August de Schryver (1898-1991), le dernier homme d'État belge de la génération d'avant-guerre
Le 5 mars 1991, August de Schryver est décédé à l'âge de 93 ans à Gand. Avec lui disparaît le dernier grand homme d'État belge de la génération d'avant-guerre. Il était le type même du serviteur de l'État et du peuple, homme pur et intègre, distingué et éclectique, qui, la mission accomplie, se retire discrètement et dignement. Né à Gand, le 16 mai 1898, dans une famille de commerçants aisés, il a combattu comme volontaire au front de l'Yser au cours de la première guerre mondiale. En 1918, il entame les études de droit, puis, après deux années à la London School of Economics, s'établit comme avocat. Par son mariage avec la fille d'un industriel, qui lui donnerait dix enfants, il fut associé à la direction d'une importante entreprise métallurgique. Sensibilisé aux problèmes causés par le retard de la communauté flamande et animé d'un profond sentiment social, il adhéra au parti catholique, qui avait besoin d'hommes politiques capables de concilier les besoins des entreprises et les aspirations du mouvement ouvrier. En 1928, il fut élu député pour l'arrondissement de Gand, mandat qu'il occuperait jusqu'en 1965.
Dans les années 30, il fut successivement ministre de l'Agriculture, de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires économiques. Après la capitulation de l'armée belge en mai 1940, il suivit le gouvernement dans sa fuite en France, tout en adoptant initialement une attitude expectative. Il refusa d'assister à la séance parlementaire de Limoges, où la réputation du roi Léopold fut flétrie par les Chambres réunies. Après avoir séjourné pendant plus de deux ans dans la France non occupée, loin de sa famille demeurée à Gand, il passa en Grande-Bretagne en juillet 1942, où il occupa de nouveau des fonctions ministérielles au sein du gouvernement belge en exil et fut notamment chargé de la préparation de l'administration dans le pays libéré. En février 1945, cinq mois après le retour du gouvernement à Bruxelles, il quitta celui-ci pour diriger le
Christelijke Volkspartij (Parti social-chrétien) nouvellement créé, qui représentait la famille politique la plus importante du pays. Il le présida jusqu'en 1949 et joua simultanément un rôle de premier plan au niveau international, notamment en sa qualité de chef de la délégation belge à la conférence au cours de laquelle fut fondée l'Organisation des nations unies. Il fut également le président de l'Internationale des partis démocrates-chrétiens. En 1948, il fut nommé ministre d'État et devint
August de Schryver (1898-1991).
membre du Conseil de la couronne.
Lors de la question royale, il exerça une influence modératrice. ‘Londonien’, il était proche de l'ancien Premier ministre Hubert Pierlot (1883-1963), cible des royalistes. Monarchiste convaincu, il comprenait également les arguments des léopoldistes. Il démissionna comme président du parti avant même le dénouement de la question royale. Il continua à oeuvrer en faveur de la conciliation, ce qu'il ferait également, par la suite, lors de la question scolaire.
En 1959, il occupait encore le devant de la scène lorsqu'il accepta, dans des circonstances particulièrement ingrates, la succession du ministre du Congo, Maurits van Hemelryck, dans une tentative - inutile - de sortir de l'impasse le dossier empoisonné de la décolonisation. Lorsqu'en juillet 1960 le Congo indépendant sombra dans le chaos après quelques jours à peine, le kamikaze De Schryver devint le bouc émissaire aux yeux de l'opinion publique. C'était une attitude profondément injuste, mais De Schryver refusa de mettre les vrais coupables dans l'embarras. Il démissionna comme ministre en septembre 1960 et quitta définitivement le milieu parlementaire en 1965. De jeunes politiques ont toujours pu solliciter ses avis empreints de sagesse.
Tout au long de sa vie, De