Leo Vroman (1915 - 2014) en 1994, photo Kl. Koppe.
deux derniers recueils comptaient respectivement 216 et 160 pages - s'expliquerait-elle?
Vroman est né en 1915 de parents juifs. La Seconde Guerre mondiale l'obligea à s'enfuir. Via l'Angleterre et Le Cap il se retrouva aux Indes néerlandaises, où il fut incarcéré comme prisonnier de guerre. Après la Libération, il s'établit aux États-Unis, où il se maria et exerça la profession d'hématologue. Il fit oeuvre de pionnier dans le domaine de la coagulation du sang; il y a même un phénomène qui porte son nom - l'effet Vroman -, sur lequel il a publié en 1962 dans la célèbre revue Nature. Comme poète, il débuta déjà en 1933; pendant la guerre il collabora à la légendaire revue surréaliste à 1 exemplaire De schone zakdoek (Le Joli Mouchoir) et par la suite il publia encore dans plusieurs périodiques. Son premier recueil, Gedichten (Poèmes), parut en 1946, et en 1964 il reçut le prix P.C. Hooft, la plus haute distinction littéraire aux Pays-Bas.
La poésie de Vroman, teintée de surréalisme mais en même temps proche de la réalité, était perçue comme rafraîchissante dans un climat littéraire d'après-guerre axé principalement sur une forme de restauration. Lorsque, dans les années 1950, la génération expérimentale se proposait d'insuffler un nouvel élan à la poésie et, à cet effet, jetait par-dessus bord toutes les conventions, Vroman apparut comme une sorte de figure intermédiaire: novatrice mais pas radicale. C'est ce qui caractérise sa poétique: il ne s'est rallié à aucun mouvement et son oeuvre ne se laisse cataloguer dans aucun courant, ce qui s'explique évidemment aussi par sa position de marginal au sens littéral du terme. Les souvenirs de sa jeunesse et de ses expériences de la guerre, la famille, l'amour qu'il voue à son épouse et à ses filles, ainsi que son travail scientifique sont autant de thèmes récurrents dans sa poésie comme dans ses journaux personnels. Ils lui ont fait prendre conscience du fait qu'il existe toutes sortes de liens dans ce monde qui se présente pourtant de prime abord comme chaotique et incohérent. Dans des recueils tels que Liefde, sterk vergroot (L'amour, considérablement agrandi) et Fractaal (Fractalement), il avance l'idée que tout est lié à tout, conviction qui culmine dans le recueil Psalmen en andere gedichten (Psaumes et autres poèmes), où, dans des poèmes aussi bien en néerlandais qu'en anglais, est invoqué un ‘Système’. Il ne faut pas y chercher une variante séculière de Dieu, énonce Vroman dans le poème qui ouvre le recueil, mais l'expression de la
conviction qu'une structure ou un principe se trouve à l'origine de tout.
L'idée de l'existence effective d'un lien entre les choses se traduit techniquement par le recours à la rime: les assonances mettent en évidence les rapports entre les mots et, par extension, les phénomènes. La poésie de Vroman demeure en outre proche de la langue parlée et limpide, ce qui facilite sa lisibilité. Des poèmes tels que ‘Vrede’ (Paix: ‘Venez ce soir avec des histoires / comment la guerre s'en est allée, / et répétez-les cent fois: / à chaque fois je pleurerai.’) et ‘Voor wie dit leest’ (Pour qui lit ceci: ‘Je vous montre ici des lettres imprimées, / mais par ma bouche chaude je ne peux parler, / ni faire surgir ma main ardente de ce papier; / que puis-je faire? Je ne peux vous atteindre’.) sont devenus des classiques de la poésie néerlandaise.
Leo Vroman n'est plus, il a manqué de peu son centenaire. Tout en considérant d'un oeil très