Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekend21 November 1747.Les Conférences d'Aix le Chapelle étant sur le point de s'ouvrir, et le sort de l'Europe dépendant en grande partie de la conduite que les Alliés tiendront dans cette importante négociation, le Prince d'Orange est d'opinion qu'on ne sauroit y penser trop mûrement, ni prendre de trop grandes précautions pour régler les mesures que l'on | |
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doit prendre dans cette circonstance critique et décisive, où il s'agit de nous tirer des difficultés présentes, sans abandonner les grands principes de l'Alliance bâtie sur l'idée de s'assurer la liberté de l'Europe contre les entreprises d'un ennemi ambitieux et trop puissant, dont l'intention invariable a toujours été de l'asservir.
Le Prince d'Orange est prêt à communiquer son opinion au Roy, dans la plus grande confidence, et en les soumettant aux hautes lumières de sa Majesté. Le Prince croit devoir commencer par informer Sa Maj., que son avis est que la France est intérieurement disposée à la paix; d'un côté les pertes immenses qu'elle a fait sur mer doivent la lui faire souhaiter; de l'autre côté la considération de la réussite dans les deux principaux buts, qu'elle a eus en commençant la guerre, assavoir d'affoiblir la maison d'Autriche, et de détruire la Barrière des Païs-Bas; cette considération, dis-je, doit lui ôter toute raison de souhaiter la continuation de la guerre pour son propre intérêt. Les seuls motifs qui pourroient contrebalancer la considération dont je viens de parler, sont 1. l'orgueil de la France qui pourroit rendre cette couronne difficile sur la cession d'aucun des points qui ont été demandés par elle d'une façon peremptoire, et qui soit relatif à son propre interêt; et 2. l'impossibilité d'engager la cour d'Espagne à renoncer à aucune de ses demandes desraisonable(s); de sorte que la France ne peut espérer d'avoir une paix qu'en rompant son alliance avec l'Espagne; et d'un autre côté elle n'ose risquer de nous faire part de ce qu'elle pense à ce sujêt. Quelle que soit l'inclination de la France, il lui sera très difficile d'entrer dans aucun engagement au préjudice de son Allié. Si le raisonnement est juste, comme il paroit l'être, il semble que l'espérance de parvenir dès à présent à une pacification générale est par là un peu diminuée. Cependant tout doit être mis en oeuvre pour cela, et l'on ne doit montrer ni à nos amis, ni à nos ennemis aucune apparence de doute sur le succès. C'est dans cette vue que le Pr. d'Orange est d'opinion, qu'il faut préparer un plan ostensif pour être proposé à l'ouverture des conférences, comme un cannevas pour traiter au nom de toute l'Alliance. | |
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Mais le Prince est en même tems d'opinion que l'on doit convenir des points sur lesquels on voudroit se relâcher, ou recéder du Plan ostensif. Ces points devroient être concertés et arrêtés entre le Roy et le Prince d'Orange seuls, et ceux qu'il plairoit à Sa Maj. et au Prince de mettre de la confidence en Angleterre et en Hollande. Le Prince est d'avis que cet Ultimatum de l'Angleterre et de la République devroit rester parfaitement secrète, non seulement afin que la France n'en put pas être informée; mais aussi pour que les Cours de Vienne et de Turin ne puissent pas en avoir le vent; sans quoi on auroit d'avance et sans nécessité perdu leur confiance. On s'exposeroit au reproche de les avoir abandonnés. Du moins ils le diroient, et pas sans fondement. Et si la France sous quelque prétexte venoit à rompre les conférences, on se retrouveroit exposé à continuer la guerre sans Alliés, ou avec les Alliés mécontents qui se méfieroient de nous, et dont nous aurions toujours à apprehender qu'ils ne fissent quelque marché à part, sans nous. Car il faut toujours se souvenir qu'il est très incertain si la France voudra bien nous donner la paix du tout, à aucunes conditions, et si elle ne voudra pas après tous les préparatifs de la campagne, tâcher d'en recueillir les fruits, et pousser la guerre à toute outrance. Cette incertitude doit nous empêcher de risquer en aucune façon de désobliger des Alliés, dont nous avons absolument besoin pour faire une diversion, et pour empêcher la France de porter toutes ses forces contre la République. C'est pour cette raison, et pour plusieurs autres trop longues à deduire, que le Prince d'Orange pense que l'Ultimatum, dont il seroit convenu entre Sa Majesté et le Prince, ne doit pas être communiqué aux cours de Vienne et de Turin; et que si le cours de la négociation donnoit lieu à mettre en oeuvre les ingrédients de l'Ultimatum, ce ne devroit être que par degrés, et à mesure que les événements le requéroient, et surtout lors-qu'on seroit sûr que l'exécution s'en ensuivroit. Cette exécution devient plus praticable en conservant le plus profond et le plus parfait secret, non seulement sur le contenu, mais même sur l'existence d'un Ultimatum. | |
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Quand il sera tems de faire usage des points de l'Ultimatum il sera peut-être à propos de donner au Roy de Sardaigne une promesse positive de le soutenir à tout événement dans ses prétensions sur la ville et le territoire de Final; mais que ses autres conquêtes dans le Ponente devroient être rendues aux anciens possesseurs, excepté la ville de Savone; laquelle devroit être assurée au Roy de Sardaigne, en cas que les armes alliés remportassent quelque grand succès. Mais si nos malheurs accroissirent, ou qu'il arrivât que la conclusion d'une paix générale dépendit de ce seul article, en ce cas-là nous pourrions avec raison espérer que le Roy de Sardaigne se désisteroit de ses prétensions sur cette acquisition. Il devroit d'autant plus facilement s'y laisser persuader, que même sur ce pied-là, il seroit le seul de toute l'Alliance qui auroit gagné par cette guerre. Le Prince d'Orange ne prétend pas par là désapprouver en aucune façon les mesures prises en dernier lieu par le Roy d'Angleterre pour détacher l'Espagne de son alliance avec la France par l'offre d'un établissement pour Don Philippe. Il faut faire une différence notable entre un établissement accordé pour procurer et effectuer cette séparation, et un établissement stipulé à une pacification générale, par ce que dans ce dernier cas, cela seroit accompagné des conditions dures que la France se croirait en droit de demander; au lieu que cet établissement accordé de la façon proposée devroit être considéré comme un moyen de forcer la France à se désister de ses demandes desraisonables, et de nous procurer de cette façon un dédommagement à ses dépens pour un établissement, qui sans cette considération-là, ne tend nullement à l'intérêt général, ni à la tranquillité future de l'Europe; mais bien tout au contraire.
Quant à la cour de Vienne, de language qui paroît convenable de lui tenir, seroit, selon l'avis du Prince, celui ci: que nous croyons qu'elle auroit raison d'être contente de la restitution des Païs-Bas; et que pour ce qui regarde l'Italie, nous espérons qu'elle acquiescera à y laisser les choses sur le pied, qu'elles y sont à présent. Elle ne peut guères se flatter d'une acquisition en Italie par une paix générale, et le soutien de l'équilibre de l'Europe ne per- | |
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met absolument pas que les Alliés souffrent que la Maison d'Autriche s'est réduite plus bas qu'elle n'est par aucune nouvelle cession. Car l'on ne peut au bout du compte disconvenir que depuis un siècle, il ne s'est pas fait un seul Traité, qui n'ait été aux dépens de la maison d'Autriche; ce qui est en partie la cause de sa foiblesse présente. Il semble que la méthode la plus propre pour parvenir à une paix, seroit de s'addresser à part à la France, et à l'Espagne, et de leur faire voir que chacune d'elles peut gagner son but, en abandonnant l'autre; mais que leurs prétensions faites conjoinctement sont absolument inadmissibles. Par exemple, l'on pourroit insinuer à la France, que le Roy d'Angleterre consentiroit à des arrangemens touchant Cap Breton, si la France vouloit cesser de soutenir les demandes de l'Espagne pour un établissement pour D. Philippe: demandes mal-jugées pour le tems, qu'elle n'a aucun droit de faire, ni aucun moyen pour soutenir. Quant à l'Espagne, on pourroit lui donner à entendre, qu'elle pourroit avoir un établissement pour D. Philippe sur le pied proposé au Général Wall, pouvu qu'elle voulut considérer son propre intérêt, ne se plus laisser épuiser dans la poursuite des projets étrangers au véritable intérêt de l'Espagne, et ne plus s'exposer à être sacrifiée par un Allié dont l'amitié n'a jamais servi que de masque à son ambition. Une conduite pareille à l'égard de ces deux cours, seroit, selon l'opinion du Prince, justifiable, non seulement par les règles de la prudence, mais aussi par l'exemple tant de la France que de l'Espagne; la première, comme il est notoire, n'a jamais manqué de s'addresser séparément à chacun des Alliés. Elle a même, pendant la rebellion qu'elle avoit suscitée dans les Royaumes de Sa Maj. Brit., poussé les choses jusqu'à déclarer qu'elle ne pouvoit songer à traiter avec l'Angleterre, parce qu'il étoit incertain qui en étoit Roy, tandis qu'elle faisoit tout ce qu'elle pouvoit pour engager la République à traiter avec elle à part. Le Prince est d'opinion que nous ne serions pas sur un pied égal avec la France, si nous ne faisions usage des avantages que nous avons acquis depuis ce tems-là. Si | |
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l'on demande de quels avantages nous vous pouvons flatter, qui nous puissent donner lieu d'espérer que la France pourroit rabattre de ses demandes, le Prince ose affirmer que le changement arrivé dans le Gouvernement de la République en est un très essentiel et très réel, parce que le Roy peut dorénavant compter sûrement sur la République, comme sur un Allié qui ne lui manquera jamais au besoin, qui aidera sa Maj. à soutenir le poids de la guerre, et qui ne fera jamais de paix que de concert avec elle. Cet avantage-là est accompagné de plusieurs autres qui en sont les conséquences. L'ennemi à la vérité a percé jusqu'à la frontière de la République; mais le Prince croit que les moyens mis en oeuvre, et les précautions prises, sont suffisantes pour empêcher tout progrès ultérieur. Il est certain qu'il n'y a jamais eu plus grande ni meilleure apparence d'ouvrir la campagne avec une force supérieure, qu'il y en a présentement, par la sage précaution que sa Maj. a prise de former à tems un concert avec les alliés; par les soins, que le Prince s'est donner d'engager la République à porter une plus grande part dans les fraix de la guerre qu'on n'auroit jamais attendu d'elle, et à mettre à quartier tout ménagement pour la France. A tous ces avantages réels et marqués, l'on doit ajouter les grands succès remportés par les flottes Angloises, qui, outre les immenses trésors, qu'elles ont rapportés en Angleterre en vaisseaux marchands, ont pris 26 vaisseaux de guerre françois. Perte capable de ruiner une marine bien plus considérable que celle de France. Il y a tout lieu de se flatter du succès des mesures sages et bien concertées de l'expédition aux Indes oriëntales. Et depuis la ruïne de la flotte Françoise par l'Amiral Hawke, les François ont tout à craindre pour leur commerce des islesGa naar voetnoot1), où ils ont au delà de 400 vaisseaux, qui devront revenir sans aucune Flotte pour les protéger contre les forces supérieures des Flottes Angloises, jointe aux efforts que la République fait pour coöpérer au même bût. La France ne peut que sentir vivement cette situation avec toutes les conséquences; et le Prince croit qu'on peut avec raison attendre que la France pour- | |
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roit bien se ressoudre à accepter des termes différents de ceux que mons. de Puissieux a déclaré à Breda être l'Ultimatum de sa cour.
Pour ce qui regarde les points du Plan ostensif, sur lesquels l'Angleterre et la République voudroient se relâcher, le Prince d'Orange est d'opinion qu'il ne seroit pas de l'intérêt de la cause commune de continuer la guerre pour obtenir de la France la démolition de Louisbourg, et que cette demande, aussi bien que la stipulation que cette isle ne seroit habituée par aucune des deux nations, devroit être tenue en suspens jusqu'à ce que l'on vit que la paix dépendit de ce seul Article. Quant au point que le Roy demande comme un Article préliminaire, qui doit être arrêté, avant que l'on entre en négociation sur aucun autre, savoir le désaveu de la postérité du Prétendant, le Prince d'Orange l'approuve entièrement, et le regarde comme absolument nécessaire pour le soutien de la maison Royale, de la conservation et de la prospérité de laquelle dépendent la liberté et l'indépendance de l'Europe, et en particulier celles de la République, de sorte que ce point-là ne doit pas être considérée comme regardant seulement l'Angleterre, mais comme également intéressant pour toute l'Alliance. Le Prince est d'opinion que ceque la France demande touchant Duinkerque est absolument inadmissible, et qu'on doit à cet égard s'en tenir litéralement à ce qui a été stipulé en 1717. Comme la France a donné à connoître qu'elle souhaitoit que Furnes lui fut cédé, le Prince est d'avis que l'on devroit, en cas que la France insiste sur cette cession, lui demander les villes de Maubeuge et de Condée, dans l'état où elles sont actuellement. Ce qu'il semble qu'on ait d'autant plus de droit de demander que la barrière a été entièrement affoiblie par la démolition des fortifications de Menin, d'Ath, de Mons, de Charleroy et autres places fortes. Le Prince est aussi d'avis, que dans l'Article du Plan ostensif relatif à la restitution des places des Païs-Bas, l'on pourroit se relâcher sur la demande de restitution des munitions de guerre et de bouche. Quant'à la médiation de Portugal que la France pro- | |
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pose, le Prince est d'opinion, qu'on ne la peut pas admettre, non plus que celle du Roy de Prusse, parceque toute médiation est inutile dans le cas où les ministres de toutes les Puissances belligérantes sont assemblés au même lieu; parceque la négociation par la voye d'une médiation entraîne toujours des longueurs; et le tems est précieux; il s'agit de finir; enfin parce que l'on ne scauroit admettre plusieurs médiateurs, et que n'en admettant qu'un, l'on désobligeroit les autres. Tout ceci est dans l'espérance, que durant le cours de la négociation, et surtout avant l'ouverture de la Campagne, la situation de nos affaires, par quelque revers de fortune, ne deviendra pas plus mauvaise, mais le concert arrêté, et les mesures prises conjoinctement pour la Campagne, auront leur effet, afin que nous ne soyons pas obligés de rabattre dans la suite encore de nos demandes, ce qui laisseroit la liberté, et la tranquillité future de l'Europe sur un fondement très peu stable. Si sa Maj. approuve ces idées, le Prince est d'opinion, que comme d'un côté nous montrons par ces concessions notre désir sincère de faire la paix, nous devons de l'autre côté nous lier par les engagements les plus forts, à ne pas nous laisser donner la loix par la France, ni forcer à admettre des conditions plus onéreuses; mais que nous devons faire montrer une résolution ferme de poursuivre la guerre, en cas que nous ne puissions pas avoir la paix à conditions raisonables. C'est le seul moyen de nous faire respecter de nos amis, et craindre de nos ennemis; et c'est la seule route qui nous puisse conduire à mettre fin aux troubles présents par une paix sûre, honorable et prompte. |
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