Hardy, avant que le comique surréaliste de Buster Keaton ne l'attire irrésistiblement.
Très tôt, Seunke fit preuve d'esprit d'initiative. Dès qu'il entendait parler d'un tournage, il se précipitait sur place. Il ne se montrait pas vraiment communicatif, mais ses yeux et ses oreilles enregistraient tout. Ses études secondaires à peine terminées, il se présenta à l'examen d'entrée à l'académie du cinéma, qu'il réussit brillamment grâce à la qualité de son travail - des dessins et un clip musical en super 8 d'après une chanson de Bob Dylan - mais surtout par sa force de persuasion verbale. A l'académie, en 1971, il se révélera d'emblée un étudiant plein d'idées et assoiffé de connaissances. Plaçant la technique par-dessus tout, il clame que ‘le métier est la base de l'art’, une maxime qu'il professe aujourd'hui encore.
Pendant son année de stage, au lieu de chercher sagement un emploi, il s'empressa de réaliser quelques courts métrages, principalement à partir de ‘chutes’ qu'il avait reçues ou découvertes, et en effectuant ses montages à l'académie sans bourse délier. Jaakko Morttala (1974) allait être diffusé par la télévision aux Pays-Bas et en Finlande, de même que Twisk et Bison (1975). Avec des condisciples, Seunke fonda une petite maison de production, qui s'appellerait Twisk puis Maya Produkties. Il était courant, dans les années 70, que d'anciens étudiants en cinéma se lançassent dans l'aventure professionnelle en se groupant en petits collectifs où ils concevaient, produisaient et réalisaient leurs propres films.
En 1975, Seunke présenta comme travail de fin d'études Altijd wat anders (Toujours du neuf), qui eut également très vite les honneurs de la télévision. La fortune se remettait à lui sourire. Le producteur Matthijs van Heijningen, l'homme qui avait su précédemment éviter l'écueil financier du long métrage de fiction en montant bout à bout quatre courts métrages pour constituer la matière d'une vraie soirée cinéma, produisit un second film à épisodes intitulé Alle dagen feest (C'est tous les jours la fête). Le court métrage qui donnait son titre à l'ensemble avait été réalisé par Ate de Jong sur un scénario de Guus Luyters d'après le livre du même titre de Remco Campert (o1929). Otto Jongerius était le réalisateur de l'épisode Hoe ik mijn verjaardag vierde (Comment j'ai fêté mon anniversaire), tandis que le peintre-cinéaste Paul de Lussanet était l'auteur de Op Reis (En voyage). Mais ce fut la partie tournée par Orlow Seunke, Een ellendige nietsnut (Un sacré propre à rien) qui emporta les suffrages de la critique.
C'était le début d'une irrésistible ascension. Les productions allaient se succéder à une cadence inhabituelle pour les Pays-Bas, avec le documentaire Gombrowicz, le court métrage de fiction Prettig weekend, Meneer Meier (Bon week-end, Monsieur Meier) - oeuvre envoyée au prix Italia -, un autre documentaire Het begin (Le commencement) consacré à la grand-maman de l'auteur et à l'ami de celle-ci, et une série de petites histoires où l'on rit aux dépens de Pim, personnage godiche incarné par Seunke lui-même.
Son étonnante direction d'acteurs dans tous les courts métrages faisait que les personnages de Seunke évoluaient avec un naturel remarquable. Son humour, largement inspiré de Buster Keaton, et la facilité inventive qui animait ses récits les plus anodins apportaient une bienfaisante fraîcheur au milieu des ‘chefs-d'oeuvre’ que se targuaient de produire maints ‘artistes’ de l'époque.
Pour Seunke, ce qui importe avant tout, c'est de raconter une histoire. Il déplore le souverain mépris que bien des Néerlandais professent à l'égard de conteurs comme Jan de Hartog (o1914), qu'il persiste à estimer supérieur à ces littérateurs en mal de déballage de leur ego. L'énumération de ses metteurs en scène préférés est assez révélatrice: si Alfred Hitchcock, David Lean, Steven Spielberg, Francis Ford Coppola et Martin Scorsese ont la cote auprès de Seunke, c'est parce que ces grands professionnels mettent un point d'honneur à faire plaisir à leurs spectateurs.
Orlow Seunke lui-même choisit rarement la voie la plus facile lorsqu'il cherche à faire passer ses émotions. Pour tourner Pervola, son deuxième long métrage de fiction, il a emmené tout son monde à l'extrémité nord de la Norvège. C'est là, à Pervola précisément, par une température de plusieurs degrés sous zéro, que les deux acteurs principaux Gerard Thoolen et Bram van der Vlugt ont stoïquement tenu le rôle des deux frères qui, accomplissant la dernière volonté de