l'esprit corrompu et nous osons dire, sans trace d'intention corruptrice. Tout comme, cent ans avant lui, Constantin Huygens avait jeté sur le papier en peu de jours, pour la publier après sous son propre nom, cette farce inénarrable qu'est Trijntje Cornelis et tout comme, suivant le fin observateur G.K. Chesterton (The Everlasting Man, 1925), le font toujours même les auteurs les plus estimés - non pas hypocrites s'ils reconnaissent au moins leurs fils bâtards - lorsqu'ils se sentent en veine de fréquenter la muse errante.
Après cela, nous jugeons plus incompréhensible encore à tout homme qui ne se contente pas de formules rebattues et surannées, que l'oubli ait pu couvrir de son voile les drammi per musica, le Poema Tartaro et, spécialement, Gli Animali parlanti qui, après les pages aigres des critiques et historiens littéraires italiens, attendaient la revendication du temps, estimateur juste des vrais mérites des écrivains.
Casti, répétons-le, fut homme plus qu'artiste dans le sens strict du mot. Nous croyons cependant que dans un poète, avant l'art, c'est la vie qui détermine une stature humaine, une dimension morale. La bonne lyrique, comme un tableau heureux, ne suffit plus, à nos jours, pour justifier et pour absoudre les défauts de l'artiste, grands surtout lorsqu'une étiquette voyante est affichée sur de telles déficiences. Il ne suffit pas non plus de croire à un artiste à qui manque la conscience d'avoir les pieds posés sur la terre, comme tous les mortels. Ce n'est pas, du reste, un sentiment essentiellement moderne; qu'on voie la pensée de Pascal que nous avons mise en tête de ce chapitre final.
Or, Casti, précisément, eut les pieds sur la terre, qui fut celle de son époque tourmentée. Autrement dit, il fut conscient de ses limites et de ses devoirs comme esprit créateur; il sut que la vie impose à chacun un péage, pour que le pain quotidien ne soit pas sans saveur. Qu'il ait su combiner cette vision nette du temps où il vivait, et des peu de promesses qu'en contenait le bouleversement, avec son génie voltairien des scandales et des chroniques secrètes, ne change rien à la chose. Qu'il y mît son franc parler, son rire jamais frelaté mais souvent impudent, ne devrait lui valoir que les rigueurs des censeurs littéraires du Risorgimento, non pas les nôtres. L'humour, en effet, n'abonde pas dans la république des lettres italiennes des deux derniers siècles. C'est parfaitement explicable; mais c'est un fait.
Au cours d'une productivité qui ne battait son plein qu'après sa cinquantaine, Casti s'est essayé à tous les genres littéraires, de l'anacréontique courue, en passant par le théâtre bouffon, jusqu'à la satire politique et à l'épopée moqueuse et parodiée. Toute sa vie, il a connu la douce folie de créer. Il a joué dans le petit jeu des pâtres d'Arcadie, et non sans quelque mérite. Il a saisi dans l'étourderie