élargi aux matières dites ‘personnalisables’ telles que l'accueil social aussi bien des petits enfants que des personnes âgées, l'accueil des immigrés, les institutions sociales, les soins dispensés aux malades, et surtout, depuis 1988, l'enseignement.
L'enseignement avait initialement été exclu du dossier de l'autonomie culturelle en raison des antagonismes typiquement belges. Il a fallu attendre le volet de la troisième réforme de l'État qui a pu être adoptée en 1988. Une percée s'avéra soudain possible dans un débat particulièrement délicat sur le plan politique. Il en résulte que Flamands et francophones sont dorénavant responsables à part entière de leurs enseignements respectifs, depuis la crèche jusqu'à l'université. Les méthodes pédagogiques, qui enseigne et pendant combien de temps, le nombre d'élèves par classe, bref, tout se dont s'occupait jusqu'alors l'État belge est devenu une préoccupation quotidienne pour la Flandre et les francophones. Ainsi, en Flandre, l'ancien enseignement d'État, dit désormais ‘enseignement communautaire’, n'est plus géré et dirigé, comme à l'époque de la bonne vieille Belgique unitaire, par un ministre aux allégeances politiques manifestes et qui de toute façon ne faisait que passer un temps plus ou moins long au département, mais par un conseil composé de manière pluraliste, l'
Algemene Raad voor het Gemeenschapsonderwis (ARGO - Conseil général de l'enseignement communautaire). La Belgique francophone, de son côté, compte même deux ministres compétents pour l'enseignement: un libre penseur et un catholique. Ces écoles communautaires flamandes seront bientôt dirigées chacune séparément par un conseil élu démocratiquement et composé de membres du personnel, de parents, de représentants de groupes socio-économiques et culturels locaux et, enfin, d'un directeur comme jadis.
En revanche, la distinction traditionnelle entre l'ancien enseignement d'État devenu communautaire
Gaston Eyskens (1905-1987), qui proposa ‘une Belgique nouvelle où les régions et les communautés auront la place à laquelle elles ont droit’.
et l'enseignement libre, c'est-à-dire principalement catholique, persiste.
Ce sont pourtant les francophones qui ont démontré de manière assez pénible qu'il n'existait plus d'enseignement belge mais bien un enseignement flamand à côté d'un enseignement francophone. A la fin de l'année scolaire 1989-90 et au début de l'année scolaire 1990-91, l'enseignement francophone fut en effet le théâtre d'un conflit social qui semble n'en pas finir. Les classes francophones sont demeurées closes pendant des semaines, mais l'enseignement en Flandre se tint hors du conflit, si ce n'est pour accueillir un certain nombre d'enfants francophones qui en avaient assez de la grève, qui s'annonçait de plus en plus longue. On ne put en outre mettre fin aux remous que lorsque les présidents des partis de la majorité francophones se substituèrent aux ministres francophones compétents, tout en promettant par ailleurs des moyens financiers supplémentaires... à puiser dans la caisse nationale. Toutefois, ce transfert nécessite l'assentiment de la Communauté flamande, faute de quoi chacun reste financièrement responsable de ses décisions. Les forces centrifuges continuent donc à produire leurs effets, de sorte que la Belgique semble en effet bel et bien en route vers une structure nouvelle, fédérale.
Dix ans de Vlaamse Raad, de Parlement flamand donc, représentent autant d'années d'autonomie flamande croissante. En réalité, cela fait déjà vingt ans: le premier Parlement flamand que fut le Conseil culturel, élabora - entre 1970 et 1980, c'est-à-dire durant les première et deuxième réformes de l'État - une cinquantaine de décrets culturels assimilés à des lois. Certains d'entre eux, tels celui qui impose l'emploi de la langue néerlandaise dans les entreprises, suscita pendant plusieurs mois des contestations politiques séiieuses au niveau national. La mise en place de la régionalisation lors de la deuxième réforme de l'État de 1980 a forcément rendu inévitable un glissement en faveur des nouvelles compétences régionales. Une douzaine de lois flamandes concernant l'économie, autant portant sur la protection de l'environnement, cinq relatives à la politique foncière, autant sur l'organisation des pouvoirs locaux en Flandre, et il faut y ajouter encore quelques lois régissant le logement. L'économie et l'environnement constituent manifestement les priorités de dix ans de Vlaamse Raad.
Ce glissement, discret mais néanmoins très perceptible, de la compétence décisionnelle du gouvernement national vers les régions se ressent surtout au niveau des médias. Il faut que les excellences nationales soient confrontés à des prix pétroliers montant en flèche ou à une crise du Golfe pour qu'on leur consacre un peu d'attention et pour qu'ils puissent mobiliser la presse du côté de la rue de la Loi, qui demeure cependant toujours le centre nerveux de la vie politique belge. En pragmatiques qu'ils sont, les Flamands ont entretemps appris à vivre avec les nouvelles institutions telles que le Parlement flamand, sans se poser trop de questions. Que l'on aille au buieau en Flandre ou à Bruxelles, c'est et cela reste toujours une administration, et cela reste toujours Bruxelles, où la plus grande partie de l'administration flamande est sciemment concentrée.