Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd
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St. Oedenrode, 3 juli 1748Voici par écrit les choses, sur lesquelles j'avois à vous entretenir. Vous trouverés dans celle-ci mes propres affaires et dans l'autre épitre celles, qui regardent le public. J'espère, que vous viendrés à bout de lire le brouillon de ma lettre au PrinceGa naar voetnoot2), que vous trouverés ci-joint et que je vous prie de me renvoyer par ce même exprès. C'est la première pièce à connoitre avant d'aller plus loin, ensuite no. deux et troisGa naar voetnoot3). Je crois, que ces pièces suffisent pour donner une idée claires de mes affaires. Mes registres, mes livres, mon argent est volé, ou mis en pièces et touts les arriérages qui m'étoient dus, perdus. D'une situation à pouvoir arranger mes biens et les rendre libres et déchargés de dettes en très peu de temps, je me trouve dans une crise à ne pas savoir si ce que je possède en Frise me tirera de l'affaire en le vendant, car Dieu sait quels comptes et quels calculs on me présentera. Les auteurs d'un désordre pareil sont des gens de sac et de corde qui n'ont d'autre raison de mécontentement contre mon homme d'affairesGa naar voetnoot4) que d'avoir été légèrement punis de fautes souvent assés graves, les unes il y a deux ans, les autres il y en a dix. Jamais personne m'a porté des plaintes contre lui, pas même à l'heure qu'il est, quoique je l'ai demandé aux habitans en témoignant mon inclination à les contenter. Quel autre parti à prendre que celui de recourir à la protection de S.A.S., comme j'ai fait? Se confier à une populace animée de la sorte est trop imprudent et ne convient point, il me semble à mon caractère, ni dans ces circonstances. Si une fois elle m'avoit entre les mains, à quoi ne m'obligeroit-elle pas? Défendre ses biens les armes à la main et engager du monde pour se faire aider, c'est un rémède désespéré et, sans produire aucun effet, allumer une guerre civile. | |
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J'ai donc pris, je crois, le seul parti sage et naturel; dans l'idée que le chef de la République ne peut rien faire de plus solide pour son propre intérêt, ni de plus conforme à son devoir, que de faire cesser des troubles étrangers à la constitution du gouvernement, qui renversent de fonds en comble toutes les loix et tout bon ordre, en exposant les honnêtes gens au pillage des méchans et les réduisant au désespoir comme ne participant plus à la sûreté publique établie et respectée parmi les nations les plus barbares. Par le calcul, que vous pourrés faire, vous verrés, que je n'ai plus que huit ou dix jours de bon pour essuijer le plus sanglant affront qu'on ait jamais fait au plus malhonnête homme de la terre et qui ne peut être adouci que par une apologie d'une nature proportionnée à son excès et mise devant les yeux de toute la terre. Mais quand elle rétabliroit l'honneur, elle ne préviendra pas la ruine. Il n'y a que l'authorité de S.A.S. qui en viendra à bout et j'ose le dire le mieux du monde, ce que vous comprendrés aisément vous-même en considérant, que le nombre des perturbateurs du repos publique consiste en peut-être quatre ou 500 personnes, dont l'intention n'est que de piller pendant les désordres, comme il est évident par mon example, car il n'est pas question d'accusation de malversation chés moi, ni de refuser l'obéïssance due et dans toute son étendue au Prince. Il est question de redemander des libres et registres brûlés et déchirés par leurs propres mains et dont la restitution est impossible et il est question de me forcer à me remettre moi-même entre leur mains, dont Dieu sait quelles seroient les conséquences. Je ne détermine pas, quelle conduite la sagesse de S.A.S. lui inspirera contre une troupe devenue furieuse par l'impunité, mais je ne puis m'empêcher de réclamer sa protection efficace, comme sujet et habitant de la République, comme magistrat légitime dans mon païs et comme un membre du gouvernement, qui n'a jamais eu en vue que le bien de l'état et je la réclame avec d'autant plus de fondement et de confiance, que je suis convaincu, que le premier example de sévérité calmera tout. Vous connaissés trop bien le coeur humain, pour n'être pas persuadé, qu'on sent dans des situations comme la mienne plus vivement, tout ce qui arrive et qu'on réfléchit avec plus de force, que lorsqu'on raisonne par spéculation. Ce qui m'arrive en Frise, me détache entièrement de l'établissement que j'y ai et la part, que j'y ai au gouvernement me devient un fardeau entièrement insupportable, qui m'a causé des chagrins infinis et qui précipite ma ruine. C'est pour cette raison, que j'ai demandé à S.A.S. la permission de me retirer et d'embrasser | |
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une vie privée et tranquilleGa naar voetnoot5), dès que les troubles extérieurs seront finis et ma commission achevée par le départ du duc de Cumberland pour l'Angleterre. S'il m'est possible de prévenir la ruine de mes biens, j'espère qu'après m'en être défait, il me restera assés pour avoir du pain pour ma femme et moi et pour un valet et une servante. Il faut se connoître soi-même. Je puis employer plus utilement mon temps à l'étude, qu'au maniement des affaires. J'aime l'étude, les affaires me haîssent et m'attirent une foule d'ennemis et d'embarras. L'état de mes finances ne me permet plus de vivre dans le grand monde et c'est assés d'argumens pour un homme d'esprit. Cela n'empêchera pas cependant que, si S.A.S. veut m'employer à quelque chose, je me sais toujours à ses ordres. Voilà le fonds de mon coeur, que je vous ouvre persuadé de votre amitié pour moiGa naar voetnoot6) et que l'usage que vous en ferés y sera conformeGa naar voetnoot7). |
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