Hanny Michaelis (o1922) (Photo Klaas Koppe).
temps / nous portons des coquilles d'oeuf / jusqu'au bord remplies de larmes’), la poétesse trouve progressivement un modus vivendi pour faire face à et apprendre à vivre avec l'incomplétude humaine. Ce n'est pas à tort qu'une essayiste la désignait comme une représentante de ‘la grande mélancolie’ parmi les poétesses, mais il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'une mélancolie qui plonge l'individu dans l'inertie.
Frappants dans tous les moments émotionnels négatifs et dépressifs sont le désir incessant d'accepter la vie ainsi que la tentative de faire face à l'impuissance. Le poème Een lied voor mezelf op de wijze van het menselijk tekort (Une chanson pour moi-même sur l'air de l'incomplétude humaine) est caractéristique de cette conception de la vie quelque peu ironique, qui évoque la rareté d'un jour de bonheur pour se terminer par les lignes amèrement énergiques: ‘Aussi, va-t'en, plonge ton nez / dans le vent ou dans les livres, / sois bien luné ou pends-toi, / mais ne te multiplie pas’.
C'est cette espèce de scepticisme sensible qui a valu à Michaelis une place définitive dans les lettres néerlandaises. Son credo du ‘parler intime’ face à l'emphase de beaucoup d'autre poésie se rallie à un courant des lettres néerlandaises qui s'est manifesté dans les années 60 et 70 et que l'on a qualifié de ‘poésie du petit bonheur’, avec cette restriction que Michaelis prend souvent à son compte le côté malheureux de ce bonheur.
La distance ironique qu'elle prend par rapport à ses propres illusions romantiques n'empêche aucunement la poétesse d'adopter une attitude également, et précisément, vulnérable. La poésie amoureuse occupe une place considérable dans son oeuvre, mais il est toujours manifeste que le désir ne trouve pas son accomplissement. Par ailleurs, l'égoïsme foncier de l'amour se lit aussi dans ces vers, par exemple dans le recueil De rots van Gibraltar (Le rocher de Gibraltar), au sujet d'un chat câlin: ‘Il était plus gentil pour nous / que nous l'un pour l'autre, mais il est vrai / que lui n'avait rien à perdre’. Il est question, en un certain sens, d'une approche quelque peu rude des doux sentiments pour les voir dans la perspective qui convient.
Toutes ces caractéristiques font que la poésie de Michaelis est très chargée sur le plan psychologique. Que la poétesse se serve dans ses vers du simple langage parlé, plein d'euphémismes et d'ironie, n'y change absolument rien. C'est pourtant probablement à son langage, éminemment représentatif d'une réaction littéraire à la poésie exubérante des poètes de ‘la génération de Cinquante’, avec leurs associations ‘sauvages’, qu'elle doit sa réputation auprès du public. Tout en jouant la sobriété verbale, Michaelis démontre elle-même que les mots sont ‘un délice douteux’ dont on doit pourtant se servir par la force des choses.
Ce dernier aspect semble également valable pour les sentiments mêmes: d'une part, ceux-ci s'imposent à l'être humain et l'influencent, et, d'autre part, on doit apprendre à les relativiser. Dans ses poèmes ultérieurs, les sempiternelles ‘mauvaises herbes du doute’ semblent se transformer en une réconciliation résignée avec