demi-mondaine inspirée de Blankenberge), il affichait ‘une confiance illimitée dans le pouvoir politique pacifiste de la haute finance internationale’. Dans toute son oeuvre, Brulez s'est fait l'observateur et le chroniqueur ironique et sceptique d'un monde disparu.
We're off for France, proclamaient les soldats britanniques en 1914, l'année de tous les dangers. Mais beaucoup d'entre eux échouèrent dans la boue des Flandres. La même mésaventure advint à L.F. Céline (1894-1961) qui, le 27 octobre 1914, fut blessé près de Poelkapelle en Flandre-Occidentale, mais qui avait suffisamment vu la nuit pour y voyager jusqu'au bout de sa vie.
Deux jours plus tard, le 169e régiment d'infanterie bavarois reçut son baptême du feu en Flandre. Parmi les soldats se trouvait Adolf Hitler, peintre médiocre qui ne finirait la guerre que pour déclencher celle qui y ferait suite.
Si, effectivement, la ‘Grande Guerre’ ne s'est pas révélée la plus grande, elle reste tout de même celle qui, jusqu'à ce jour, a assombri notre siècle. Elle s'éloigne, se fond de nouveau dans l'histoire et devient historique. Les derniers témoins oculaires disparaissent. Le 17 février 1998 mourut, à l'âge de 102 ans, Ernst Jünger, parti à la guerre en 1914, plein d'enthousiasme juvénile. Quatorze fois blessé en Flandre et en France, il obtint à la fin des hostilités Pour le Mérite, la plus haute distinction allemande. Lors de la deuxième guerre mondiale, il fut, en qualité d'officier chargé des relations culturelles, attaché au commandement militaire allemand à Paris. Dans son journal, cet aristocrate francophile rendait compte de la vie artistique dans la ville occupée où il rencontra, entre autres, Picasso, Sacha Guitry, Cocteau, Jouhandeau, Léautaud et... Céline. Après la guerre, il se retira dans son oeuvre et survivrait à tout et à tous. Retranché du monde de son plein gré, il reçut l'hommage de Helmut Kohl et de François Mitterrand. Dans Orages d'acier (In Stahlgewittern, 1920), Jünger décrit la guerre avec une distanciation non exempte de passion, la définissant comme une gigantesque bataille de matériel (Materialschlacht) où l'individu est contraint d'explorer des voies nouvelles pour se distinguer.
Et, de fait, les képis des soldats belges ne verraient pas la fin de la guerre, les lances des uhlans allemands non plus. Les soldats français seraient les premiers à porter des casques en acier. Les charrettes tirées par des chiens furent remplacées par des chars et la baïonnette entra en concurrence avec les émanations de l'ypérite. Maurice Gauchez (1884-1957) y consacra un poème macabre.
Pour la première fois, on se mit à attaquer des espaces au lieu de tirer sur des hommes, remarquait Jünger. La guerre, commencée avec chevalerie désinvolte, finirait en carnage abstrait, lent et méthodique.
Mais Jünger n'était pas le seul à être parti à la guerre avec jubilation. L'Anglais Julian Grenfell, ancien élève d'Eton et d'Oxford, écrivait dans une lettre à ses parents: ‘I adore war. It's just like a big picnic without the objectlessness of a picnic.’ (J'adore la guerre. Elle ressemble à un énorme pique-nique mais, à la différence de celui-ci, elle n'est pas sans enjeu). André Maurois (1885-1967), officier de liaison dans une division écossaise, découvrit que la