Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekendMons, ce 26 Janv. 1744.J'ai eu l'honneur et la grâce de votre Lettre qui m'invite fort obligemment à jurer avec vous; mais les invectives sont devenues inutiles. Il semble que les remèdes ne soient plus de saison, ils ne sauroient plus opérer sur la République. Il n'y a plus qu'à les donner à l'Ecorcheur, comme un cheval qui a la mauvaise gourme, crainte qu'elle n'infecte les autres puissances de l'écurie de l'Europe. Chacun raisonne ou doit raisonner dans sa sphère, et pour ne pas peter plus haut que le cul, je ne sortirai pas de la mienne. Je demande donc premièrement si la République peut subsister sans Armée; en second lieu que signifie une Armée ruinée; en troisième lieu sur qui tombe les accidens, pestes, ou malheurs de l'Armée, sur les Généraux qui font des plans, mangent et boivent, prennent pour eux ce qui est nécessaire pour la subsistence des troupes; sur les Officiers majors, qui doivent veiller à l'ordre et à la discipline quand ils ont assez de sens pour cela; ou est-ce sur les Capitaines qui sont obligez de compléter et remonter leurs compagnies? Je crois que tout le monde ayant considéré la chose répondra à ces trois questions comme j'y répondrois moi-même. Ainsi il est clair qu'en minant les capitaines, on fait un tort prodigieux aux troupes. Or, depuis dix ans que j'ai été capitaine au service de l'état, on nous a continuellement chicané et ôté les moyens d'être tant soit peu à l'aise, et de mettre les Compagnies en aussi bel et bon état que nous l'aurions sou- | |
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haité, à moins d'y mettre du sien; chose que l'on devroit soigneusement éviter, la plupart ne le pouvant faire, et les autres n'y étant obligez que pour leur honneur. Qu'a-t-on gagné par ce beau ménage? On nous a fait beaucoup de tort, sans qu'il en soit revenu aucun profit réel à l'Etat, mais bien du dommage en diminuant dans les Officiers l'ambition et le zèle pour son service, deux choses qui valent beaucoup plus que ce que l'on peut épargner par ces sortes de lézines. On doit avoir envoyé un compte de notre régiment à la Haye, par lequel il paroit très clairement que nous avons fourni à nos Compagnies plus de 80 fl. par mois au delà de nos gages. Outre cela pour ma part je compte que pour remettre la mienne et mon propre équipage en état de rentrer en Campagne, il me faudra bousiler au delà de six mille fl. Pourquoi continuons-nous à servir de cette façon? C'est ou parce que nous n'avons d'autre gagnepain, ou par affection pour les services de la République. Abuser de ces deux motifs-là, n'est-ce pas découvrir une âme de boue, et l'esprit plus bas que l'on puisse imaginer? Ce n'est pas pour me plaindre de ce qu'il m'en coûte, mon dernier sou y ira gayement, si l'Etat en recevoit le moindre avantage, mais c'est pour faire paroitre clairement, combien il est impossible qu'une Armée se soutienne sans chef qui entends le métier, et tant qu'elle ne sera gouvernée que par une troupe de gens, qui manquent d'intelligence et de probité et droiture; voilà la maladie où nous croupissons et qui nous mène le grand chemin de perdition. Je vous écris ceci à vous, quoique ce soit en réponse à une question de votre Hôte,Ga naar voetnoot1) savoir si les 700 fl. qu'on vouloit nous donner, pouvoient être de quelque considération; vous n'avez qu'à le lui lire et l'accompagner de vos gloses et remarques. Encore si après nos peines et nos dépenses on nous faisoit la grâce de ne nous tenir que pour serviteurs inutiles, mais non, c'est nous qui ne cherchons qu'à piller l'Etat et à grapillerGa naar voetnoot2) par tout | |
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et sur tout et c'est nous qu'il faut examiner de près. Hypocrite, pourquoi n'ôtes-tu pas la poutre qui est dans ton oeil, alors tu verrois clair à ôter le fétu qui est dans l'oeil de ton Frère! Je pourrois m'étendre encore beaucoup sur ce sujet qui est fort vaste, mais je serais trop long et puis cela ne guérira de rien ... |
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