sur les points d'appui de la mesure alors que ceci est précisément exclu dans le cas du contrepoint atonal.
A côté des prescriptions propres à une grammaire prédominante (mode, tonalité, polytonalité, atonalité, etc.), on peut nommer quelques critères généraux qui semblent communs au contrepoint de pratiquement toutes les époques, tous les styles et tous les systèmes musicaux. Presque tous ces critères visent à une définition et une équivalence plus grandes des différentes voix. A cette fin, une première condition est requise: les mélodies dans leur ensemble ne doivent pas avoir le même déroulement linéaire mais doivent progresser ‘en mouvement contraire’: quand une voix monte tandis que l'autre descend, la chance est beaucoup plus grande qu'on les perçoive comme deux mélodies indépendantes et d'égale valeur que lorsqu'une des voix - servile comme un petit chien - suit de près les contours mélodiques de l'autre voix. Pour la même raison, un rythme différent de voix est une constante dans le cas du contrepoint efficient. De plus, chaque voix doit être construite comme une mélodie fluide et achevée. Il ressort de tout cela combien la musique peut être en fin de compte riche et intense. Quand au cours d'une réunion, diverses personnes prennent la parole en même temps, nous sommes confrontés à une forme d'impolitesse caractérisée; et qui plus est, l'ensemble devient incompréhensible. En revanche, si nous avons affaire à un intéressant contrepoint, chaque ‘voix’ a quelque chose de valable à dire et la combinaison de ces voix donne un résultat compréhensible. De ce fait même naît de surcroît une nouvelle signification musicale, une dimension supplémentaire: le contrepoint est dans sa totalité plus
que la somme des éléments.
A quels problèmes se trouve confronté le compositeur du xxe siècle - en l'occurrence Rafaël D'Haene - lorsqu'il veut recourir au contrepoint? Cette question porte essentiellement sur l'organisation du matériau tonal. Depuis le début de ce siècle, il n'existe plus en effet de langue qui vaudrait également pour tous les compositeurs (comme la tonalité au xviiie siècle). En conséquence, le compositeur qui s'adonne à la musique ‘sérieuse’ se voit contraint de reprendre tout à zéro: pour chaque nouvelle composition, il doit s'ingénier à créer un lien entre les sons sans pour autant se raccrocher à un ordre préexistant.
Par le truchement de sa technique contrapuntique, Rafaël D'Haene a réussi à développer un tel langage musical hautement personnalisé. Dans son essence, sa méthode de travail consiste à tirer d'un minimum de matériaux le maximum de musique. Ce qui revient à dire qu'il n'utilise que quelques motifs de base en ce qui a trait à la dimension horizontale, mélodique du contrepoint. La monotonie n'est pas pour autant le produit de cette démarche car ces motifs peuvent se présenter sous toutes sortes d'aspects. On aboutit bien plutôt à une solide cohérence: tout ce qui est écrit paraît être le fruit d'un seul et même germe. Ceci vaut également pour l'aspect vertical, harmonique du contrepoint de Rafaël D'Haene. Certains estiment que les accords dans le contrepoint atonal sont par définition dénués de sens; ils ne seraient que le résultat fortuit des mélodies superposées. Ce point de vue ne peut être soutenu ici. La musique de Rafaël D'Haene présente, sur les temps ‘forts’, accentués de la mesure, des accords qui ne sont pas du tout construits arbitrairement et qu'un vigoureux lien harmonique lie l'un à l'autre. En principe, il est possible de construire