Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd
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29 augustus 1751Une personne très bien informée de l'intérieur d'Amsterdam et liée avec le vieux parti, mais qui en même tems a beaucoup d'amitié et de confiance en moi, m'a dit, que l'on travailloit à force à Amsterdam à faire rentrer les magistrats démis; que TronchinGa naar voetnoot1) s'employoit en particulier pour Castricum et qu'il mettoit tout en oeuvre pour cela, mais que je ne m'y blousasse pas; que si les choses alloient jusqu'au point, que l'on les y voulut faire rentrer, ils attendroient jusqu'au moment de l'offre et que le Prince fut embarqué jusqu'à ne pouvoir plus reculer et qu'alors ils refuseroient avec hauteur et prendroient cette occasion pour vomir leur bile. | |
30 augustus 1751Je fus à la peinture de la PrincesseGa naar voetnoot2). Je lui dis, que les occupations de l'assemblée de Hollande et de la commission de ZélandeGa naar voetnoot3) m'avoient empêché pendant toute la semaine passée de lui rendre mes devoirs à l'heure, que l'on lui pouvoit parler seule; mais qu'à présent je profitois du premier loisir pour lui demander, si elle avoit fait un papier, que j'avois pris la liberté de lui envoyerGa naar voetnoot4), l'honneur de le lire. Elle dit: ‘Oui, je l'ai lue et je l'ai serré’. Je lui demandai, quand elle me permettroit de l'entretenir sur le contenu | |
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de ce papier. Elle répondit: ‘Je ne sai à quoi cela servira; c'est une matière sur laquelle je ne puis pas parler sans le Prince’. Je lui dis, que cela étoit vrai et que c'étoit aussi pour cela que j'avois mis L.A.Ga naar voetnoot5) ensemble dans le papier; que c'étoit de l'intérêt de la maison, qu'il s'agissoit et de celui de la République et que tout ce que je souhaitois de S.A.R. étoit, qu'elle me voulut permettre d'arranger premièrement avec elle la manière de me conduire en ceci et qu'elle me voulut dire ce qu'elle pensoit sur le sujet en question, qui étoit trop important pour l'état, pour le Prince et sa maison, en particulier pour S.A.R. personnellement, pour n'être pas tiré au plutôt au clair et qu'outre cela il n'importoit pas moins à ceux, qui se sont exposés pour le Prince et sa maison de savoir où ils en seroient et ce qu'ils auroient à faire en cas de malheur. La Princesse dit, qu'il y avoit d'autres choses, qui pressoient bien d'avantage et auxquelles il faloit travailler dès à présent, au lieu que l'autre ne regardoit que l'avenir. Je lui dis, que l'un n'empêchoit ni n'excluoit l'autre et que quelque soin que l'on prit pour le présent, il faloit pourtant toujours en revenir à l'autre affaire, sans laquelle tout ce que l'on feroit pour le présent seroit inutile et qu'il faloit même que les demarches pour le présent fussent calculées pour l'avenir. Elle dit là-dessus, que la meilleure précaution à prendre pour l'avenir étoit une conduite sage et juste pour le présent; que si l'on faisoit chaque chose bien à mesure, qu'elle se présentoit et selon la justice et la prudence tout iroit bien après cela. Je lui dis, que ce qu'elle disoit sur la façon de se conduire pour le présent, étoit très bien dit; que cela étoit indispensablement nécessaire, mais que quand même cela seroit ainsi et que cela continuât pendant des années à aller bien, encore ne tenoit-elle rien; qu'il faloit toujours en revenir aux précautions à prendre, qui étoient plus nécessaires; que je n'avois été retenu par la crainte de la choquer, si je lui avois rapporté un certain détail; mais que je pouvois l'assurer, que le danger étoit encore plus grand, que je ne le lui avois montré. Elle me répéta, qu'une conduite sage et juste étoit la meilleure précaution à prendre. Elle me parut passive et embarrassée dans cette conversation, qui se passa avec beaucoup de tranquilité apparente et dont je ne rapporte que le précisGa naar voetnoot6). | |
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31 augustus 1751Je fus le matin chez le prince d'Orange. Je le priai de vouloir disposer avant son départ pour AixGa naar voetnoot7) de la place de directeur de la Compagnie des IndesGa naar voetnoot8) et je le pressai encore en faveur de monsieur HogeveenGa naar voetnoot9). Le Prince dit, que Van der DussenGa naar voetnoot10) le demandoit pour lui-même; qu'il étoit plus ancien bourguemaître; que Van der Dussen s'étoit distingué, quand le Prince étoit devenu stadhouder et en avoit témoigné beaucoup de joyeGa naar voetnoot11). Je dis au Prince, que j'étois très fâché d'entendre parler à présent de Van der Dussen; que quand j'en avois parlé au Prince en faveur de Hogeveen, la chose avoit été entre SchuilenburgGa naar voetnoot12) et Hogeveen; que je m'étois flatté sur la façon, dont S.A. m'avoit parlé; que S.A. seroit favorable à monsieur Hogeveen, d'autant que monsieur de Catwijk, qui m'avoit paru s'intéresser pour Schuilenburg, m'avoit dit, qu'il ne s'intéressoit pour personne; sur quoi je l'avois prié de seconder ma sollicitation auprès du Prince pour Hogeveen; que j'en avois aussi parlé au conseiller pensionaire, qui, à ce qu'il m'avoit dit, avoit aussi parlé à ma requisition en faveur de Hogeveen; que tout cela joint à la manière, dont le Prince m'avoit parlé, m'avoit donné lieu de croire que Hogeveen réussiroit; que j'en avois aussi flatté Hogeveen et lui avois dit, que je ne doutai nullement du succès puisque monsieur de Catwijk ne s'intéressoit pas pour son compétiteur et que le conseiller pensionaire (à qui j'ai aussi renvoyé Ho- | |
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geveen) en avoit parlé au Prince; que si je ne me trompois, le Prince, quand j'en avois parlé à S.A., s'étoit servi du mot ‘favorable gedagten’. Le Prince me le nia d'abord. Et sur ce qui je ne répondis rien, il dit, qu'il étoit réligieux observateur de sa parole. Et comme j'allois parler, le Prince avant que j'eusse proféré une parole, me demanda, si je disois, qu'il s'étoit servi du mot ‘favorable gedagten’. Je lui dis, que d'abord, que S.A. disoit, que non, je cédois et que ce devoit être un mésentendu de ma part, mais qu'indépendamment de cela, j'avois eu lieu de me flatter; qu'en conséquence j'en avois flatté Hogeveen; que si cela manquoit à présent, je me rendrois ridicule; que si S.A. avoit résolu de donner le poste à Van der Dussen je ferois venir Hogeveen ou lui écrirois pour lui dire, qu'il n'y avoit rien à faire pour lui. Le Prince me dit, qu'il ne s'étoit pas encore déclaré à Van der Dussen et que pour Hogeveen il ne pourroit pas être aidé cette fois-ci. Je dis au Prince, que j'en étois très fâché, à cause du ridicule, que cela jetteroit sur moi et que cela me rendoit tout à fait inutile; que ce seroit certainement la dernière fois, que je recommandois quelqu'un au Prince, pour quoi que ce soit et que je ne m'exposerois plus à faire une autre fois une figure pareille à celle, que ceci me feroit faire. Le Prince me dit, que j'étois piqué et que je ferois bien d'y penser avant d'en dire d'avantage. Je dis au Prince, que si j'étois piqué, j'avois raison de l'être; que depuis longtems j'avois observé qu'il suffisoit, que je recommandasse quelqu'un pour qu'il n'êut rien; que ce n'étoit pas le moyen de me mettre en passe de servir le Prince et sa maison; que je ne savois pas, si d'autres que le Prince consulte et dont il suit les avis, lui pouvoient être aussi utiles; que je savois, que je pouvois l'être; que tout le monde savoit les liaisons de O. Haren avec les Van der Dussen; qu'on diroit, que c'étoit un effet des recommandations de Haren et que cela feroit un très mauvais effet dans le public et me rendroit encore plus ridicule. Le Prince prit alors la parole et m'assura, que Haren n'avoit aucune part à ceci et n'avoit pas recommandé Van der Dussen et que par rapport à moi il se croyoit tout à fait blanc et qu'il en avoit agi à mon égard d'une façon à ne pas mériter aucun reproche. Je dis, que je croyois en pouvoir dire tout autant de moi-même à son égard, à l'égard de sa maison et du public, mais que par ceci je devenois tout à fait inutile au Prince et ne me chargerois plus d'aucun message pour le Prince de la part de qui que ce fût et que je dirois à tous ceux, qui m'en parleroient, que je n'étois pas écouté | |
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et que je ne savois pas, à qui ils se devoient addresser. Le Prince me dit, que personne ne croiroit cela et que le public n'en jugeoit pas ainsi. Je dis au Prince, que je serois très fâché, que le public crût, que c'étoit moi, qui avoit la direction des affaires sur le pied, qu'elles alloient et que je l'en désabuserois, s'il le croyoit, mais que j'assurois, que le public ne le croyoit pas; que ceci feroit en tout cas voir combien peu cette idée étoit fondée et que je serois obligé de le publier moi-même; que je ne savois pas, si cela conviendroit au Prince; que je croyois que non, parceque je savois ceque je pouvois valoir au Prince. Le Prince me répéta, que j'étois piqué et qu'il valoit mieux ne pas pousser plus loin cette conversation aujourd'hui. | |
4 september 1751Quand je suis arrivé à Vienne et que j'ai fait à LL.MM.II. la proposition de céder à la République le prince Louis, cette proposition fut d'abord reçue par LL.MM. de la façon la plus obligeante pour la République, pour le prince d'Orange, mais pourtant comme une affaire à laquelle il faloit penser avant de donner une réponse définitive. Dès la première conversation, que j'eus avec le comte d'Ulfeld je remarquai, que la principale considération tomboit sur le caractère personnel du prince d'Orange et le comte d'Ulfeld me dit tout net, que je devois savoir par ma propre expérience, que le prince d'Orange n'étoit pas toujours du même avis (faisant allusion à ce qui s'étoit fait par moi en 1747 et qui avoit été renversé en 1748, quand Charles fut envoyé en AngleterreGa naar voetnoot13)). J'en conclus d'abord, qu'il faloit montrer le dessous des cartes et que sans cela je ne réussirois pas. Sur quoi je me déterminai à faire venir de La Haye le mémoire du 25 mars 1749Ga naar voetnoot14) et de le montrer à LL.MM. afin de leur faire voir clair quoi il s'agissoit, leur montrer la confiance, que je leur devois et prouver en même tems par le contenu du mémoire le but, que l'on se proposoit en demandant le prince Louis. Ce mémoire est donc proprement la base de tout ce qui s'est passé à cet égard; non seulement entre LL.MM. et moi, mais aussi entre le prince Louis et moi, car je lui ai montré à Vienne. Et je suis sûr, que si LL.MM. ne l'avoient pas vu, elles n'auroient pas | |
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consenti à nous céder le prince Louis et que si le prince Louis ne l'avoit pas vu, il n'auroit pas accepté. Il est vrai, qu'on ne peut pas avouer au prince d'Orange, que ce mémoire a été montré à Vienne. Mais il est vrai aussi (et mes lettres au prince d'Orange le prouvent), que la destination du prince Louis a été, comme elle devoit l'être, déclarée à LL.MM. et les lettres du prince d'Orange à l'empereur, à l'impératrice règnante et à feu l'impératrice-mère le prouvent encore plus fortement et lient le prince d'Orange, autant qu'il est possible d'être liéGa naar voetnoot15). On a beau tenir au prince Louis le plus réligieusement du monde tout ce que l'on lui a promis à d'autres égards. On manquera à l'essentiel si l'on manque à le mettre à la tête du militaire et si l'on néglige aucune des précautions. On a à la vérité invité le prince Louis à assister à la conférence informe des affaires étrangères. Mais ce n'est qu'un point. Et restent toujours les autres non moins importants et non moins pressez pour le soutien du parti du Prince et du gouvernement présent. Les affaires vont cahin caha par sauts et par bonds. Mais cela peut-il durer? Et cela dure encore un peu, à quoi cela mène-t-il? Voilà l'état de la question par rapport au prince Louis. Reste à présent à considérer: De quelle façon le prince Louis doit se conduire et quel parti prendre pour parvenir au but et pour se faire tenir ce que lui a été promis, sur l'article le plus essentiel de tous et qui est proprement la condition sine qua non. Je comprens bien, que le prince Louis ne peut pas jouer le même rôle que moi et d'autres d'un rang et d'une classe inférieure à la sienne et qu'il n'y a pour lui que partis à prendre, de partir ou de rester. Le premier feroit d'un grand éclat. Aussi faut-il, avant de le prendre, être tout à fait sûr, que le second parti (celui de rester) fut tout à fait inutile et par conséquent pernicieux. Mais la crainte de l'éclat doit-il empêcher de faire une chose, qui doit être faite par d'autres raisons capables de contrebalancer et d'emporter la balance contre la crainte de l'éclat? La crainte de l'éclat ne doit selon moi pas faire d'autre effet que celui de faire donner la plus grande et la plus sérieuse attention à tout ce qu'il y a à faire pour prévenir un éclat, dont on prévoit des funestes conséquences. Mais il faut balancer ces conséquences-là contre celles du parti contraire. Et sur toutes choses il ne faut pas souffrir, que le prince et la princesse d'Orange s'imaginent que la crainte d'un éclat retiendra seule le prince Louis. Il est encore beaucoup plus de leur | |
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intérêt et plus important pour eux de ne pas forcer le prince Louis à faire une démarche d'éclat, qu'il ne l'est pour le prince Louis de ne pas faire cette démarche d'éclat. Le prince Louis tient le bon bout, car il a l'honneur de son côté et il aura l'approbation du public. Je n'en dirai pas autant deGa naar voetnoot16). Mais enfin la question en revient à examiner ce qu'il faut pour éviter et rendre inutile un éclat très facheux et très préjudicable. Il faudra faire quelque chose. Et le prince Louis est certainement armé de pied en cap. |
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