Fiona Tan, jamais à la maison, toujours à l'emplacement qui convient
S'agissant de la participation d'artistes à la Biennale de Venise, les Pays-Bas, depuis tout un temps déjà, ne prennent plus en considération les racines typiquement ‘hollandaises’ des candidats. La Rijksakademie - qui met des ateliers à disposition et accorde des facilités pendant une période de deux ans - s'est érigée en laboratoire de talents en provenance des quatre coins du monde. Après leur séjour à la Rijksakademie ces artistes parcourent le vaste monde tout en gardant les Pays-Bas (souvent Amsterdam) comme point d'attache.
Le choix de Saskia Bos, nommée commissaire du pavillon néerlandais, s'est arrêté sur Fiona Tan (o 1966), citoyenne et artiste du monde pur-sang. Tan, qui a suivi une formation à la célèbre académie Rietveld avant de passer à la Rijksakademie, est une artiste appréciée et souvent sollicitée pour des manifestations importantes. C'est probablement dû au fait qu'elle a le don d'accorder sa propre thématique avec (l'histoire de) l'emplacement auquel elle destine ses installations. Les oeuvres de Tan, en effet, semblent pour ainsi dire toujours trouver l'emplacement qui leur convient par excellence, qui les attend, les attire.
La thématique et le background de Tan sont si intimement liés que son C.V. s'insinue toujours en quelques lignes dans chaque texte. Tel est également le cas pour ce qui concerne sa contribution à la Biennale de Venise. Fiona Tan est née à Pekan Baru (Indonésie) d'un père sino-indonésien et d'une mère australienne d'origine écossaise. Après avoir grandi en Australie et en Allemagne, elle vit depuis vingt ans aux Pays-Bas. Aussi (la quête de) l'‘identité’ constitue-t-elle une donnée constante dans sa vie et son oeuvre. Elle pose en outre des questions d'ordre général: qui est et où se trouve une personne déterminée et quel est son rapport au monde environnant? Plus importante encore, peut-être, une autre question: de quelle manière ce milieu, cet entourage, considère-t-il cette personne? Tan a été décrite comme une ‘anthropologue habitant le corps d'une artiste’. Si l'anthropologue scientifique consigne ses expériences dans une publication justifiée du point de vue scientifique, l'artiste Tan concrétise les connaissances nouvellement acquises sous la forme d'installations poétiques avec du film, de la vidéo et des photos. Ses recherches n'aboutissent pas à ‘la’ vérité mais se prêtent volontiers à des interprétations plus libres. Elle aime se servir de fragments de film qu'elle a repérés et qui, combinés avec des images nouvelles, racontent l'histoire possible d'un individu.
Une autre notion clé dans l'oeuvre de Tan est ‘provenance’, terme utilisé dans l'histoire de l'art pour indiquer d'où provient une oeuvre d'art se trouvant dans une collection. Si possible à partir de la ‘mise en service’ - songeons par exemple à un retable flamand réalisé pour le compte d'une église suédoise - via les pérégrinations jusqu'au moment de l'acquisition. Provenance était également le titre de l'installation que Tan a réalisée à la demande du Rijksmuseum d'Amsterdam.