pour une variante flamande plus sensorielle. Bien davantage que Claus, il sut se libérer d'une rythmicité systématique et opta par exemple dans De kermis te Machelen pour une expression agitée et variée. Dans ses vues panoramiques à horizon bas, l'homme et la nature se fondent en un seul paysage harmonieux. Jouissant d'un mariage heureux avec l'artiste Hélène Sonck, Modest Huys connut la gloire entre 1910 et 1914, sa période la plus productive. Des tableaux tels que De Gulden Stroom (Le fleuve d'or, 1912) ou De Oogst- en Korenkoningin (La reine de la récolte et du blé, 1913), gagnèrent en symbolique. Lorsque éclata la guerre, Huys comme d'autres peintres flamands se réfugia aux Pays-Bas, mais dès 1915 il revint à Sint-Baafs-Vijve où il aménagea une ferme en atelier. Les entraves à la liberté de circulation valurent à Huys des problèmes avec les Allemands: il dut se contenter de contacts avec des compatriotes tels que les écrivains Hugo Verriest (1840-1922) et Stijn Streuvels (1871-1969). Avec la guerre débuta une période de recherche. En effet, il renonça à sa palette traditionnelle de rose, de lilas et de mauve. Avec Cypressen (Les Cyprès, 1916) la technique de Huys évolua vers une expression plus grossière et anguleuse, soulignée de sombres coloris bruns et ocres. Son coup de pinceau s'activa au point de s'apparenter de plus en plus à la peinture pré-expressionniste de Van Gogh.
Après la guerre, Huys parcourut la région dévastée du front, d'Ypres à Dixmude en passant par Nieuport: il y peignit une soixantaine de vues de ruines qui eurent pour lui l'effet d'une purification. Ces tableaux furent très peu présentés et c'est seulement après la mort de Modest en 1932, lorsque Hélène Huys-Sonck l'autorisa, qu'ils furent exposés dans le cadre du Gentse Kunst- en Letterkring (Cercle des arts et des lettres de Gand). Après la guerre, Huys décida de s'établir à Wakken (Flandre-Occidentale); plus tard, il construisit à Zulte, sur les bords de la Lys, la villa Zonnehuys qu'il occupa en 1926. Il continua à exposer à Gand, Pittsburgh et Paris où il obtint en 1926 une médaille de bronze au Salon des artistes français. Dans les années 20, son thème favori demeura la liniculture mais les dernières traces du luminisme d'avant-guerre disparurent presque complètement. En effet, Huys ne restait pas aveugle à la profonde évolution artistique de son temps. Le mouvement Sélection était en plein essor et les oeuvres des expressionnistes flamands Gust de Smet (1877-1943) ou Permeke (1886-1952) suscitaient un vif intérêt. Dans ces années 20, Huys, pas plus que Claus, Montigny ou d'autres luministes belges, n'avait les faveurs de la presse artistique progressive. Il s'agissait presque d'une campagne de dénigrement à l'égard de l'impressionnisme. La riposte de Huys aux expressionnistes se traduisit par une composition plus construite, des contours plus lourds, des couleurs terre naturelles et une simplification de la forme comme dans Het oogstfeest rond de molen (Fête de la moisson autour du moulin, 1928) ou De sleepboot (Le remorqueur).
Aussi conviendrait-il de qualifier Modest Huys de ‘luministe expressionniste’. A l'époque, ses contacts d'avant-guerre avec des artistes, des littérateurs et des critiques s'effritaient. Huys qui ne brillait pas par la persévérance et préférait se confiner dans la tiédeur des événements artistiques, éprouvait à présent de l'aigreur pour tout ce microcosme artistique. La multiplicité de ses oeuvres (environ 2000 tableaux) et leur agrément valaient à Huys les critiques impitoyables des frères Haesaerts qui dans leur oeuvre standard Flandre. L'impressionnisme n'hésitaient pas à parler de ‘séries décevantes de toiles uniformes, manquant de personnalité et de qualité intrinsèque, sur lesquelles le temps finira par passer l'éponge’. Éreintage que les prix de vente des oeuvres de Modest Huys pratiqués sur le marché de l'art, de son vivant mais surtout après sa mort en 1932, contredisent toutefois formellement
Lieven Defour
(Tr. D. d'Haese)