Reactie tegen de functionele en geometrische kerkbouw
La construction des églises modernes a connu en France son meilleur temps dans les années 55-65. Il avait fallu longuement batailler, simplement pour faire admettre l'église nouvelle. L'architecture religieuse, comme l'art d'église (on peut dire comme bien des institutions et habitudes religieuses), se situe volontiers dans la mouvance du passé. Ce n'est guère que dans les alentours de la guerre 39-45 que commença à s'affirmer un nouveau style d'église. La Suisse, l'Allemagne, avaient donné l'exemple. Les impératifs de la reconstruction nous l'imposèrent. C'est alors qu'on vit un peu partout, à travers les villes et les campagnes, apparaître ces édifices rectangulaires, aux lignes généralement pures, aux volumes simples, mais souvent harmonieux, clairs au-dedans comme au-dehors, couverts de toits plats, flanqués de hauts clochers en forme de cheminées, sommés d'une petite croix. Les gens, habitués aux constructions romanes ou gothiques disaient: ‘Ce ne sont pas des églises’.
C'en était bien quand même. Dans la ville ou le quartier reconstitué, elles demeuraient la haute maison dont, plus familière qu'autrefois, continuait toutefois de s'affirmer l'autorité. Le haut signal qui les désignait de loin à l'attention, et, quand on y pénétrait, l'accueil fraternel des bancs, la netteté et même la nudité des murs, la primauté donnée aux autels vers lesquels convergeaient les regards, tout se disposait pour la célébration de l'office et la participation, qu'on voulait plus étroite, de l'assistance. A côté des nefs encombrées et sombres du XIXe siècle - et le XIXe siècle par ses statues, ses lustres, ses lourds mobiliers, avait envahi et ramené à lui beaucoup d'édifices d'époque médiévale - ces nouvelles églises semblaient présager un affranchissement de certains apports paralysants et une meilleure adaptation à notre temps.
L'art contemporain commençait à s'y trouver à l'aise. Elles intéressaient les architectes. Les peintres, et jusqu'aux plus grands, étaient tentés de travailler pour elles. Bien des églises construites entre 1955 et 1965, témoignent de recherches architecturales et se révèlent prêtes à recueillir les peintures et sculptures des artistes contemporains.
A dire vrai, celles-ci furent peu nombreuses. Non pas qu'on n'aurait pu se les procurer, il n'y avait qu'à les demander. Mais justement on les demanda peu et déjà se manifestait dans cette négligence, dans cette indifférence au meilleur l'écart qui se creusait entre la vie profonde de notre temps et des disciplines religieuses, plus nourries en somme d'habitudes que de fidélités.
Il y eut aussi les chapelles des années 50, celles d'Assy, de Vence, d'Audincourt, que les apports des grands peintres ont rendu célèbres. Il est bien certain que cet accord renouvelé du passé, et même s'il fut en partie factice, des artistes les plus fameux d'alors avec la vieille liturgie chrétienne, était un événement qui pouvait comporter des promesses d'avenir. D'illustres architectes qui ne sortaient pas, eux non plus, des milieux chrétiens, se reconnaissaient séduits par les programmes de l'église. Vingt-cinq ans après Auguste Perret, on vit Le Corbusier donner le meilleur de lui-même à l'un d'eux. La chapelle de Ronchamp a fortement compté à la fois dans l'oeuvre de son auteur et dans l'histoire de l'architecture religieuse moderne. Elle marquait à la fois le retour à des formes expressives d'un architecte connu pour la rigueur de son fonctionnalisme et, dans l'église même, la primauté rendue au sentiment religieux et au mystère sur le même fonctionnalisme.
Ronchamp connut beaucoup d'imitateurs. Dans les années qui suivirent sa construction, de nombreux architectes, et peut-être plus encore à l'étranger qu'en France, virent dans les programmes d'églises une occasion d'échapper un moment aux contraintes strictement fonctionnelles qui leur sont habituellement imposées et de s'abandonner, avec une certaine liberté, à des recherches d'expression architecturale.
Parmi les églises françaises bâties après Ronchamp et qui témoignent de cette préoccupation, nous mentionnerons celles de Maizières-lès-Metz et de Rézé-lès-Nantes (architecte Rouquet), celles de Bouts (architecte Pingusson), et de Freyming (architecte Sommer-Matter), la chapelle du Carmel de Valenciennes (par Guillain et Székély), Sainte-Bernadette de Nevers (par Parent et Virilio), sans omettre le couvent de l'Arbresle, près de Lyon, autre oeuvre de Le Corbusier qui répondait à un programme tout différent et quand même plus fonctionnel que celui de la chapelle de Ronchamp.
(Joseph Pichard)