De Stijl 2 1921-1932
(1968)– [tijdschrift] Stijl, De– Auteursrechtelijk beschermdG. Ribemont-Dessaignes
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musées. Tout ce qui l'amuse est précisément ce à quoi il refus la qualité d'Art. Mais la foule s'indigne. L'Art est assommant, il faut le respecter. Tout comme Dieu.
L'Art est de droit divin. Qu'on le veuille ou non, il y a une partie de l'Art qui a une action morale, et de là, sociale. L'importance de Dieu est au fond uniquement sociale. Les ennemis de Dieu sont ceux de la Société. Si l'on remplace Dieu par le Bien, ou par le Beau, tout est sauvé. Mais si l'on commence à détruire ceci, ne s'attaquerra-t-on pas à cela? Où s'arrêtera-t-on? Les Dadaïstes sont les ennemis de la société.
Une fraction dadaïste, celle de Berlin, est particulièrement politique. C'est d'ailleurs sa force spéciale. Elle n'attache à la forme artistique aucune espèce d'importance, ce qui lui permet d'être à son gré d'allure futuriste ou autre: elle est directement ennemie de la Société.
Pourquoi détruire, demandent les indignés? Et pourquoi, construire? Nous n'arrivons pas à nous interesser à votre construction, sauf comme divertissement entrements. Mais nous voyons à quoi elle mène: à certain massacre et à certaine ruine générale. La construction bolchevik comme la capitaliste. Et pour ce qui est des petits édicules de la pensée, ils révèlent, pour parler morale, une telle bassesse, une telle ignominie, qu'on est en droit de se demander si ces gens avec leur beauté, ne se foutent pas de nous.
Et cependant nous construisons. On nous le reproche, pour pouvoir dire que notre construction n'est ni nouvelle, ni intéressante - et c'est le plus grave - ni destructive.
Si l'on démolit la tour Eiffel, cela fait un tas de ferraille. Ce tas est une construction.
Nouveauté. Qu'est ce donc que les novateurs? Il n'y a que des singes, fils de singes et pères de singes qui se nourrissent de ce qu'ils trouvent, et agissent à la manière des singes.
Rembrandt, Ingres, Manet, Cézanne, Verlaine, Lautréamont ne sont pas non plus novateurs, Ils se déshabillent en montrant tantôt leur ventre, tantôt leur dos. On a la pudeur de ce que l'on peut.
On nous jette dans les jambes le nom d'Hegel comme superlatif de la destruction. Bonjour Papa. Cela vous fait plaisir? Sa petite négation três sympathique n'a rien détruit. Elle est triste d'ailleurs. Dans une soirée que nous avons donnée au Théatre de l'Oeuvre, on interprétait la Première Aventure Céléeste de M. Antipyrine, de Tristan Tzara. Une charmante chanteuse terminait la chose par Chanson triste, de Duparc. On vociféra bien pendant l'Aventure Céleste, mais supporter la mélodie fut impossible; on ne laissa pas chanter Melle Hania Routchine. Celle-ci, attristée, disait: ils ne savent pas que c'est du Duparc. Savoir ou ne pas savoir, le public avait absorbé de l'ipéca pendant une heure: Dada était passé par là. C'est un autre effet que celui d'Hegel.
D'autre part, l'unique affirmation de la destruction est aussi une affirmation - et qui prend un romantique caractère de diabolisme. Détruire jusqu'à la destruction était nécessaire. C'est pour cela que nous aussi pouvons faire des oeuvres d'art. Il ne s'agit pas là de la manière hébraïque qui ne détruit tout que pour pouvoir reconstruire le Temple de Jérusalem - Dieu n'existe pas, c'est pourquoi on peut dire que Dieu existe.
Que la masse se rassure. Il ne s'agit pas de dommages matériels. La vie est très agréable avec la chaleur, la nourriture et le palpable de l'amour. Nous ne sommes que contre Dieu. Contre Dieu sous toutes ses formes. Non, Dieu n'est pas Dieu. Vinci n'est pas Dieu, ni Cézanne, ni Renoir, ni Guillaume II, ni Monsieur le Président de la République, ni Picasso, ni moi, ni toi, ni lui. (à suivre) | |
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GRAANSILO
MECHANO-ESTHETISCHE CONSTRUCTIE |
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