Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd3 maart 1751Si les finances de la République ne se rétablissent pas, la République est perdue. J'entens les finances de la généralité et celles des provinces particulières. Celles de la généralité ne se peuvent remettre sans avoir rétabli celles des provinces. Quelque ordre, que le conseil d'état tienne dans celles de la généralité, cela seul ne peut pas suffire. De sorte qu'il faut commencer par les provinces et premièrement par la Hollande. Après quoi les autres suivront et ne peuvent manquer de suivre, par les raisons, que je dirai après. Il sera inutile de tenter de remettre les finances des autres provinces, si celle de Hollande ne montre pas le chemin. Je dis inutile, parce que, quand même on y réussiroit, il ne serviroit à rien de remettre les finances de six provinces, qui ensemble ne payent que 42 per cent pendant que celle de Hollande, qui seule paye 58, resteroit dérangée et hors d' état de fournir. Mais outre cela l'on n'y réussiroit pas, parceque toutes les menées, qui se font dans les provinces par les malintentionnés pour empêcher le rétablissement des finances, ces menées, dis-je, sont concertées avec ceux, qui pensent de même en Hollande. Les derniers encouragent ceux des autres provinces et leur prêtent la main, en quoi les uns et les autres trouvent un double avantage: leur intérêt particulier et la satisfaction d'empêcher le Prince d'acquérir l'honneur du rétablissement des finances. Il n'est que trop notoire, que tous les malintentionnez dans les sept provinces sont dans la plus étroite correspondance. Il me paroît, que toute la force de cette cabale gît dans ceux de la Hollande et que | |
[pagina 505]
| |
sans ceux-ci les autres ne pourront rien. D'où il s'ensuit que c'est par la Hollande, que l'affaire doit être entamée. Voici encore une autre raison pour laquelle on est indispensablement obligé, pour réussir, de commencer par la Hollande: c'est que les moyens, qui sont absolument nécessaires pour la fin, qu'on se propose, sont absolument impossibles et inexécutables dans la pratique, si l'on ne commence pas par la Hollande. En voici la preuve. Je pose pour une maxime incontestable et pour un principe au dessus de toute exception, que pour remettre les finances d'un état il faut faire baisser le prix de l'argent; ce qui ne se peut faire que par l'abondance. L'abondance dépend de la circulation. La circulation dépend du crédit. Le crédit dépend de la confiance du public. La confiance du public dépend des bonnes mesures prises et mises en exécution. C'est la Hollande, qui met le prix à l'argent; de sorte que supposant même (ce qui n'est pas), que les membres des gouvernements de toutes les autres provinces voudroient travailler avec la meilleure intention et de la meilleure foi du monde au rétablissement des finances de leurs provinces, tous leurs efforts et tous leurs soins seroient à pure perte par la seule influence, que le prix de l'argent dans un endroit a sur le prix de l'argent dans un autre endroit. C'est la bourse d'Amsterdam, qui donne le ton. C'est donc en Hollande, qu'il faut mettre la main à l'oeuvre. Le mal est venu à son comble, car nonobstant les charges actuelles, qui se montent plus haut, qu'elles n'avoient jamais encore fait en tems de paix, les dépenses courantes surpassent les revenus de la somme de 2.826.962, somme si exorbitante, que le seul énoncé du fait suffit pour faire voir, que si l'on ne porte un remède également promt et efficace, à un mal si pressant et si grand, l'état ne peut manquer de crouler en lui-même, quand même il ne recevroit aucun choc de dehors. Le premier pas à faire c'est de renfermer les dépenses annuelles dans les bornes des revenus annuels. Le second, c'est de trouver un fond annuel pour amortir les excessives dettes, dont l'état est chargé. L'un sans l'autre n'est qu'un palliatif et ne guérit de rien. Tout ce que l'on peut imaginer d'arrangements dans le domestique de la province, l'oeconomie poussée même aussi loin que la nécessité des circonstances l'exige, tout cela, dis-je, ne peut pas à beaucoup près répondre au but proposé. Le remède doit être cherché ailleurs. Il ne peut se trouver que dans la diminuation des dépenses de l'état de guerre et entre autres dans une réduction de troupes, qui devient indispensablement nécessaire. | |
[pagina 506]
| |
Il est vrai, que le conseil d'état est d'un autre avis. Mais avec tout le respect, que je dois au conseil d'état, je ne puis pas convenir de tous les principes posés dans la pétition pour l'année courante, ni de leur application aux circonstances présentes. S'il est donc décidé, qu'une réduction doit être faite, il la faut faire au plutôt. La mal va en augmentant par le seul délai du remède. Il sera plus grand en lui-même et par ses conséquences l'année prochaine qu'à présent, l'année suivante encore plus: ainsi de suite. Le mal deviendra incurable et le remède impossible. On peut à présent faire une réduction sûrement. Toute l'Europe est en paix. Il ne convient à aucune puissance de recommencer la guerre. Et il n'y en a aucune, il me semble, qui témoigne aucun dessein de la recommencer. Dans la suite on ne le pourra pas avec la même sûreté. Une réduction proposée comme un ingrédient d'une déliberation sur le rétablissement des finances vient à sa place et à propos et relèvera le crédit au dedans. Le crédit intérieur fait notre considération au dehors et fera plus respecter la République que ne feront 10 mille ni même 20 mille hommes de plus entretenus à force d'emprunts annuels et en payant intérêts d'intérêts des dettes de l'état. Si l'on ne fait pas la réduction, il est à présumer, qu'elle se fera elle-même faute de payement et que les troupes se débanderont au grand déshonneur de la République et de son chef. Il est à appréhender, que la réduction ne se fasse par force. Je dis par force, parceque si Amsterdam en fait la proposition en déclarant, qu'elle ne peut pas fournir aux fraix, on sera obligé d'y venir. Une proposition pareille d'Amsterdam soutenue d'arguments, qui feroient voir au peuple surchargé du soulagement, seroit très populaire et soit qu'elle réussit ou qu' elle ne réussit point, leur feroit honneur dans la nation au dépens du Prince. Le parti le plus sage et le plus prudent, que le Prince puisse prendre, seroit donc de former un plan de réduction telle, qu'elle réponde au but, c'est à dire, qu'elle remette au moins la balance entre les revenus et les dépenses de l'état. Tout ce que je viens de dire est dans la supposition, que l'état des finances de la Hollande rend une réduction nécessaire. L'état délabré de ces finances ne me paroît que trop bien démontré. Si l'on me fait voir le contraire, tout mon raisonnement tombe. Vainement flatte-t-on le Prince, que les revenus courants augmenteront par le moyen des collectes au point à pouvoir soutenir l'état de guerre présent. Mais supposons, qu'on fut sûr, que les collectes rapporteront | |
[pagina 507]
| |
2 millions de plus que n'on fait les fermes (cequi est le plus haut point auquel les plus ardens et les plus zelés pour les collectes ont osé porter leurs espérances) ces 2 millions de surplus ne suffisent pas, car le defaut est de près de 3 millions. Et si l'on se trouvoit dans le cas à devoir ôter un 100me denier des maisons, le defaut seroit de plus de 4 millions. De sorte que quand même les collectes rapporteroient 2 millions de plus, (ce qui est incertain) ce surplus ne suffiroit pas. Mais supposons, que ce surplus aille non seulement à 2 millions, mais beaucoup plus haut et qu'il fut suffisant pour le courant, je dis, que cela ne suffit pas encore. Ce qui doit être le grand but du Prince, c'est le rétablissement des finances de la République. Sans ce rétablissement la République ne peut pas se soutenir en tems de tranquillité, bien loin de pouvoir résister à un nouveau choc, après que celui qu'elle a essuyé dans ces derniers troubles lui a causé une augmentation de dettes de 61 millions, outre le produit du don libéral. Pour que ce rétablissement soit aussi possible, qu'il est indispensablement nécessaire, il faut que les revenus soient non seulement suffisants pour le courant et pour le casuel, mais aussi qu'ils fournissent un fond annuel d'amortissement (a sinking fund). Ce qui est le second pas à faire sans lequel le premier comme j'ai dit n'est qu'un palliatif. C'est à ce fond d'amortissement, que devroit être employé, ce me semble, le surplus du revenu, qui viendra des collectes, au dessus de ce que les fermes ont produit. Ce seroit alors que la République languissante à présent reprendroit vigueur, que l'on verroit combler de bénédictions le Prince par la nation, que l'on pourroit soulager d'une partie de son immense fardeau et qui se ressentiroit alors des effets de la paix, dont elle ne s'est pas ressentie jusqu'à présent. Il n'y a que deux objections contre une réduction. Je les ai touchées en passant, mais j'y reviens: premièrement: La sûreté de la République; secondement: Sa considération au dehors. Quant au premier, je répons, que la sûreté de la République ne peut jamais exiger, qu'elle se ruine et qu'elle se mette dans un état à ne pouvoir pas seulement soutenir le premier choc. Quant au second. Je réponds de même. La considération de la République au dehors ne peut jamais exiger, qu'elle se ruine. L'état délabré de nos finances n'est que trop connu au dehors, sinon en détail, du moins en gros et cela suffit. Les emprunts sur emprunts, que nous faisons annuellement, ne peuvent que nous déceler. Nos alliez doivent trembler de voir ces emprunts annuels, qui au bout du compte ne font qu'ouvrir un plus grand trou pour en | |
[pagina 508]
| |
boucher un plus petit. Nos ennemis en doivent être charmés. Nous jouons leur jeu. Nous leur épargnons la peine de nous ruiner et de nous mettre hors d'état de leur résister ou de leur nuire, car nous nous ruinons nous-mêmes. Je demande après cela si la considération de la République au dehors n'exige pas bien plutôt que l'on prenne sans délai le parti de redresser les finances quovis modo? Rien ne contribueroit autant à relever la considération de la République au dehors à établir sur de solides fondements la confiance de nos alliez et à imprimer du respect à nos ennemis. Si l'on me dit, qu'il y a encore d'autres objections, voici la réponse, que j'y fais d'avance. C'est qu'il n'est pas nécessaire ni requis de lever telle ou telle difficulté, lorsqu'on a fait voir que ces difficultés ne peuvent être évitées sans en rencontrer de plus grande et sans tomber dans un danger ou dans un inconvénient plus grand que celui, que l'on veut éviter. |
|