Poésies(1995)–Charles Beltjens– Auteursrechtelijk beschermd Vorige Volgende [pagina 228] [p. 228] Aigle & Hibou I L'enthousiasme est l'Aigle au vol audacieux; Inaccessible au monde, un pic soutient son aire; L'orage éclate: il plane au-dessus du tonnerre, Et d'un seul grand coup d'aile il fait le tour des cieux. Sur la neige, au soleil, il trône insoucieux; De tout reptile impur implacable adversaire, Sur lui comme la foudre il tombe, et dans sa serre L'emporte à ses aiglons, vainqueur silencieux. Le doute est le Hibou, funèbre cénobite, Qui hait l'éclat du jour et ne sort que la nuit; De quelque vieux manoir qui s'écroule, il habite. Une tour en ruine, et là rongé d'ennui, Pendant que la clarté fait tressaillir la terre, Il rêve tristement dans son trou solitaire. II Je les connais tous deux. - Aigle, de ton essor Mon esprit savoura l'ambition sublime, Lorsqu'enivré, tout jeune, aux sources de Solyme, Il s'en vint au soleil interroger le sort. Toi, nyctalope obscur, Hibou, morne consort, Avec toi, vainement, scrutant ma nuit intime, Trop longtemps, loin du jour, ma volonté victime Dans le rêve sceptique a langui sans ressort. Mais enfin j'ai bâti la tour de ma pensée Plus haut que le Mont-Blanc, - sur de si fiers sommets, Qu'en vain tu tenterais à sa flèche élancée De mesurer ton vol, et que, seul désormais, L'Aigle, roi de l'azur, à l'ardente prunelle, Y pourra contempler la lumière éternelle. (La Revue Belge 15-12-1892] Vorige Volgende