Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekend20 Dec. 1738.Rien ne prouve avec plus de force et d'évidence la foiblesse et l'inconsistence de notre gouvernement que la manière dont a été conduite la délibération sur une demande faite par le Comte d'UlfeldGa naar voetnoot2) pour la levée d'une somme d'argent pour l'Empereur. Il est très certain que l'intérêt de l'Etat est de soutenir l'Empereur, qui est si bas qu'il est obligé d'en passer par tout où la France veut. L'Empereur à la vérité y a contribué lui-même; et la guerre qu'il a entreprise contre les Turcs l'a mis dans des embarras dont il auroit parfaitement pu se passer; et l'ayant commencée, il auroit pu et dû prendre ses mesures de manière que du moins la première campagne, qu'il a faite sans avoir vu d'ennemi, n'eut pas été tout à fait | |
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infructueuse pour ne rien dire de plus fort. Mais les choses en étant là, il ne s'agit pas dans notre délibération de ce que l'Empereur auroit dû faire, mais de ce qu'il convient à nous de faire à présent. La manière dont l'Empereur en a agi à notre égard après avoir soutenu pour ainsi dire touts seuls le poids d'une guerre ruineuseGa naar voetnoot1) n'est pas celle qu'on auroit lieu d'attendre, si la reconnoissance étoit une vertu connue parmi les Souverains. L'équilibre de l'Europe menacée par les projets ambitieux de Louis XIV a été la véritable cause de la dernière guerre; et quoique notre propre sûreté, notre intérêt, et notre défense en ayent été le véritable motif, l'Empereur a pourtant été celui qui en a profité le plus directement, et qui doit uniquement aux Trésors et au sang des Puissances maritimes la conservation de ses Provinces, je puis même dire de sa Personne. La paix faite, et l'Empereur tranquillement dans sa capitale, tous les services ont aussitôt été oubliés, et chaque occasion, où l'on a eu besoin de l'Empereur, a été une occasion pour lui de témoigner l'oubli total de tout ce que l'on avoit fait pour lui. Outre tout cela il a donné l'Octroy à cette Compagnie d'Ostende, ce qui en effet n'étoit ni plus ni moins que la ruine totale de cette République si cette Compagnie avoit continuée à subsister. L'inexécution du Traité de Barrière et les changemens introduits dans les droits d'entrée et de sortie dans les Pais-bas Autrichiens font encore voir le peu de cas que l'Empereur fait de ses anciens alliez, sans compter plusieurs autres articles sur lesquels on auroit avec raison pu attendre de lui plus de complaisance et d'égard. Mais d'un autre côté l'Empereur est la seule puissance qui avec les Puissances maritimes puisse faire tête à la France dont la puissance est montée à un plus haut degré qu'elle n'a jamais été depuis l'établissement de cette monarchie, non seulement par les acquisitions qu'elle a faite, mais par comparaison à ses voisins, et particulièrement par rapport à la République qui, en partie par le mauvais ordre de ses finances et en partie par la négligence avec laquelle l'Empereur a traité ses places dans les Pais-bas, est absolument à la merci de la France; qui | |
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ne peut pas être supposé contente de ses acquisitions, et ne peut à présent s'étendre d'aucun côté avec plus de facilité que du nôtre. Elle est notre ennemie née, et depuis près d'un siècle toutes les guerres que nous avons eues ont été contre elle. Notre Barrière est contre elle, et toutes nos alliances ne sont que pour nous défendre d'elle. Tous les membres qui composent le corps de la République en conviennent, sentent la grande disparité de la France et des autres souverains de l'Europe, en voyent les conséquences naturelles, mais au lieu d'en tirer la conclusion véritable, qui seroit de se mettre peu à peu en état de pouvoir lui faire tête, on lui fait bassement la cour, et on n'agit que par peur. L'abaissement de l'Empereur a pourtant enfin ouvert les yeux, et le mauvais état de ses affaires en Hongrie, où la peste achève ce que le manque d'arrangement et de mesures avoit commencé. Il y a paru une inclination générale à vouloir aider l'Empereur d'argent. Mais quand il a falu aller aux voix dans l'assemblée, il y avoit autant d'avis que de membres. Le 27 de Novembre le Comte d'Ulfeld s'adressa au Pensionaire et lui proposa dans une conversation de sonder s'il ne seroit pas possible d'engager la Province de Hollande de prêter à l'Empereur 6 millions à des conditions avantageuses à l'Etat, qui recevroit 3 pCt de l'Empereur et n'en donneroit que 2½ au sujet. Le Pensionnaire connoissant le génie de l'assemblée pria le Comte d'Ulfeld de lui donner par écrit ce qu'il lui disoit de bouche, pour aider à sa mémoire, et faire foi de ce qu'il rapporteroit à l'assemblée. Le Comte d'Ulfeld le fit, et le 28 de Novembre le Pensionnaire le lut à l'assemblée. Les Nobles et la ville de Dort furent d'avis de témoigner de l'inclination à secourir l'Empereur, mais Haerlem prit la chose ad referendum, et toutes les autres villes après elle. Leyden dit qu'il ne faloit pas introduire de nouveautez, ni changer les formes, et que le Comte d'Ulfeld ayant quelque chose à demander devoit s'adresser par mémoire. La chose fut portée en délibération comme une proposition du Pensionnaire pour conserver les formes, et l'Assemblée suivante la délibération le Comte d'Ulfeld présenta aux Etats de Hollande un mémoire conçu à peu près dans les mêmes (termes) que la proposition faite au Pensionnaire. | |
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Le Comte demandoit que la Province de Hollande fit la négociation sur son propre nom et crédit, et offroit 3 p. Ct. dont l'Etat ne payeroit que 2½ et pour hypothèque les revenus les plus clairs et les plus liquides de ses états et Provinces, soit Bohème, Hongrie ou Autriche. La Proposition faite commissoriale, et ayant été examinée dans un grand committé, le Pensionnaire fut obligé de demander jusqu'à trois fois les voix avant de pouvoir en tirer de quoi former une conclusion, et à la fin il fut déterminé que l'on lui donneroit du tems jusqu'au lendemain pour pouvoir coucher une conclusion où il seroit ce qu'il y avoit d'essentiel dans tous ces avis, qui ne tenoient pas ensemble et n'avoient presque rien de commun. |
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