Actualités
Arts plastiques
Les nombreux visages du ‘Rijksmuseum’ (1800-2000)
Le Rijksmuseum d'Amsterdam est un monument, un trésor monolithique qui fait mine d'avoir toujours existé et d'être promis à l'éternité. Il y eut pourtant un monde et une époque sans Rijksmuseum... Les premiers projets le concernant mûrirent il y a deux cents ans seulement, lorsque l'idée d'un État unitaire national commença à prendre forme aux Pays-Bas. Mais en quelque endroit que fût réunie cette collection nationale, et indépendamment de son extension et de la différenciation de son contenu, il importait de réfléchir à chaque fois à la fonction de l'ensemble.
Tout commença lorsque le ministre des Finances de la République batave, Isaac Gogel, conçut l'idée de créer, ‘dans l'intérêt du pays’, un musée national. Les Français, qui avaient envahi le pays en 1795 et mis fin à l'Ancien Régime, avaient emporté à Paris une partie considérable des collections du stadhouder. Ce qui était resté sur place servit de base à la création de la Nationale Konst Gallerij (Galerie d'art nationale) aménagée dans la Huis ten Bosch (Maison ten Bosch) à La Haye, l'actuel palais de la reine Beatrix. Objets d'art et objets historiques se cotoyaient, l'objectif étant multiple: élever le niveau moral du public néerlandais par la voie d'oeuvres d'art édifiantes et promouvoir le bon goût afin de relever le niveau culturel. En outre, la manière d'organiser et d'exposer pouvait aussi servir d'exemple aux artistes contemporains. Cinq ans après, la Gallerij déménagea à la Buitenhof (Cour extérieure), à La Haye, puis, après trois ans, sous Louis Bonaparte, roi de Hollande de 1806 à 1810, à l'hôtel de ville d'Amsterdam, sur le Dam, l'actuel Palais royal. Là, l'accent fut mis davantage sur l'art que sur l'histoire nationale. En 1817, la collection entre-temps agrandie trouva refuge à la Trippenhuis, un palais municipal datant du xviie siècle. C'est là que l'on procéda à un tri en fonction du contenu. Les objets historiques déménagèrent au Koninklijk Kabinet van Zeldzaamheden (Cabinet royal de curiosités), au Mauritshuis, à La Haye, les tableaux
datant du xixe siècle furent accrochés au Paviljoen Welgelegen (Pavillon Bien situé) à Haarlem.
Sous le roi Guillaume Ier (1813-1840), il y eut un nombre considérable d'acquisitions, y compris d'objets d'art internationaux. Toutefois, c'était surtout l'art hollandais qui retenait l'attention et était très apprécié.
Sous le roi Guillaume II, qui était lui-même un collectionneur acharné, le nombre d'acquisitions baissa nettement. En cette époque de politique libérale, le gouvernement estimait inopportunes des dépenses destinées aux musées nationaux. Ce devait être là une mission réservée aux particuliers, non aux autorités. Mais hélas, c'est précisément à cette époque que les collectionneurs d'art néerlandais se mirent à liquider à tout-va. En réalité, à cette époque, le musée allait à vau-l'eau. Il ne subsistait plus grand-chose des préoccupations éducatives, et c'étaient surtout des étrangers qui venaient admirer respectueusement les nombreux maîtres de l'École hollandaise. Théophile Thoré, par exemple, aspirait en 1860 à un ‘Louvre de la Hollande’, à un palais central où seraient exposées les principales collections d'art. ‘Quelle fête pour les artistes! Quel enseignement pour l'histoire de l'art!’ L'état déplorable de la Trippenhuis ainsi que l'abandon dans lequel se trouvait le patrimoine culturel national en général inquiétaient certes la bourgeoisie néerlandaise, mais ses projets et idées s'embourbaient dans des initiatives inopérantes. Les choses ne commençèrent à bouger qu'après qu'un fonctionnaire énergique, Victor de Stuers, eut publié, en 1873, son ouvrage Holland op zijn smalst (La Hollande en toute mesquinerie),