à celuy que, possible, au lieu de les appointer, se mettra à rire, ou à se moquer? Donc s'il y a au marj quelque faute, & en la femme quelque imperfection, je ne trouve pas grande sagesse, de manifester cela à ceux, qui n'en sont pas advertis: car moindre mal est, que voz voisins en ayent le soupçon, que non pas qu'ils le scachent par vous mesmes.
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Que les maris ayent soing de pourveoir à ce qui est neceßaire en leurs maisons.
Il est pareillement conseil fort utile, que les marjs sojent soigneux & vigilans de faire provision de ce qu'il est besoing & necessaire en leur maison. Bien est vray qu'es choses de volonté, l'on se pourroit oublier, mais en celles qui sont de necessité, ne se soufre pas estre nonchalant, ou peu soucieux. Parce que l'office du marj est de gaigner & amasser le bien, & celuy de la femme de garder la maison.
L'Office du marj est de chercher argent, & celuy de la femme de le garder. L'Office du marj est d'estre zelateur de l'honneur, & celuy de la femme de se priser d'estre honneste. L'Office du marj est d'estre liberal, & celuy de la femme est d'estre chiche: L'Office du marj est de bien parler, & celuy de la femme d'apprendre à se taire: L'Office du marj est de s'abiller comme il pourra, & celuy de la femme comme elle doit: L'Office du marj est d'estre Seigneur de tout, & celuy de la femme de rendre compte de tout: L'Office du marj est de despecher & donner ordre à ce qui est de la porte en dehors, & celuy de la femme de se soigner à ce qui est au dedans de la maison. Finalement je dy que l'office du marj est faire valoir son bien, & celuy de la femme gouverner la famille: I'ay voulu dire toutes ces conditions, afin de donner à entendre qu'à la maison, où un chacun fait son office, nous l'appellons religion, & celle où chacun fait à sa guise, se nommera Enfer.
Que la femme demande à son marj choses superflues, & de grand coustange, ny elle les lay doit demander, ny luy les luy doit donner: mais si elle luy demande choses honnestes & necessaires pour elle, ou pour sa maison, il ne les luy doit aucunement refuser: autrement le marj doit tenir pour certain que les gages de son honneur, possible elle fera provision de ce qui luy est necessaire pour elle, & pour sa maison. Et pource le marj, qui ne donne à sa femme pour avoir la Robbe, la Cotte, Souliers, les Chausses, & Chaperon, & moins pour habiller ses enfans, ny payer ses chambrieres, & que de tout cecy il la veoit meilleurée, & pourveuë, il doit lors penser qu'elle aura plustost gaigné cela à trotter, qu'à filler. O cõbien y a-il de femmes, qui s'esgarent, & desbauchent, non pas par le
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desir qu'elles ont de ce faire, ains par ce que leurs marjs ne leur donnent ce qui leur est necessaire, & à ceste cause à change de chasteté, elles supplient à leur extreme necessité.
Et par ce doit croire le marj, que pour entretenir maison, & train, n'est pas suffisant à la femme de filler, tistre, & ouvrer, & veiller, mais il faut aussi par le semblable que le marj travaille. Autrement qu'il s'asseure que la provision de sa maison se fera aux despens de son honneur, & cousts de la personne de sa femme. Toutes-fois pour pauvreté, necessité niautrement, la femme ne doit jamais faire chose, qui porte deshonneur à son marj, ny à elle. Donc adjoustant encore ce mot à ce qui a esté predit, tournay à dire, que la nonchalance du marj donne souvent occasion d'estre la femme avec luy absoluë, & je ne sçay avec quel visage, ny moins de quel coeur ose le marj courroucer, ny battre sa femme, ne mettant jamais la main à la bourse pour alimenter sa maison. Le marj donc qui conformement à son estat alimente sa famine, & entretient sa maison, à juste & raisonnable cause se pourra courouçer des nonchalances & negligences de sa femme, autrement ayant faute en cecy, faudra qu'il face l'oreille sourde de ce qu'il orra, & qu'il dissimule de ce qu'il pensera & qu'il endure ce qu'il verra.
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Que l'homme marié ne doit mener en sa maison hommes vicieux ou mal renommez.
Il est aussi raisonnable conseil à l'homme marié de s'accompagner de vertueuses personnes, & fuir les hommes vicieux. Pource qu'il y a plusieurs qui sont mal mariez, non pas pource qu'ils auront congneu quelque vice, ou faute en leur femmes, ains parce que malicieuses compaignies l'ont mal conseillé. Et par ainsi si le marj est badaut, je n'en dy rien: mais s'il est homme d'esprit, il doit avoir honte qu'un autre luy ose dire mal de sa femme, veu que celuy qui luy tient tels propos, ne la voit possible une fois la sepmaine, & luy la converse à toutes heures. Et parce s'il y a en la femme quelque faute, le marj la doit premier cognoistre, & l'ayant apperceuë, la doit corriger & y remedier. Que s'il ne le veut faire, l'on le doit laisser là, puis qu'il le veut ainsi, & à ceste cause je dy qu'une des grands offences que l'on faict à Dieu, est de mettre en dissen- | |
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tion le marj & la femme. Car si l'on voit quelque faute au marj, ou en la femme, nous avons licence de les adviser, mais non pas de les mettre en facherie.
Dont à ceste raison sont repris mainctes fois les marjs qui donnent credit aux parolles des serviteurs, voisins, ou autres, lesquels sous couleur d'amítié, leur feront quelque mauvais rapport de leurs femmes, ce qu'ils ne doivent aucunement croire. Car possible font ils plus cela par quelque hainc, que pour le zele qu'ils ont à son honneur. Au mojen dequoy l'on doit fuir telles accoinctances, & mesmement s'esloigner d'un tas d'hommes cauts, & rusez, lesquels pour parvenir à leurs desseins, prendront amitié au marj, afin d'avoir entrée plus seure avec sa femme. Il est toutesfois permis à la femme d'aymer son voisin, & l'amy & parent de son marj, mais non pas d'avoir avec eux trop grande familiarité, & privauté: car le proverbe en est vulgaire que l'espée la femme se peuvent monstrer, & non pas prester. Donc si au marj survient quelque fascherie, ou deshonneur, pour avoir amené quelcun en sa maison, lequel a prins trop grande familiarité à sa femme, il doit douloir plustost de soy mesme qui l'amena, & non pas de sa femme qui broncha.
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Que les femmes mariées doivent mettre la main par tout en leur mesnáge.
Semblablement est tres-necessaire que la femme mariée apprenne & sçache faire mainctes choses necessaires à un mesnage: car cela leur est á elles soulagement, & grand contentement à leurs marjs. Et à ceste cause Suetone Tranquile dict, que l'Empereur Auguste commanda de faire apprendre à ses filles tous les offices, avec lesquels une femme se peut entretenir, & dequoy elle se peut honnestement estimer. Si que tout ce qu'elles portojent dessus elles, elles mesme l'avojent fillé, tissu, & cousu.
Donc pour riche & estimée que soit une femme, aussi bien luy siet il une quenouille à la ceincture, qu'au gentil-homme l'espée, & au Prestre l'estole. Tarquin Colatin marj de la belle & chaste Lucrece, estant au camp des Romains devant la ville Ardée, soupoit un jour avec les Princes & Seigneurs, le propos fut mis sus à
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l'honneur des dames, chacun louë sa femme par sus les autres, le debat eschauffe, & le propos bien en train, Colatin va dire: quel besoing est-il de tant de parolles? en peu de temps on peut sçavoir de combien ma Lucrece surpasse les autres.
Ils piquent jusques à Rome, trouvent les belles filles du Roy & autres Dames Romaines en jeux, bancquets, danses, pompes, & toutes dissolutions. Puis vont en Colace, ou trouvent Lucrece de nuict bien tard occupée en ouvrage de laine, au milieu de ses servantes: chacune aussi occupée à sa tasche. Doncques si lon me veut dire qu'és nobles est à mespriser s'empescher de choses si basses: A cecy je responds que la femme de bien ne se doit pas moins estimer de travailler dedans sa maison: ains elle doit avoir honte de rien faire. Parce que l'honneur d'une femme ou d'une dame ne consiste pas à estre assise sans rien faire, mais plustost à estre occupée. Et pource, si mainctes dames voulussent faire le semblable que la chaste Lucrece, elles serojent exemptes des mauvais reproches, & si ne verrions si grand nombre trotter par les rues, cherchant à se perdre: car il n'y a si mortel ennemy de chasteté, que cest oysiveté.
Or, pour Dieu, dictes moy, une femme qui est jeune, saine, libre, belle, deliberée, & qui demeure sans rien faire en sa maison, qu'est ce qu'elle peut penser, estant assise sur un carreau, à grand loisir? ce qu'elle peult faire, est, se mettre à excogiter quelle forme & maniere tiendra pour se mettre en liberté, & pour se perdre, tellement qu'elle donne à entendre au monde qu'elle est bonne, & d'autre part qu'elle accomplisse ses desirs. O quel plaisir, & contentement est au marj veoir sa femme leuer de bon matin, & à demy habillée, qu'elle met en besoigne son train, faisant leuer ses enfans, les envojant à l'escolle, envoyant ses varlets aux champs, & elle avec ses chambrieres s'employer au reste du mesnage. Que je ne pense pas que le marj soit si despourveu d'entendement, qu'il n'ayme plus veoir sa femme empeschée le samedy à plier & mettre à point les linges de sa maison, que de la veoir le dimanche se diligenter à se parer, & à se farder pour estre veuë, vous asseurant que je n'estime pas trop les femmes qui en leurs maisons ne sçavent faire autre chose que de se leuer à onze heures, disner à douze, & deviser la reste du jour: si qu'il semble à veoir que telles ne sojent nées en ce
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monde que pour boire, manger, dormir & parler. Donc pour estre une femme bonne, importe beaucoup d'estre tousiours occupée. Car la femme oysive est le plus souvent pensive. Et par tant je conseille aux dames, & femmes d'honneur, de mettre leurs filles à quelque honneste exercice: ou autrement je les advise que de grandes oysivetez, & de legers pensemens sourdront de mauvaises besognes. Priant Dieu, &c. De Granade, ce 4. de May, 1524.
ALsoo in het tweede deel van het voorgaende werck fol. 56. en volgens, mitsgaders fol. 110. en daer na, wort gehandelt vande sware ongemacken, diemen dickmael siet ontstaen wanneer vrouwen door oneenicheyt ende onverdult haer van hare mans ontrecken; ende wederom als de mans te lang-duerigen reyse aenvanghen, ende de vrouwen alleen laten: Soo hebben wy goet ghevonden eenige ghedenck-weerdighe exempelen, die niet overal te vinden en sijn, voor het besluyt van dit werck, uyt geloof-weerdighe schrijvers hier cortelick by te vougen; over-weecht de selve, gunstige Leser, en vaert wel.
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