Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd
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6 mei 1751Avant de déterminer finalement ce qui doit être fait par ceux, qui sont d'accord et unis de principes, il faut, pour se former une idée juste de la situation présente, reprendre les choses d'un peu plus haut. Dès le commencement du stadhoudérat le Prince et la Princesse ont tous deux été avertis du danger où ils mettoient la République et leur maison, s'ils ne vouloient se déterminer à suivre des principes fixes dans la conduite des affaires et à employer des personnes, qui eussent de la confiance mutuelle entre eux et qui fussent honoré de celle du public. Au lieu de cela l'un et l'autre ont continué à faire les affaires tellement quellement par pièces et par morceaux sans suite ni plan fixe, suivant tantôt les impressions de l'un, tantôt celles de l'autre, contradictoires entre elles; prêtant l'oreille à des insinuations, qui causoient de la jalousie et de la méfiance contre ceux, qui non par leurs discours fleuris et étudiés, mais par leurs actions avoient donné des preuves incontestables de leur attachement sincère à la personne et à la maison du Prince. D'où il est arrivé, que nombre d'affaires et surtout les plus importantes restoient au croc et sans expédition. Et cela est allé si loin, que les plaintes contre le gouvernement stadhoudérien ont été aussi violentes pour le moins, que contre le gouvernement précédent. Sur quoi il a été fait au Prince les plus fortes représentations, réitérées de bouche et par écrit en différents terms et sous différentes formes. Ces représentations ont eu pendant quelque tems l'apparence de quelque succès, le Prince et la Princesse étant convenus de la nécessité de changer la méthode suivie jusqu'alors et de former des départements sous le Prince pour servir à la conduite des affaires conformément aux loix et à la constitution du gouvernement, pendant que la direction générale des affaires mêmes resteroit au Prince, qui par cet arrangement se trouvoit en état de les diriger en effet sans s'embrouiller la tête de détails, qui ne doi- | |
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vent pas être mis sous les yeux d'un Prince à la tête d'un état et qui n'ont jamais été présentés à aucun prince du monde excepté le prince d'Orange. Je fus chargé de dresser un mémoire sur ce sujet. Je le dressai et présentai au Prince le 25 de mars 1749Ga naar voetnoot2). Ce mémoire fut lu à loisir et examiné. Il est à noter, que ce mémoire est proprement le contrat sur lequel je me suis engagé au PrinceGa naar voetnoot3). Il fut approuvé par le Prince. Et en conséquence de ce qui avoit précédé ce mémoire et de ce qui l'avoit occasionné, monsieur le pensionaire Gilles, qui pour réparer auprès du Prince et de la Princesse tout ce qu'il avoit fait sous le gouvernement précédent, leur faisoit lâchement et bassement la cour, toujours prêt à faire tout ce que le Prince vouloit, sans l'avertir des conséquences, bien loin de s'opposer, comme son devoir et son honneur l'exigoient de lui, à ce qu'il savoit être contre l'ordre, contre le bien des finances, qu'il a aidé à ruiner par sa facilité et contre le véritable intérêt du Prince, qui est celui de l'état, monsieur le pensionaire Gilles, dis-je, obtint sa démission. Monsieur Stein fut mis à sa place et ne se détermina à accepter cet emploi fatiguant et à renoncer à la situation agréable et indépendante où il se trouvoit chez lui, que, quand il vit dans le mémoire du 25 mars un plan tracé par le moyen duquel il voyoit jour à sauver l'état périclitant en remettant les finances et en travaillant de suite et méthodiquement. Je restai à La Haye jusqu'à la fin d'août pour aider monsieur Stein dans le commencement de son ministère et je partis alors pour Vienne où mes affaires particulières demandoient ma présence à la vérité, mais où j'aurois pourtant dû aller pour demander le prince Louis et il fut même décidé par le prince d'Orange le jour, que le mémoire fut approuvé, que l'on ne pouvoit pas faire cette demande à la cour de Vienne autrement que de bouche, puisqu' on ne pouvoit donner à personne une instruction par écrit sur une matière si délicate. Je fus chargé d'aller à Vienne demander à l'impératrice le prince Louis, non sur le pied du prince de WaldeckGa naar voetnoot4) etc., mais sur le pied fixé dans le dit mémoire et ce mémoire me devoit servir d'instruction. J'allai à Vienne et je m'acquittai de l'ordre, que j'avois reçu du prince d'Orange en exposant à L.M.I. le but du prince d'Orange en demandant le prince Louis et la destination, que le prince d' | |
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Orange en faisoit. Sans quoi L.M.I. n'y auroient jamais consenti et le prince Louis, à qui je n'ai rien caché, ne seroit pas venu. Mon séjour à Vienne a duré plus longtems, que je n'avois cru, en partie, parceque mes affaires m'ont retenu, en partie parceque le prince d'Orange après l'entrevue avec le prince Charles à l'Abbaye de St. Bernard m'envoya un courier pour m'ordonner de rester à Vienne pour les affaires de la barrièreGa naar voetnoot5). (Car j'étois sur mon départ et j'avois contremandé mes lettresGa naar voetnoot6)). Je ne suis parti de Vienne, que le 20 août 1750 et m'étant arrêté à Hannovre je ne suis arrivé ici qu' en octobre. Pendant mon absence tout a été bouleversé. Messieurs de Gronsfeld et De Back ont faussé compagnie contre leur parole donnée et contre le plan contenu dans le mémoire du 25 mars vu, revu, corrigé et finalement approuvé par eux avant qu'il fut remis au Prince. Non seulement ils ont faussé compagnie, mais ils ont travaillé directement contre les principes établis dans ce mémoire et contre les personnes avec qui l'on étoit convenu de rester liés, non pour rien cabaler mais pour le soutien de la République sur le pied ...Ga naar voetnoot7) et par la méthode établie par le dit mémoire. Ils ont pris à tâche de dénigrer et de vilipender monsieur Stein, de contrecarrer en tout mon frère et de prendre leurs mesures à part et sans concert avec lui, quoiqu'ils eussent demandé et même exigé, que mon frère restât à La Haye pendant mon absence, parceque sachant notre amitié et notre union de sentiments en de principes, ils pouvoient concerter avec lui à l'égal de moi. Je suis pas au fait de tous les moyens, qu'ils ont mis en oeuvre, ni de toutes les personnes, qu'ils ont employé pour cela. Mais le fait est, qu'à mon retour j'ai trouvé l'esprit du Prince et de la Princesse, mais surtout celui de la Princesse, aliénés et aigris, au delà de ce qu'il est possible d'exprimer, contre moi et guères mieux disposé à ce que j'ai lieu de croire envers le pensionaire et mon frère, qu'ils ne peuvent que regarder comme attachés inviolablement ensemble et avec moi par amitié et estime mutuelle et entièrement détachés de Gronsfeld et de De Back. Le mémoire du 25 mars approuvé en avril par eux-mêmes a été pendant mon absence interpreté tout autrement, qu'il n'avoit été entendu d'abord par ceux, qui avoient aidé et fourni les matériaux pour le dresser, par celui, qui l'avoit couché et par ceux, qu' il avoit été remis. Le plan en question n'a été en rien exécuté et | |
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toutes les affaires sont restées dans le même désordre et plus grand encore. Le prince Louis est arrivé. Quand il s'est agi de donner connoissance en forme aux Etats de Hollande de ce qui s'étoit traité à Vienne sur son sujet, en quoi je n'ai pas fait un seul pas que conformément aux ordres, que j'ai reçu de la propre main du prince d'Orange, j'ai été obligé de produire les propres lettres du Prince et les copies des miennes pour faire voir, que je n'avois rien pris sur moi, comme le Prince l'insinuoit. Tout ce que j'ai fait à Vienne à cet égard, a été ratifié par la résolution de Hollande et par celle des Etats Généraux, comme tout ce que j'ai dit de bouche à L.M.I. et au prince Louis l'a été par les lettres, que le prince d'Orange a écrites à L.M.I. et au prince Louis. De tous les matériaux du mémoire du 25 mars il n'y a qu'un seul point, qui soit entré en considération pour l'exécution. Encore n'en a-t-il que l'apparence et il est bien loin d'être exécuté comme il devoit être selon le plan convenu. C'est celui du département des affaires étrangères, dont le prince Louis devoit êtreGa naar voetnoot8). Celui du militaire est resté au croc et de tout ce dont il avoit été convenu il n'est rien arrivé. Le point principal, celui du conseil du stadhouder proprement dit, qui est l'âme de tout, il n'en est pas question; non plus que d'aucun des autres arrangements proposés et subordonnés à celui-ci. Il n'en est pas moins vrai, que le mémoire en question est proprement la base des liaisons, qui subsistent entre le prince d'Orange et moi, entre le Prince et le conseiller pensionaire, qui ne s'est chargé du poste de pensionaire, que sur le pied du mémoire, et entre le prince d'Orange et le prince Louis, qui n'a obtenu l'aveu de L.M.I., que sur le pied sur lequel j'ai parlé à Vienne et qui n'a accepté les propositions faites que sur ce pied-là, qui est précisement et à la lettre conforme au contenu de ce mémoire. De sorte que le prince Louis, le conseiller pensionaire et moi ne tenons au prince d'Orange que par les conditions, spécifiés dans ce mémoire en question. Voilà où nous en sommes à présent. Il s'agit de savoir si en honneur l'on peut laisser aller les choses à une ruine certaine sans s'y opposer publiquement et si cela convient à aucun de nous. La question se décide facilement par le négative. Et outre toutes les raisons communes à tous il y en a de particulières pour le prince Louis; il y en | |
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a aussi de particulières pour moi, mon honneur étant engagé à Vienne sous un point de vue, comme celui du prince Louis l'est sous un autre. Mais comme il ne s'agit pas de faire du bruit, mais de réussir, il faut se déterminer sur la manière de s'y prendre, non seulement pour entamer l'affaire, mais pour la soutenir jusqu'au bout et à la dernière extrémité. Je crois pouvoir poser pour principe, qu'il n'y a rien à faire par persuasion et que si l'on réussit, ce ne sera que quand le Prince et la Princesse verront clairement, qu'ils ne peuvent faire autrement. Et il faudra le faire voir clairement. Je m'offre de faire une petite récapitulation de tout ce qui s'est passé d'essentiel depuis l'avènement du Prince au stadhoudérat, avec un détail des principaux abus commis, en assignant leurs causes et leurs conséquences pour l'avenir; de montrer le remède et la nécessité de l'employer sans délai; de faire voir à L.A., qu'il s'agit non seulement du salut de l'état, de la conservation du gouvernement présent en cas que le Prince vint à manquer etc., mais qu'il s'agit aussi de l'honneur de ceux, qui sont de son conseil et employés par lui; et de qui il ne peut exiger, qu'ils se prostituent premièrement pour après cela périr déshonorés avec lui; de donner à tout cela le tour le plus respectueux et le plus décent dont la chose soit susceptible, de façon que cela puisse être signalé également par tous, mon frère y compris, et par monsieur de Catwijk s'il veut. Pour cet effet j'en ferai un brouillon, qui sera revu par les intéressés et qui ne sera arrêté finalement que quand ils y auroient ajouté, retranché ou changé ce qu'ils voudront. Je demande jusqu'où on veut aller et si on est déterminé à mettre le tout pour le tout, à rompre absolument avec le Prince, à refuser de mettre le pied à la cour, à moins d'une réponse catégorique et à la première contravention, au cas d'une réponse favorable et sur-le-champ au cas d' une réponse négative ou dilatoire. Quant au prince Louis je ne vois pas qu'après avoir donné ce qu'il faut à la patience et à la douceur et un peu au caractère personnel du Prince et de la Princesse, il puisse faire autrement que de se retirer, s'il voit, qu'on ne l'employe pas à ce à quoi on lui a dit, qu'on le destinoit. Pour moi il n'y a rien à quoi je ne sois déterminé et je suis également prêt à travailler en tout avec le Prince et la Princesse à remettre les affaires et à sauver l'état avec eux ou à me mettre à la tête de ceux, qui voudront travailler au même but sans eux. | |
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7 mei 1751L'on dit, qu'on convient des principes généraux, que l'on convient de l'impossibilité, que les choses restent sur le pied présent, de la nécessité d'un changement subit dans la méthode de traiter les affaires; mais l'on appréhende, que tout ce qui à l'air d'avoir été concerté d'avance, ne fasse sur le Prince et la Princesse un effet contraire à celui qu'on se propose et ne les fasse cabrer au lieu de marcher. A cela je répons, que par persuasion l'on n'avancera rien et que si le Prince et la Princesse ne voyent pas une nécessité absolue et sans choix de changer de conduite, ils iront leur ancien train; qu' ils ne peuvent voir cette nécessité que dans un concert formé et une résolution fermement prise par ceux, dont ils ont le plus de besoin, de ne point partager avec le Prince la honte et le déshonneur de la perte de la République pendant qu'ils ont à diverses fois averti le Prince du danger. Ce que le public ignore et l'ignorant pourroit, à leur grand déshonneur, croire, qu'ils y ont manqué; que tout ce qui se fait de représentations par une personne seule, entre par une oreille et sort par l'autre, passe pour un effet de mauvaise humeur passagère et ne fait aucun effet, que si cela est par écrit, cela est examiné dans un conseil privé composé de Gronsfeld ou De Back ou de O. Haren ou de quelque autre, qui se soucie du Prince ou de son honneur comme des vieux souliers et qui ne cherche que son profit; qu'il faut absolument que l'on soit plusieurs et qu'on soit uni pour donner la force et la consistence nécessaire pour réveiller l'attention et pour faire effet. J'ajoute encore à cela une autre considération. C'est, que si tous ne le font pas à la fois et de concert, il faut, qu'il arrive une séparation et une division entre ceux, qui sont ensemble. Car le prince Louis sera obligé de quitter le païs. Et pour moi, je quitte sûrement la cour en ce cas-là pour n'y plus remettre les pieds de ma vie. Ceci est sûr; on peut tabler là-dessus et ce n'est pas un objet de délibération. En ce cas qu'arrivera-t-il? Comment est-ce-que le public jugera de ceux, qui resteront? Et que gagneront-ils? Car par la persuasion on ne gagnera rien. L'on convient de tout cela, mais l'on dit, que de l'autre côté il faut prévoir toutes les conséquences; que si l'on va assez loin avec le Prince pour lui mettre le marché au poing, il pourroit arriver, qu'on fut nécessité de rompre tout à fait avec le Prince; que l'on seroit alors obligé d'abandonner la direction des affaires et la République, Dieu sait à qui; qu'on doit penser à ce qu'on doit à la République. | |
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A cela je répons, que tout cela est vrai, mais que le même mal, qu'on appréhende en quittant, arrivera en restant. Car la République est sur une déclivité très oblique et baisse tous les jours; que de l'une façon il y a encore une chance pour la relever, mais de l'autre côté il n'y en a pas. L'on convient de cela, mais ce qui embarasse, c'est la façon de l'exécuter, c'est l'humeur et le caractère du Prince et de la Princesse, celui de quelques autres et l'on souhaiteroit de donner au moins un air de persuasion à la chose premièrement, sans montrer la force et la nécessité qu'après cela; que de cette façon on pourra en engager d'autres, qui sans cela ne voudront pas en être. A cela je répons, que je le souhaiterois aussi très fort pour plusieurs raisons, mais que j'y vois une difficulté. C'est que si cela arrive, la première chose, qui suivra, sera des efforts du Prince et de la Princesse, surtout de celle-ci, pour faire une division et une séparation entre ceux, qui auroient pris leurs mesures, enfin d'en prévenir de plus vigoureuses, et un éclat, qu'elle craint. La Princesse réussira et alors tout le désagrément en retombera sur celui, qui aura ameuté les autres; sur moi, pour parler clair. C'est de quoi je me soucie fort peu, étant déjà aussi mal avec la Princesse, que je puis l'être. Aussi je ne l'allègue point comme une difficulté, qui me fasse aucune peine pour ses conséquences par rapport à moi, mais comme une difficulté, qui embarassera les autres dans le cours des affaires, parceque si une fois les choses en sont venues au point à rompre un certain decorum, que le Prince et la Princesse ont jusqu'à présent observé avec moi, je les plante sûrement là, n'étant en rien obligé de souffrir d'eux un traitement, qui ne conviendroit pas. Et en ce cas mes amis avec qui je suis lié de principes et de sentiments, seroient embarassés entre le Prince et moi. Voilà une difficulté à laquelle je ne vois pas de réponse. Et j'en conclus, qu'il faut faire en sorte, que la difficulté, qui seroit insurmontable et qui renverseroit tout, n'aie pas lieu. Ce qui ne se peut faire, qu'en se joignant ensemble et en le disant tout net au Prince et à la Princesse, afin qu'ils ne l'apprennent pas par pénétration ou par des rapporteurs et en témoignant tout l'intention ferme de rester unis jusqu'au bout à exiger du Prince ce qu'il doit à l'état et à lui-même. Voici une autre considération. En prenant ce part on ne fera en tout cas que ce que font tous les jours auprès du Prince des gens, qui travaillent dans un système opposé et sans les mêmes principes. Ils emportent tout auprès du Prince en le brusquant et le brutalisant et en exigeant tout ce qu'ils veulent avec grossiéreté | |
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et impertinence. Faudra-t-il être donc grossier et brutal pour réussir auprès du Prince? Non, mais je soutiens, qu'il vaut mieux risquer de cabrer le Prince que de laisser perdre l'état pour ne pas cabrer le Prince. Mais si on ne prend pas un parti final et vigoureux, on ne mettra jamais fin aux menées de ceux, qui travaillent à embrouiller et à ruiner le Prince. De Back par son opiniâtreté et son insolence, O. Haren pas sa grossiéreté et sa mordacité, dont j'ai vu des exemples sans nombre, feront du Prince ce qu'ils voudront, déferont à leur plaisir tout ce qui aura été fait par nous autres et se moqueront encore de nous de n'avoir pas encore découvert de quelle façon on peut gagner tout chez le Prince. |
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