De Zeventiende Eeuw. Jaargang 12
(1996)– [tijdschrift] Zeventiende Eeuw, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Espace et Dynamique chez Christiaan Huygens
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Le mouvement selon HuygensEn 1654 Huygens disait déjà:Ga naar eind4. ‘Personne ne peut comprendre le repos et le mouvement dans les corps si ce n'est par rapport à d'autres corps. Car rien ne peut être imaginé du mouvement que ce qui échange mutuellement les distances et les positions des corps.’ | |||||||||||||||||||
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Puis plus tard:Ga naar eind5. ‘Car selon moy le repos et le mouvement ne peuvent être considérés que relativement, et le même corps qu'on dit être en repos à l'égard de quelques uns, peut estre dit se mouvoir à l'égard d'autres corps, et mesme il n'y a pas plus de réalité de mouvement dans l'un que dans l'autre.’ Cette affirmation de la relativité du mouvement par Huygens ne surprend pas le lecteur qui considère le savant hollandais comme l'héritier privilégié de Galilée et Descartes. Si on ne trouve pas de telles phrases chez Galilée lorsqu'il établit l'invariance des phénomènes par rapport à tout mouvement uniforme, on trouve des affirmations très proches de celles de Huygens chez Descartes. Le mouvement est pour ce dernier totalement relatif et doit être repéré par rapport au corps qui entoure directement celui auquel on s'intéresse, par rapport au milieu environnant qui est l'air, ou une autre matière, ou un éther puisqu'il n'y a pas de vide. Mais le propos de Huygens est bien différent puisque les corps sont placés dans un espace vide et que le mouvement peut être repéré par rapport à n'importe quels corps considérés comme au repos. C'est la signification physique de cet espace qui nous intéresse ici, non seulement par le discours explicite de Huygens à ce sujet, mais aussi par la façon dont cet espace est le cadre d'une certaine physique, l'expression de principes généraux implicites ou explicites. Il ne s'agit pas d'exhiber une théorie de l'espace qui serait celle de Huygens et qui serait alors une hypothèse de travail au même titre que les espaces utilisés aujourd'hui en physique contemporaine. L'espace de Huygens n'est pas une hypothèse. Les principes de sa dynamique lui font ‘imaginer’ un espace qui devient pour lui une réalité incontournable. Un tel espace n'est pas nécessaire pour appliquer l'invariance galiléenne. Il l'est cependant pour Huygens qui tente de le rendre évident, de le démontrer avec une certitude qui se rapproche de celle des démonstrations géométriques dont il fait grand usage. Ce que tente Huygens n'est d'ailleurs pas tant de déduire la nature de l'espace dans lequel sont plongés les corps que de démontrer la relativité du mouvement à partir de l'existence préalable de cet espace vide, homogène et infini. En 1668, il écrit:Ga naar eind6. ‘Il n'y a rien qui distingue le mouvement droit d'avec le repos, et l'un et l'autre n'est que relatif, l'estendue du monde étant infinie.’ Mais Huygens, devenu académicien en 1666 à Paris, est occupé par bien d'autres problèmes. Ses activités s'étendaient déjà bien au delà de l'étude du mouvement, de la géométrie pure à l'astronomie. Il avait conçues et concevait encore des pompes à vide et des horloges. Ses cahiers témoignent d'intérêts multiples et ses nouvelles responsabilités l'orientent vers des problèmes plus pratiques. Il publie en 1673 son oeuvre majeure: l'Horologium Oscillatorium, qui traite des horloges à pendule et contient néanmoins une étude fondamentale de la chute des corps comme préalable à la fantastique démonstration du tautochronisme de la cycloïde. Ce n'est qu'après la parution en 1687 des Principia de Newton qu'il revient à ses premières préoccupations concernant la relativité du mouvement et l'espace. Il insiste dorénavant d'avantage sur le fait que l'espace ne peut servir de repère au mou- | |||||||||||||||||||
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vement, à l'encontre de l'espace absolu newtonien, et développe alors plus longuement ses argumentations, dont nous ne donnons ici qu'un exemple parmi d'autres:Ga naar eind7. ‘A cet espace infini et vide, ni l'idée ni l'appellation de mouvement ni celles de repos ne conviennent. Si quelques uns estiment que celui-ci est au repos, ils ne semblent pas avoir d'autres raisons de le faire que de s'être aperçus qu'il était absurde de le dire en mouvement, d'où ils pensèrent qu'il devait nécessairement être dit au repos. Alors qu'ils auraient dû plutôt penser qu'il ne s'agit pour celui-ci ni de mouvement ni de repos. Il est donc absurde de dire qu'un corps est vraiment au repos ou en mouvement par rapport à l'espace du monde, puisque cet espace ne peut être dit au repos et qu'il n'y a pas en lui de changement de lieu. Car il n'y a aucune définition ou désignation du lieu si ce n'est par d'autres corps. Et ainsi il n'y a aucun repos ou mouvement des corps, si ce n'est des uns par rapport aux autres.’ Ces arguments visent à démontrer la relativité essentielle du mouvement, relativité dont Huygens voudrait déduire l'invariance galiléenne, puis les lois des chocs. Huygens, qui critique fortement et amèrement Descartes vers la fin de sa vie, est cependant demeuré un ‘mécaniste’ convaincu. Il ne conçoit en effet d'action que par contact, donc par choc. S'il tente vers la fin de sa vie de rédiger enfin un traité de mécanique, c'est d'un traité des chocs qu'il s'agit, et donc d'une étude fondée sur la relativité du mouvement. Ses études non publiées sur la force centrifuge et, plus généralement la relation entre force et mouvement,Ga naar eind8. ne sont pas considérées par Huygens comme aussi fondamentales qu'elles peuvent nous apparaître aujourd'hui à la lumière de l'histoire ultérieure.Ga naar eind9. Ce qui est primordial pour Huygens n'est pas la force - celle-ci n'est qu'un effet du mouvement et non sa cause - mais les lois des chocs qui régissent tout changement du mouvement. Or le principe qui permet d'établir ces règles du mouvement est la relativité, l'invariance par changement de repère. Il prolonge en ceci les réflexions cartésiennes par des résultats quantitatifs, précis et définitifs en ce qui concerne les chocs, grâce à sa compréhension personnelle des raisonnements galiléens. Mais il est également capable d'effectuer un changement de repère correspondant à une rotation pour étudier la force centrifuge.Ga naar eind10. Il veut montrer que la tension du fil d'un pendule en rotation varie comme le mouvement qu'aurait le pendule s'il était lâché. Il faut donc déjà que force et mouvement soient colinéaires. Il prouve alors que la tangente sur laquelle s'effectue le mouvement inertiel du corps libéré devient la développée du cercle dans le repère en rotation. Cette habileté de Huygens est fortement tributaire dans ce dernier exemple de sa virtuosité en géométrie pure. Sa dynamique de la force centrifuge bénéficie en effet de ses études antérieures à propos des développantes et développées. De même que sa dynamique du pendule isochrone n'est possible qu'en raison de sa connaissance préalables des propriétés de la cycloïde. Il est clair que Huygens amorce les fondements d'une dynamique ‘géométrique’ qui n'existe pas chez Galilée ni Descartes. La géométrie utilisée par Galilée était en effet assez rudimentaire. Celle de Descartes est dirigée vers l'algèbre et la classification des courbes, non vers la mécanique. On ne remarque pas assez que Descartes écrit sa géométrie pour en éliminer justement la plupart des courbes dites ‘mécaniques’ et qu'il n'y a pas de géométrie du tout dans son étude du mouvement des Principia Philosophiae. | |||||||||||||||||||
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Huygens développe donc une démarche personnelle en croyant poursuivre celle de ses deux prédécesseurs. Mais nous voulons mettre en lumière ici l'aspect le plus conceptuel de cette géométrisation des relations entre force ou choc et mouvement, à savoir une certaine conception de l'espace. | |||||||||||||||||||
Le traitement des chocsSans refaire ici l'historique du travail sur les chocs dans l'oeuvre de Huygens, on peut montrer simplement à quoi il aboutit. Ses hypothèses explicitées au départ sont le principe d'inertie, l'invariance galiléenne et la règle du choc symétrique qui affirme que si deux corps égaux se rencontrent sur une même ligne avec des vitesses égales et opposées, ils repartent chacun avec la même vitesse en sens contraire. Cela suffira à régler les cas de tous les chocs de corps égaux se rencontrant sur une même ligne. Exposons seulement le cas le plus simple qui permet de comprendre le procédé utilisé:Ga naar eind11.
Figure I
Le choc symétrique apparaît comme asymétrique vu de la berge, et si la vitesse du bateau est judicieusement choisie, il peut apparaître comme le choc d'une boule sur une boule immobile. Les vitesses initiales étant obtenues par simple addition de la vitesse du bateau aux vitesses des boules par rapport au navire, les vitesses initiales sont obtenues de même et le résultat est que la boule initialement immobile a pris toute la vitesse de la boule incidente. Au delà de ce cas particulier on peut traiter de la même façon tous les autres cas. Pour résoudre ensuite les cas de chocs de boules inégales, il faut disposer au départ d'une règle analogue à celle du choc symétrique. Huygens l'obtient à partir d'une utilisation originale du principe de Toricelli qui est un développement d'un principe galiléen: tout corps acquiert en tombant une vitesse suffisante pour lui permettre, en l'absence de toute résistance de l'air, de remonter à la même hauteur. Ce principe lui permet de montrer que si les corps inégaux sont dans le rapport inverse de celui de leurs vitesses incidentes, ils repartent chacun avec des vitesses inchangées, en sens contraire. La ‘méthode du bateau’ permet ensuite d'en déduire les autres cas. Mais l'histoire des études de Huygens à ce sujet, que nous ne détaillons pas ici, est l'histoire d'une longue hésitation, hésitation qui le retient de publier sa méthode bien qu'elle ait été mise au point dès 1656. Huygens a d'abord tenté de poser une hypothèse sur l'invariance de la ‘force de collision’. Son hypothèse équivaudrait à ne la faire dépendre que de la vitesse relative des deux boules. La relativité cinématique ne lui suffit pas et on peut avancer qu'il doute alors avoir démontré que le choc vu comme asymétrique depuis la berge peut être considéré comme un vrai | |||||||||||||||||||
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choc asymétrique que l'on aurait réalisé directement à terre. Il hésitera d'ailleurs ensuite à placer d'abord le choc symétrique sur le bateau, ou bien un choc asymétrique qui soit vu comme symétrique depuis la berge. Sa réponse ultime est explicitée dans la lettre envoyée à la Royal Society en réponse au concours de 1668 à propos des lois générales des chocs. C'est une solution étonnante: deux compagnons, l'un placé sur le navire et l'autre à terre, effectuent ensemble un choc comme le montre l'illustration suivante de l'édition posthume de 1703:
Figure II
Alors, il n'y a plus à hésiter à propos de la nature du choc ainsi réalisé: il est tout autant symétrique qu'asymétrique puisque les deux ‘compagnons’ sont identiques. Leur présence supprime la présence gênante du navire et de la berge comme repères. Ceux-ci ne peuvent en effet être considérés comme deux repères équivalents au regard de l'Univers que si on les isole, si on les abstrait de tout ce qu'il y a autour. C'est le but atteint par les deux compagnons. Ils assurent une réciprocité parfaite, qui n'existait pas forcément chez Galilée, entre le navire et la berge. Il s'ensuit une équivalence essentielle, ontologique, entre repos et mouvement d'une façon nouvelle. Cette expérience de pensée décrit l'espace hugénien mieux que ne le feraient de longs discours: il est vide et homogène, un choc entre deux boules ne peut y être caractérisé par deux vitesses particulières. Il n'y a dans cet espace qu'une seule sorte de choc pour deux boules données se heurtant avec une vitesse relative donnée. Huygens avait déjà insisté avant 1668 sur l'importance de la vitesse relative par une proposition qui démontrait que la vitesse d'éloignement était égale à la vitesse d'approche. Cette propriété lui semblera toujours plus fondamentale que la conservation de la quantité de mouvement (dans un même sens) et que celle de la force vive à laquelle il parvient ensuite comme conséquence de son ensemble de lois. Une autre expérience de pensée illustre le propos de Huygens sur l'espace et le mouvement: celle des deux corps isolés dans l'Univers. | |||||||||||||||||||
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Deux corps dans l'espaceHuygens reprend, peut-être sans le savoir, une ‘imagination’ médiévale:Ga naar eind12. deux corps sont isolés dans l'espace vide et sont en mouvement mutuel, Dieu en supprime un; si l'autre était en mouvement, il l'est toujours. Or il n'est plus en mouvement par rapport à quoique ce soit. Le mouvement doit donc être intrinsèque au corps, substance ou qualité, concluent les médiévaux. Dans l'argumentation de Huygens, sans intervention divine, le raisonnement est le même et la conclusion différente:Ga naar eind13. ‘Que dire si la balle A existe avec moi dans le monde et rien d'autre, et que je la repousse de moi, pendant que durera l'impression sur la balle A, par laquelle la balle A s'éloignera uniformément de moi? Et si maintenant moi qui la pousse je suis réduit à néant, est-ce que ne durera pas ensuite l'impression donnée à la balle A? Or si elle dure, elle ne se mouvra plus désormais par rapport à moi, ni par rapport à une quelconque autre chose, mais certainement la balle A possèdera quelque chose qu'elle n'avait pas avant que je la pousse. Je réponds que l'effet de l'impulsion de la balle A est qu'il existe un mouvement entre toi et elle, de façon que vous vous mouviez mutuellement, car tu ne peux alors être dit plus au repos que cette balle; et avant l'impulsion non plus l'un ou l'autre ne peut être dit en repos si ce n'est entre vous. [...] En effet à partir d'un mouvement aussi intense qu'il soit les corps ne reçoivent rien et ne subissent rien que ceci précisément qu'ils changent leur distance et leur position par rapport aux autres.’ On pourrait dire que Huygens réponds directement au problème médiéval de la nature du mouvement: le mouvement n'est que relatif, et donc extrinsèque. Il s'adresse en fait plus directement à Galilée dont il croit expliciter la démarche. Mais Galilée n'aurait jamais vidé l'Univers de tous ses corps, (sauf de l'air ambiant pour d'autres raisons). Il n'a donc pas parlé d'espace ni tenté d'atteindre à une éventuelle essence du mouvement. Les deux exemples précités parlent de la nature ‘relative’ de l'espace. Car s'il est vide, infini et homogène, aucune position ne peut y être distinguée d'une autre. Il est le contraire de l'espace absolu newtonien que Huygens refuse aussi fortement que l'action à distance. Mais les caractéristiques de cet espace émergent également d'une autre façon de son étude de la loi de la chute des corps. | |||||||||||||||||||
La chute des gravesL'étude de la loi de la chute des corps préoccupe Huygens dès ses premiers travaux personnels puisqu'il a à ce sujet une correspondance avec le père Mersenne en 1647.Ga naar eind14. Peut-être ne connaît-il pas encore alors les Discorsi ..., de Galilée. En tout cas il abandonne ensuite ce sujet, comme s'il le considérait comme totalement résolu, jusqu'à ce que la mise au point de l'Horologium oscillatorium lui donne l'occasion d'y revenir en 1673. Huygens démontre alors la propriété qui servait de point de départ aux démonstrations galiléennes des Discorsi ... à savoir que la vitesse croît simplement comme le temps pour un mouvement de chute libre à partir du repos. C'est la première proposition du Livre II de l'ouvrage, proposition dont nous donnons main- | |||||||||||||||||||
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tenant le contenu schématique.Ga naar eind15. Le corps parcourt tout d'abord à partir du repos un espace AB pendant un premier temps quelconque t. Comme rien n'est dit de la façon dont AB est parcouru, le temps t n'est pas forcément petit. Il n'y a aucune approximation ni méthode infinitésimale dans la suite du raisonnement. Au bout du temps t le corps a acquis une vitesse v avec laquelle il parcourrait pendant un temps suivant égal à t un espace BD si la gravité n'était plus là, sous l'effet de son inertie. L'espace BD est cette fois parcouru d'un mouvement uniforme, mais rien n'est dit à ce moment sur sa proportion avec l'espace AB et rien n'est nécessaire dans cette première proposition. Si maintenant on considère que la gravité est toujours là, le corps parcourra pendant le deuxième temps t un espace plus grand que BD, plus grand d'une grandeur égale à AB puisque c'est là l'effet de la gravité seule. L'espace parcouru pendant le deuxième temps sera donc: BE = BD + AB. La gravité ayant aussi pour effet de fournir une vitesse v en un temps t. Une telle vitesse s'ajoute donc au bout du deuxième temps à la vitesse acquise au bout du premier temps, conservée par inertie. On obtient donc une vitesse égale à 2v.
Figure III
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L'espace de Huygens est donc fortement lié à ses présupposés en matière de théorie du mouvement. Il n'en est cependant pas la conséquence nécessaire, qui pourrait en être déduite de façon certaine. Il est plutôt un cadre qui permet de le penser, de se le représenter, de les relier entre eux. Huygens pourrait le poser comme hypothèse et en déduire les principes dont il a besoin pour rendre compte de l'expérience. Il saura en effet procéder de cette manière lorsqu'il publiera en 1690 son Traité de la lumière. Mais ces principes lui sont devenus trop familiers, lui semblent trop évidents, pour qu'il puisse les considérer comme de simples hypothèses de travail. On sent bien que la donnée d'un espace est pour ce savant - parce qu'il est aussi dessinateur et géomètre - plus qu'un concept ou un principe. C'est le cadre de son intuition des phénomènes, cadre sans lequel il ne peut rien concevoir. C'est une explication de la difficulté de Huygens à publier, de sa fragilité en face des objections. Il ne peut défendre ses intuitions par une rhétorique galiléenne ni par un discours philosophique de type cartésien. Il ne sait imposer ce qu'il ‘voit’. Ses argumentations sont cependant admirables par leur logique et leur mise en forme par des expériences de pensée. Tout aussi étonnantes sont ses dernières tentatives pour ‘relativiser’ le mouvement de rotation.Ga naar eind16. Huygens veut maintenant imposer la relativité de tout mouvement, y compris du mouvement de rotation. Il faut donc rendre compte de la force centrifuge comme l'effet d'un mouvement relatif. Si le corps en rotation est seul dans l'Univers, il faut donc que les parties de la roue soient en mouvement mutuel, bien que leurs distances mutuelles soient constantes. Huygens assimile alors le mouvement mutuel de deux parties opposées de la roue au mouvement relatif de ces mêmes parties sur les tangentes qu'elles suivraient si elles étaient libérées, si elles étaient sans contraintes. Ce sont les contraintes qui sont responsables du fait que les distances et positions ne changent pas malgré le mouvement mutuel. Le repos relatif n'est donc assuré par la constance des distances et positions mutuelles qu'en l'absence de contraintes. Mais l'argument est étrange puisque ces contraintes n'existent que parce qu'il y a force centrifuge et qu'il n'y a force centrifuge que parce qu'il y a mouvement mutuel. La tentative de Huygens dans ce domaine n'est pas achevée et pouvait difficilement l'être dans ce contexte, mais elle n'en est pas moins intéressante.
On peut affirmer en revanche que les deux démonstrations dont nous avons montré l'essentiel sont parfaitement abouties dans le contexte qui est le leur. Il est donc particulièrement regrettable que Huygens n'ait pas publié un traité des chocs qui aurait été, pour lui, un traité fondamental de dynamique. On peut également, bien sûr, regretter qu'il n'ait pas publié ses réflexions à propos de la force centrifuge et du lien entre force et mouvement en général dont il ne reste à son époque que les résultats publiés à la fin de l'Horologium. Mais ce dernier regret trahirait en quelque sorte la pensée de Huygens et ses conceptions profondes des fondements de l'étude du mouvement. Huygens est demeuré mécaniste, un mécaniste galiléen qui géométrise le mouvement, mais qui le fait à sa manière, dans un espace vide et infini. |
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