originales, auxquelles même ses contemporains ne sont pas restés insensibles, ainsi que par son élégante flèche du nord. Les travaux de construction de l'église gothique commencèrent vers le milieu du xive siècle à l'emplacement de l'église romane existante par le déambulatoire et les chapelles. Puis furent réalisés le vaisseau central et ses six nefs collatérales, qui constituent un ensemble unique, et la croisée du transept. Les travaux se poursuivirent jusqu'en 1521. Puis, Charles Quint posa la première pierre d'un sanctuaire plus vaste encore. Les ébauches du pourtour du choeur qui ont été conservées sont les témoins silencieux d'un rêve évanoui, de la fin d'une époque. Depuis, on n'a plus construit, mais on n'a cessé d'embellir, d'adapter et de restaurer. Il y eut également des destructions. La cathédrale survécut à peine à deux iconoclasties et à la domination française. Sa dernière grande période, elle la connut à l'époque du néogothique. Elle fut ‘restaurée et embellie conformément aux exigences et normes du néogothique florissant qui prédominait à l'époque’ comme l'écrivit l'historien anversois Floris Prims (1882-1945). W.H. Vroom, qui étudia le financement de l'église, écrit: ‘Au niveau européen, la construction de l'église était l'une des entreprises religieuses les plus prestigieuses du xve et du début du xvie siècle.’
La monographie est bien plus passionnante encore si on ne la lit pas comme le récit individuel d'un édifice et de ses institutions, mais si derrière cette histoire locale on cherche à déceler le compte rendu d'une aventure humaine universelle, par la voie de laquelle l'homme s'efforce de dépasser ses limites et de surmonter son insignifiance dans ce gigantesque acte de construction, qui, en première instance, ne se réfère qu'à luimême - tout bâtiment est une tour de Babel - mais qui, dans toutes les manifestations divergentes qui encadrent et accompagnent un monument de ce genre, depuis le rite jusqu'à la réalisation d'interminables séries d'oeuvres d'art, est toujours en quête de la possibilité d'une image propre de l'homme, fût-ce sous le couvert d'une image de Dieu.
Considérées dans cette perspective universelle, trop souvent perdue de vue dans l'approche sous l'angle de l'histoire de l'art, les dates, anecdotes et figures s'éclairent d'une manière différente et, graĉe à leur présence actuelle, acquièrent une signification réelle. Vues sous cet angle, elles ne deviennent pas équivalentes, mais on peut effectivement les comparer entre elles. Feuilleté, regardé et lu dans cet esprit-là, cet ouvrage somptueusement illustré renvoie, par-delà lui-même, à la réalité de l'édifice tel qu'enfin il resplendit à nouveau. Les restaurations auxquelles il a été procédé soulèveront forcément des polémiques, et c'est une bonne chose. Mais l'édifice, le monument, est toujours là et demeurera un inéluctable défi pour notre pensée.
Geert Bekaert
(Tr. W. Devos)
willem aerts (dir.), La cathédrale Notre-Dame d'Anvers, Fonds Mercator, Anvers, 1993, 427 p.