[Ainsi je prévois...]
...... Ainsi je prévois que s'ils me répondent, ils chercheront si je me suis contredit en quelque lieu, si j'ai fait quelque remarque qui soit un faux raisonnement, si mes principes ont des conséquences absurdes. S'ils ne font que cela, je leur déclare de bonne heure que je ne me tiendrai pas pour réfuté, ni ma cause moins victorieuse dans le fond: car la victoire d'une cause ne se perd pas parce qu'il sera arrivé à un avocat de ne raisonner pas toujours juste, d'avoir des pensées en une lieu qui ne sont pas tout à fait la suite de celles qu'il a eues en une autre, de pousser trop loin en certains endroits sa pointe, de s'égarer quelquefois. Tout cela m'est arrivé peut-être, mais comme nonobstant ces défauts je crois avoir dit des choses qui établissent incontestablement ce que j'ai voulu soutenir, il faut qu'ils répondent à ce que je dis de fort et de raisonnable, et qu'ils n'imitent pas cette méthode des controversistes, qui fait qu'il n'y a point de livre si terrassant contre lequel on ne publie des réponses et qui consiste en ce qu'on cherche les endroits où un auteur aura mal cité un passage, emploié une raison tantôt d'une manière tantôt d'une autre, et que l'on peut rétorquer, et commis tels autres défauts presque inevitables.
...... Voilà d'où vient qu'on répond à tout, mais à proprement parler ce n'est pas réfuter un livre, c'est seulement faire l'Errata de son adversaire et pour moi si on ne fait autre chose contre ce livre, je me tiendrai pour Vainqueur .....
PIERRE BAYLE,
(Commentaire Philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ: ‘Contrain-les d'entrer’).
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