Poésies(1995)–Charles Beltjens– Auteursrechtelijk beschermd Vorige Volgende [pagina 218] [p. 218] Prière Cloué sur mon lit de douleurs, Lorsque je sens par ma fenêtre, Avec ses haleines de fleurs, Le doux renouveau qui pénètre; Quand j'entends des joyeux gamins La troupe longtemps prisonnière S'en aller le long des chemins Faire l'école buissonnière; Quand je revois cette saison Où reviennent les hirondelles, Et que j'entends sur ma maison Gazouiller ces chères fidèles; Doux comme un charme pénétrant Et plus poignant qu'une torture, Un désir immense me prend De m'en aller dans la nature. Que ne puis-je, dans le courant D'un frais ruisseau que l'aube irise, Me plonger, en me délivrant Du tourment qui me martyrise! Robe de Nessus, vêtement Tissu de poisons et de flamme, Voile assassin qui lentement Me corrode le corps et l'âme! Nature, rends-moi la santé! Rends-moi ton haleine embaumée Et ton grand sourire enchanté, Nature que j'ai tant aimée! Oh! De quels yeux je reverrais L'aurore dorer la colline, Et l'ombre des vastes forêts Grandir au soleil qui décline! [pagina 219] [p. 219] Dans quelle extase, au bord des eaux, Mon oreille sous les ramures Entendrait aux chants des oiseaux La brise unir ses longs murmures! Qu'il serait doux à mes poumons, L'arome des vertes prairies, Et le puissant parfum des monts Epars sur les plaines fleuries! Une fois, une fois encor, Que je revolte et reconnaisse L'intime vallon, cher décor Des beaux rêves de ma jeunesse! Mais si le ciel n'exauce pas Ma longue prière obstinée, Si un trop précoce trépas Doit terminer ma destinée, Vieux Thanatos, que cet arrêt Soulage enfin ma patience! Accours bien vite, je suis prêt: J'ai mis l'ordre à ma conscience. Noir cavalier, pique des deux! Secours au plus tôt ma torture, Et loin de ce monde hideux Emporte-moi sur ta monture! [La Revue Belge 1-6-1892] Vorige Volgende