Adieu Sadi
A l'endroit même où, de 1978 à 1994 sans discontinuer, Septentrion accueillit ta brillante Chronique, je tiens à te dire adieu, sachant bien que les mots cernent difficilement des sentiments tels que l'admiration, l'amitié et la gratitude.
Nos premières rencontres datent du début des années 70, au moment où tu étais encore en pleine activité, dirigeant, avec le talent que l'on sait, l'Institut Néerlandais de Paris. L'initiative audacieuse que constituait alors le lancement de Septentrion t'avait tout de suite séduit, sans doute parce que tu avais été toi-même, vingt-cinq ans d'affilée, le rédacteur en chef et l'éditeur des Nouvelles de Hollande.
La jeune revue Septentrion put profiter pleinement de tes suggestions et de ta précieuse collaboration. Au fil des années, tu allais devenir son conseiller le plus fidèle. Ton amitié n'émoussait nullement ton sens critique et tes exigences en matière de qualité. Au contraire. A mesure que tu te sentais plus concerné par la revue, tu te mettais à la lire d'un oeil plus attentif et plus critique. La mise en pages, le contenu, la langue et le style, bref, tout ce qui touche au premier chef la rédaction et l'édition d'une revue retenait tout ton intérêt.
A côté de cela, tu étais, en tant qu'écrivain, un de nos meilleurs collaborateurs, ce que ne démentiront pas les nombreux lecteurs enthousiastes de ta Chronique. Le poète que tu étais ne cessait jamais d'être rebelle, le rebelle en toi restait toujours poète:
En ai-je eu de la tendresse
pour cette chienne de vie
dont j'attendais merveille
En hommage pour tout ce que, durant tant d'années, tu as apporté aux lecteurs, aux collaborateurs et à la rédaction de Septentrion, nous publions ci-après un de tes poèmes ainsi que ta traduction d'un poème du Néerlandais Hans Andreus où l'incapacité de l'homme à percer le mystère de la vie et de la mort est suggérée de façon sublime: ‘seul le ciel sait vers quel destin’.
Dans son roman La Douane de Mer (1993), Jean d'Ormesson écrit: ‘L'être avec qui on meurt est aussi important que l'être de qui on naît’. Ta tendre et intelligente épouse, Gisèle, a été ta compagne au long de ta riche existence, jusqu'à l'ultime adieu. Avec elle, j'espère pouvoir continuer à cultiver, comme un souvenir pieux, une amitié qui nous a liés tant d'années.
Adieu, cher Sadi.
JOZEF DELEU
Rédacteur en chef.