Septentrion. Jaargang 38
(2009)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdEconomie‘Fortis’: chronique d'un cauchemarLe 6 août 2007, le groupe belgo-néerlandais de banque et d'assurances Fortis convoqua, en Belgique et aux Pays-Bas, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires au cours de laquelle l'offre publique d'achat, lancée conjointement avec le britannique Royal Bank of Scotland et l'espagnol Banco Santander sur la banque néerlandaise ABN Amro, fut approuvée avec enthousiasme, à plus de 95% des votes émis. Dans cette offre, d'un montant total de 71 milliards d'euros, Fortis participerait à hauteur de 24 milliards d'euros et s'approprierait ainsi la partie néerlandaise d'ABN Amro, très performante à l'internationalGa naar eindnoot1. Sur les Bourses de Bruxelles et d'Amsterdam, l'action Fortis clôtura ce jour-là à 28,05 euros. Le 1er décembre 2008, Fortis organisa de nouveau une assemblée extraordinaire des actionnaires aux Pays-Bas et, le lendemain, en Belgique. Cette fois-ci, face aux actionnaires très remontés, la direction fut sommée de s'expliquer sur le démantèlement désastreux du groupe, intervenu en l'espace de quelques semaines et découlant directement du prix jugé exorbitant payé pour le rachat d'ABN Amro. Début octobre 2008, Fortis avait été contrainte de se défaire de toutes ses activités bancaires et d'assurances tant en Belgique qu'aux Pays-Bas. Le holding ne gardait plus que ses activités d'assurances à l'étranger et un portefeuille de crédits à risques américains. Le 1er décembre 2008, le titre Fortis ne valait plus que 0,69 euro sur les places financières. Plus de 97% de sa valeur était donc partie en fumée. En 2007, tout semblait encore aller pour le mieux. En octobre de cette année, Fortis régla les 24 milliards d'euros convenus pour le rachat des activités néerlandaises d'ABN Amro. À la suite d'une émission d'actions nouvelles réservée aux actionnaires, le groupe belgo-néerlandais avait réussi à augmenter son capital de 13,4 milliards d'euros. Le cours de l'action avoisinait alors les 23 euros. Afin de boucler le financement de la reprise, quelques milliards supplémentaires avaient pu être récoltés de diverses manières et, en novembre 2007, le groupe d'assurances chinois Ping An prit une participation d'un peu plus de 4% dans le capital de Fortis. Dans tous ses communiqués, le bancassureur affichait une confiance inébranlable dans sa bonne santé financière. Au cours de l'assemblée générale des actionnaires, tenue le 29 avril 2008, le directeur financier Gilbert Mittler déclarait que, comme l'année d'avant et ‘sauf imprévu’, le groupe avait l'intention de verser, en septembre, un dividende intérimaire. Le 26 juin 2008, retournement de situation: Fortis annonce un certain nombre de mesures en vue ‘d'accélérer la mise en oeuvre du plan de solvabilité’, parmi lesquelles figurent une augmentation de capital de 1,5 milliard d'euros et le non-paiement du dividende intérimaire promis pour le mois de septembre. Ce coup de théâtre érode sérieusement la confiance des investisseurs dans l'action Fortis. C'est le début de la débâcle que connaîtra l'entreprise, issue, en 1990, de la fusion d'un certain nombre de compagnies d'assurances belges et néerlandaises. | |
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À la suite de la reprise, au cours des années 1990, des banques belges CGER (Caisse générale d'épargne et de retraite) et Générale de Banque et de la banque néerlandaise MeesPierson, Fortis s'était développée au point de devenir un groupe de banque et d'assurances appelé à entrer dans la cour des grands. Mais les investisseurs institutionnels qui, en octobre 2007, avaient acheté des actions au prix de 23 euros, ne se montrent guère enclins à s'en procurer à 12,50 euros. Il s'ensuit une chute brutale de l'action échangée alors à 10 euros. À ce momentlà, Fortis ne vaut plus que 22 milliards d'euros, c'est-à-dire moins que ce que le groupe avait payé pour l'acquisition d'ABN Amro. Pas moins de 15% des actions Fortis sont aux mains de particuliers belges, lesquels, peu soucieux de diversifier leurs avoirs, y ont investi une partie importante de leur patrimoine. Ils vivent évidemment très mal le non-paiement du dividende. À la suite de ce contretemps, certains se voient même confrontés à de sérieuses difficultés financières. Le 11 juillet 2008, le patron du groupe, Jean-Paul Votron, est acculé à la démission. Lorsqu'en août et septembre 2008, la crise financière internationale prend de l'ampleur et qu'aux États-Unis, la prestigieuse banque Lehman Brothers fait faillite, les Bourses dévissent partout dans le monde. Le 25 septembre 2008, le titre Fortis ne vaut plus que 6,55 euros. Ce jour-là, la Commission bancaire, financière et des assurances, l'autorité de contrôle du secteur financier belge, conseille à Maurice Lippens, président de Fortis, de chercher du renfort auprès d'un partenaire solide. Il n'empêche que, le lendemain, la direction du groupe publie un communiqué dans lequel elle affirme que Fortis dispose de suffisamment de liquidités, que la banque n'a perdu qu'un nombre restreint de clients et que sa solvabilité demeure solide. Le jour suivant, le titre clôture en baisse de plus de 20% à 5,18 euros. Du coup, de gros clients institutionnels ainsi que des banques asiatiques et russes retirent massivement leur argent, ce qui entraîne un manque criant de liquidités et fait surgir le spectre de la faillite. Au cours du week-end du 27 au 28 septembre 2008, les gouvernements des pays du Benelux passèrent à l'action. Ils prirent chacun une participation de 49% dans les activités de Fortis présentes sur leur territoire national. La Belgique débloqua 4,7 milliards d'euros, les Pays-Bas 4 milliards (qu'au final ils ne débourseraient pas) et le Luxembourg 2,5 milliards, soit 11,2 milliards d'euros au total. À noter que l'apport financier néerlandais n'incluait pas les fonds dégagés pour la reprise d'ABN Amro. On espérait ainsi rétablir la confiance en Fortis. Vain espoir: après Jean-Paul Votron, ce fut au tour de Maurice Lippens de se voir poussé vers la sortie. La crise de confiance persista. Fortis ne réussit plus à lever des capitaux pour son financement propre sur le marché interbancaire. Le week-end suivant, la direction de Fortis fut carrément mise sur la touche, supplantée par les gouvernements belge et néerlandais désormais seuls aux commandes. Le groupe fut scindé en différentes parties. Toutes les parties néerlandaises, y compris ABN Amro, furent nationalisées par l'État néerlandais, lequel déboursa 16,8 milliards d'euros (au lieu des 4 milliards prévus pour l'acquisition des 49% des parts), dont 12,8 milliards pour les activités bancaires et 4 milliards pour l'activité assurances. Le ministre néerlandais des Finances, Wouter Bos, s'attira les foudres de l'opinion publique belge en déclarant publiquement, et de manière assez arrogante, qu'il avait sauvé les parties saines néerlandaises du groupe tout en ayant fourni à la Belgique les moyens susceptibles de résoudre les problèmes posés par Fortis dans ce pays. Aux Pays-Bas, annonça-t-il, ABN Amro fusionnerait avec Fortis Banque Pays-Bas et serait, le moment venu, à nouveau privatisée. Moyennant une nouvelle injection de 4,7 milliards d'euros, le gouvernement belge nationalisa l'autre moitié de Fortis Banque Belgique et conclut ensuite un accord avec BNP Paribas, prévoyant la cession de 75% des parts à la banque française. Les 25% restants resteraient la propriété de l'État belge, lequel, en contrepartie, entrerait à hauteur de 11% dans le capital de BNP Paribas. Aux termes du même accord, le groupe bancaire français reprendrait la totalité des parts de Fortis Assurance Belgique pour la somme de 5,73 milliards d'euros payables en espèces, opération inutile puisqu'elle ne conditionnait nullement la survie | |
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de Fortis étant donné la bonne santé financière de l'entreprise. Mais, sous la pression des événements, cette dernière avait dû s'incliner. Ces décisions étaient loin d'être définitives. Aux Pays-Bas, par exemple, la Nederlandse Ondernemingskamer (Chambre d'entreprises néerlandaise), instance judiciaire compétente dans ce genre de litiges, a, à la demande de l'Association néerlandaise des investisseurs, diligenté une enquête sur les activités de Fortis en 2007 et 2008, sans toutefois invalider les décisions prises au cours de cette période. A la mi-décembre 2008, dans l'affaire portée devant la justice par un groupe d'investisseurs belges, la Cour d'appel de Bruxelles décida que la vente de Fortis à BNP Paribas devait d'abord être soumise à l'approbation des actionnaires lors d'une assemblée générale. Contre cet arrêt, le gouvernement annonça son intention de se pourvoir en cassation, une procédure qui prendrait des mois et ferait perdurer l'incertitude. Mais, entre-temps, l'affaire Fortis a entraîné la chute du gouvernement dirigé par M. Yves Leterme, lequel se serait ingéré dans la procédure judiciaire concernant Fortis et aurait ainsi enfreint le principe de la séparation des pouvoirs. À la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel, la vente de Fortis à BNP Paribas a été gelée en attendant que se prononcent les actionnaires convoqués en assemblée générale le 11 février 2009. Fin janvier 2009, l'État belge a donné partiellement satisfaction aux actionnaires en concluant un accord avec les dirigeants de Fortis et de BNP Paribas. Aux termes de cet accord, Fortis Holding conserverait 90% de Fortis Assurance Belgique alors que BNP Paribas en acquerrait 10% pour la somme de 550 millions d'euros au lieu de racheter l'entreprise dans son intégralité pour 5,7 milliards d'euros comme prévu initialement. Fortis Assurance Belgique resterait ainsi un grand assureur belge possédant un certain nombre de filiales à l'étranger. Par ailleurs, la Belgique participerait à hauteur de 3 milliards d'euros dans le portefeuille d'actifs toxiques détenu par Fortis Holding lequel, rappelons-le, perdrait la totalité de Fortis Banque. Mais lors de l'assemblée générale du 11 février qui se déroula dans un climat des plus émotionnel, une faible majorité (50,3%) rejeta cet accord, ce qui entraîne pour Fortis une nouvelle période d'incertitude. (Rédigé le 16 février 2009) christiaan berendsen |
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