Juin
De larges espaces mollement ondulants, où, en de calmes contours, s'estompent au loin de vagues lignes d'arbres... Des étendues d'un vert grisâtre ou fauve, que frôle d'une longue caresse la tiède brise, que moire tour à tour d'ombre et de lumière capricieuse, la silhouette des blancs nuages glissant dans le ciel bleu.
Des hommes et des femmes qui peinent, courbés, à moitié nus, les faux sifflantes, les fourches étincelantes. Et, l'herbe longue, tondue par ces larges coups de rasoir, couchée en javelles, tournée et retournée, exhale au soleil ses capiteux aromes champêtres.
La plaine entière ainsi se dénude, mouvementée d'ardent travail, au radieux soleil de juin. Et, dans le ciel lumineux, planant presque invisible, sur ses ailes frémissantes, l'alouette chante le bonheur de vivre dans la pure ivresse des joies rustiques... Puis, c'est le soir, qui doucement tombe. L'azur se teinte de vert, d'orange, de rose. La plaine, qui se bossue de meules, pareilles à des cabanes d'autochtones, pareilles à des tentes d'armée, prend des aspects étrangement mystérieux.
L'heure semble arrêtée dans le silence, et le travail cesse. Une cloche au loin résonne, vaguement plaintive; un chien aboie, une faux encore s'aiguise, un écho retentit... Puis, les teintes se fondent, s'assombrissent. Une brume rêveuse enveloppe les choses; des chauve-souris tourbillonnent, silencieusement agitées.
C'est l'heure recueillie...
Et, seul et solennel au sein du grand silence, le rossignol alors élève sa voix splendide, du fond des bois voisins.
Immobile et invisible sous les noires arcades des feuillages, il berce le sommeil, il chante la douceur du rêve, le charme de l'amour et du repos.