Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekend
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Au mieux cela est inutile; et cela peut et doit même avoir les plus pernicieuses conséquences; surtout quand il y a des gens rusés et rompus dans les affaires, qui ont un grand intérêt à pénétrer ce secret, et qui sont continuellement autour de ceux qui en sont les dépositaires. C'est le cas à présent par raport à l'ultimatum que l'Angleterre demande de concerter et d'arrêter avec le Pr. d'Orange avant que les conférences commencent à Aix la Chapelle. Dans la triste situation, où sont réduites les affaires de la République, il s'agit d'en tirer encore le meilleur parti possible. Tous les efforts et toutes les dépenses immenses que la République fait, et qui à la longue ne pourroient être soutenues, n'ont pour but que de lui procurer une paix à des conditions tant soit peu raisonables et supportables, et le repos dont elle a un si grand besoin pour remettre ses finances, etc. Pour parvenir à ce but, il ne faut pas que la France croye que nous sommes si pressés à faire la paix. Il seroit au contraîre à souhaiter qu'elle put croire qu'il nous est fort indifférent de continuer la guerre, ou d'avoir la paix, cette année-ci. En un mot il s'agit de faire bonne contenance, et comme on dit bonne mine à mauvais jeu. C'est à quoi l'on a manqué toujours dans toutes les occasions décisives depuis les troubles qui se sont élevées à l'occasion de la mort de Charles VI et qui durent encore. L'on n'a jamais pris aucune résolution de vigueur, que l'on n'y aye joint quelque clause qui l'énervoit, et qui en perdoit tout l'effet. L'expérience fait voir qu'il faut changer de méthode. Le grand objet qu'il faut toujours avoir en vue dans le cours de cette Négociation, est, que la France n'aye aucune espérance de nous séparer de nos Alliés, ni de nous brouiller avec eux; et pour cet effet, on ne doit rien aux ministres de France qui n'aye auparavant été concerté et arrêté entre tous les Alliés. S'il y a entre les Alliés quelque point différentiel - - comme cela ne peut manquer d'arriver - - il faut qu'il soit ajusté et applani entre eux par voye de persuasion, sans que la France le sâche, encore moins qu'elle s'en mêle; et l'on ne doit parler à la France que d'une commune voix. | |
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Pour cet effet il ne faut pas que la France puisse jamais savoir, ni même se douter que la République s'entende en particulier avec l'Angleterre, ni qu'elle sâche qu'il y a un Ultimatum autre que le plan ostensif. De sorte qu'il faut non seulement que l'ultimatum reste absolument secret, mais même il faut que ce soit un secret inviolable à perpétuité qu'il y a, ou qu'il y a eu, un Ultimatum. Si la France sait qu'il y a un Ultimatum, elle ne voudra pas traiter sur le pied du plan ostensif; et outre cela, elle le fera savoir aux Alliés pour tâcher de les détacher, et de faire quelque marché à part avec eux dont la République et toute l'Europe pourroient souffrir d'une façon irréparable. Le but de l'Ultimatum proposé est de servir à la dernière extrémité. Mais il se pourroit très bien que l'on put terminer à des meilleures conditions que celles de l'Ultimatum; ce qui devient impossible si la France sait en quoi consiste l'Ultimatum, ou si elle se doute seulement qu'il existe telle chose qu'un Ultimatum. Pour éviter toute différence de langage entre les ministres de la République aux conférences, dont la France ne manqueroit pas de tirer avantage, il faut que les autres ministres de la République ne sâchent rien de l'Ultimatum, et qu'ils ignorent même qu'il y en a un. Alors ils ne courent aucun risque de trop parler, ou de se couper. Voilà pourquoi j'insiste que personne ne sâche rien du contenu, ni de l'existence d'un Ultimatum que le Prince, le Pensionnaire, le Greffier et moi; et il faudra avertir en Angleterre pour qu'on y prenne les mêmes précautions pour le secret le plus absolu, et sans aucune exception. S'il y en a d'autres dans la confidence que ceux qu'on ne peut pas en exclure, il pourroit en échaper quelque chose, et la France en pourroit être informée. Si la France sait qu'il y a un Ultimatum, elle n'aura pas de repos qu'elle ne sâche en quoi il consiste. Si Mr. HasselaarGa naar voetnoot1) le sçait, il ne pourra, ni n'osera le cacher à ses Bourguemaîtres, et au Pensre. StaalGa naar voetnoot2); ce dernier est l'homme du monde le plus destitué de jugement, et qui sait le moins ce qu'il | |
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faut dire ou taire. Il y a toujours à Amsterdam nombre d'émissaires de France. Mons. Corver ne sait pas se taire. Quelqu'un d'eux pénétrera le secret, et en donnera connaissance à sa cour. Et si l'on suppose, - - comme on le peut sans craindre de se tromper - - qu'il y aura parmi les Bourguemaîtres d'Amsterdam, des gens alertes et rusés, comme van de PolGa naar voetnoot1) et CastricumGa naar voetnoot2), qui seront charmés de se faire valoir eux-mêmes et leur ville aux dépens du Prince qu'ils détestent nonobstant tous les beaux semblants, qu'il est fort naturel d'en conclure qu'ils chercheront à s'arroger la direction de la négociation. Outre que par là ils entraîneront le Prince à faire une paix honteuse avec la France; et ils seront eux-mêmes à couvert du blâme. Deplus ils hâteront le grand événement qu'ils attendent avec impatience depuis long tems; assavoir une paix quelle qu'elle soit pour faire dans la République le rôle d'opposants contre le Stadhouder, comme ils ont toujours fait. S'ils peuvent réussir à s'attirer la direction de la Négociation, tout est gâté; la négociation tournera toute au gré de la France, et sortira des mains du Prince, et de ceux qu'il employe. J'en reviens donc à la nécessité absolue du secret tel que je le propose, persuadé que de cela seul dépend le succès de la négociation et l'honneur du Prince.
L'on m'objectera que le plan ostensif est quelque chose de si vague, et où l'on demande tant de la France, dans un tems où elle a la supériorité, que de lui offrir un plan pareil c'est dire, qu'on ne veut pas de paix. A cela je réponds, qu'il faut dire à messrs. d'Amsterdam que le Prince et ceux qu'il employe seront prêts à faciliter tout pour parvenir à une paix; que ce plan n'est que pour commencer la négociation, qu'il faudra après cela voir pro re nata ce qu'il aura à rabattre sur chaque article; qu'il se pourroit que par les pertes immenses que la France a faites sur mer, et par le danger où elle est de voir son commerce entièrement ruiné, tant aux Indes orientales qu'occidentales qu'en Europe, la France seroit | |
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peut-être plus prêt qu'on ne croit à se prêter à des conditions raisonnables de paix; qu'en tout cas il faut essayer, qu'il sera toujours tems de se relâcher sur les articles du plan ostensif etc. Ces assurances données comme il faut à Amsterdam, tranquilliseront. Si dans le cours de la négociation on voit que l'on ne peut pas obtenir tout ce que l'on pourroit souhaiter, il faudra pour mieux cacher son jeu, envoyer des couriers à la Haye pour recevoir des ordres sur les points différentiels, quand même ils seroient déjà réglés dans l'Ultimatum, pour les raisons que j'ai dites ci-dessus. |
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