A l'occasion de la vingt-cinquième année
L'exemple de Vermeer...
Aucun tableau ne m'émerveille davantage que la Femme en jaune écrivant une lettre, peint au xviie siècle par le maître de Delft, Johannes Vermeer. L'intimité, le calme, la réserve et l'équilibre que respire cette oeuvre, lui confèrent une sublime pérennité.
La jeune femme pose sur le spectateur un regard à la fois attentif et bienveillant. Nulle trace d'agressivité, nulle imperfection n'altèrent son beau visage. Elle apparaît telle qu'elle est, dans toute sa candeur. Bien qu'elle ait été interrompue dans son travail, ses traits, son maintien n'accusent ni frayeur ni déplaisir.
On la devine tout occupée à tracer des mots destinés à un être cher. Le destinataire, l'esprit en éveil, lira son message et apprendra ainsi à mieux la connaître. La jeune femme semble habitée par la certitude tranquille que chaque mot est porteur de vérité pour autant qu'il jaillisse d'un coeur pur. Dans la pièce plongée dans la pénombre, où dominent les bruns, les ocres et les jaunes, les bruits venant de l'extérieur ne pénètrent pas. Cependant, le tableau n'a rien d'éthéré. Avec maestria, Vermeer a réussi à suggérer, dans toute sa plénitude, le mystère de la fragilité de l'existence.
Mais cette Femme en jaune écrivant une lettre est également une oeuvre d'art susceptible de symboliser le besoin humain de contact et de compréhension. En effet, celui qui écrit une lettre ne s'isole pas de ses semblables mais cherche, au contraire, à être lu par un destinataire.
Il en va de même pour une communauté culturelle. Elle non plus ne saurait se suffire à elle-même. Il lui arrive de chercher, par le biais d'une revue, le contact avec autrui. En s'exprimant dans la langue de la communauté à laquelle elle s'adresse, elle se rend plus accessible. L'information et le vécu se transmettent plus aisément, favorisant ainsi une perception plus nette et une meilleure compréhension. Tout cela contribue à rendre le monde plus vivable.
C'est dans ce sens que la revue Septentrion, depuis vingt-cinq ans déjà, peut être considérée comme une longue lettre périodique dans laquelle les néerlandophones informent les francophones sur les arts et la culture de Flandre et des Pays-Bas. La revue présente également des articles et des considérations sur le large éventail de contacts féconds existant entre la francophonie et la communauté néerlandophone.
Les yeux fixés sur l'exemple serein que nous offre la Femme en jaune écrivant une lettre, nous entendons poursuivre nos efforts pour faire de Septentrion un lieu de rencontre convivial, fondé sur l'ouverture et sur la tolérance.
JOZEF DELEU
Rédacteur en chef de ‘Septentrion’.
Administrateur délégué de la fondation flamando-néerlandaise ‘Stichting Ons Erfdeel’.