Septentrion. Jaargang 38
(2009)– [tijdschrift] Septentrion‘Soeur sourire’: un portrait nuancé et humainPour un peu le réalisateur Stijn Coninx (o 1957) serait devenu ‘le’ cinéaste religieux flamand. Lorsque dans les années 1990 il travaillait à sa grande oeuvre sur le prêtre Adolf Daens1, il avait été pressenti pour faire un film sur soeur Sourire. Quinze années plus tard le film biographique sur ‘la nonne chantante’ sort sur les écrans. Au fait, est-ce bien un avantage que les choses aient traîné si longtemps? Pour diverses raisons peut-être bien. Un avantage pour Stijn Coninx. Entre-temps il a pu tourner toutes sortes d'autres longs métrages tels Licht (Lumière)2 et Verder dan de Maan (Au-delà de la lune), ainsi que des documentaires et des séries télévisées. De sorte qu'il n'a pas été affublé de l'étiquette de cinéaste hagiographe. Un avantage pour Cécile de France qui, malgré son nom, est Beige et avait depuis longtemps consenti à jouer le rôle-titre. Entre-temps elle a eu l'occasion de se faire un nom et de devenir une célébrité en Belgique et surtout à l'étranger. Ainsi sa participation au film a été un atout de plus en plus important pour boucler son financement. Enfin, un avantage pour le film puisqu'on a eu l'occasion de travailler beaucoup plus longtemps au scénario. Soeur Sourire, de son vrai nom Jeanne-Paule Marie Deckers, naquit en 1933 dans le Brabant wallon. En 1959 elle entra au couvent des dominicaines sous le nom de soeur Luc-Gabriel. En 1963 elle composa et interpréta elle-même la chanson Dominique, devenue un vrai tube dans le monde entier. Cette histoire à succès avait été portée à l'écran dès 1966 par Hollywood dans The Singing Nun, avec Debbie Reynolds dans le rôle principal. Mais à partir de ce moment-là les choses se sont mal passées. En 1967, soeur Sourire quitta le couvent et tenta sans son habit et sans son nom d'artiste religieuse de se construire une carrière dans la musique. Ce fut un échec. Comble de malheur, le fisc demanda des comptes à ‘Jeannine’ Deckers concernant les revenus de son succès mondial qui étaient cependant allés au couvent. Enfin, en mars 1985, elle se suicida en même temps que son amie. | |
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![]() Cécile de France (o 1975).
Voilà ce qu'en résumé le grand public a retenu de soeur Sourire. Est-ce suffisant pour écrire un bon récit pour le cinéma? Lorsque le réalisateur Stijn Coninx eut l'occasion de lire la première version du scénario, il pensa que non. Soeur Sourire était sans aucun doute un phénomène intéressant et à l'origine une formidable histoire à succès. Mais encore? Pourquoi les choses avaient-elles changé? Pourquoi l'histoire se termina-t-elle sur un double suicide? ‘Avec ce type de dénouement il ne faut pas s'attendre à ce que le public piaffe d'impatience pour aller voir le film. Il fallait donc trouver l'approche juste. Une des règles classiques d'un scénario est la question de savoir quel est le problème du personnage principal. Le problème qu'il ou elle doit résoudre. Il faut toujours trouver le point de départ émotionnel. Je n'avais aucune envie d'importuner le public avec les soucis de quelqu'un qui n'arrive pas à payer ses impôts. Le problème qui me passionnait par contre était celui de l'amour. Ou plutôt de l'absence d'amour. Voilà un élément intéressant, plus intéressant que celui du couvent qui rafle les revenus, ce qui est plutôt anecdotique’. Soeur Sourire deviendrait donc l'histoire d'une jeune femme à la recherche de la liberté. Elle se réfugié au couvent, mais pas par amour de Dieu. Elle se débat avec les aspirations de la société et plus particulièrement de ses parents. Elle se débat également avec sa propre sexualité. De plus, l'association amour / musique est un élément très intéressant. On a travaillé longtemps sur le scénario. À la fin Soeur Sourire est devenue une étude de caractère intéressante. Pour le dire avec un cliché, le film présente la femme derrière l'artiste. Ce qui n'est certainement pas synonyme d'une sainte que l'on encense. ‘Je devais faire voir dans le film que Jeannine Deckers pouvait aussi être une emmerdeuse’, déclare Stijn Coninx. ‘Lorsqu'on réécoute les interviews de sa période de succès, c'est toujours du je-me-moi, dégoulinant d'égoïsme. De fait, je n'ai rencontré personne ou jamais entendu dans aucun documentaire quelqu'un qui l'aurait bien connue dire que c'était une personne formidable. Mais dans le film il fallait qu'elle devienne une emmerdeuse intéressante’. L'actrice Cécile de France sembla entièrement d'accord avec cette façon de voir: ‘Elle avait un ego démesuré, mais il fallait esquisser un portrait humain et nuancé. Pas de manichéisme. En dépit | |
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de ses défauts, le public devait pouvoir ressentir une empathie. Cela vaut d'ailleurs aussi pour les autres personnages. Sa mère a beau être très autoritaire, on sent malgré tout sa fragilité et sa douleur. La mère supérieure non plus n'est pas un personnage tout blanc ou tout noir. Il fallait qu'on puisse se rendre compte que Jeannine Deckers avait beaucoup de gros défauts et qu'elle pouvait être vraiment chiante. Mais c'était quelqu'un qui avait toujours été abandonné par tous: par ses parents, par le couvent, par l'État par la voie du fisc, par son manager et enfin par le public.’. Quoi qu'il en soit, soeur Sourire était une victime, même si c'était en grande partie de par sa propre faute. C'est ce point de vue très nuancé qui rend le film intéressant. jan temmerman |