dans
First Fictions. Introduction 9 (Premières fictions. Introduction 9, 1986) chez Faber & Faber? Elle est originaire de Strombeek-Bever, commune à caractère résidentiel dans la périphérie nord de Bruxelles. Son père est le directeur d'administration de l'information de l'institut public flamand de radiodiffusion et de télévision, parti récemment à la retraite; sa mère a encore entamé l'étude de la philologie classique à l'âge de soixante ans. Kristien Hemmerechts a étudié la philologie germanique, puis a passé un an à Amsterdam et une année et demie à Londres à des fins d'étude. En 1986, elle a présenté une thèse de doctorat consacrée à l'auteur anglais Jean Rhys. Elle a été assistante de littérature anglaise aux
Universitaire faculteiten Sint-Aloysius (Facultés universitaires Saint-Louis, autonomes flamandes) et enseigne actuellement l'anglais à une école supérieure d'économie de Bruxelles. Ayant reçu sa formation à une époque où la théorie narrative structuraliste de Greimas et consorts fournissait le modèle d'analyse et d'interprétation d'oeuvres littéraires, elle a, dans ses recherches, mis en rapport le divorce entre cette théorie et le déconstructionnisme de Derrida d'une part et l'approche féministe de la littérature d'autre part. La connaissance de la théorie et de la technique littéraires n'ont pas fait d'elle un auteur de prose académique expérimentale ou postmoderne. Dans sa prose, elle explore dans un style direct des expériences propres et celles de personnes de sa génération et de son sexe. Anna, la
protagoniste du roman
Een zuil van zout, incarne la mentalité de sa génération devenue adulte dans l'immédiat après 68 et qui cultivait son propre style de vie: à rebours mais sans révolte agressive. Anna est une femme excentrique et opiniâtre, réunissant en sa personne des qualités paradoxales: féminine et dure, imprévisible et tout de même fiable, seule mais pas solitaire. Le cycle fertilisation, grossesse et naissance constitue le thème central non seulement
Kristien Hemmerechts (o1955).
de son premier roman mais aussi des nouvelles et du roman couronné
Brede heupen. La famille sans père, une relation problématique entre des seours, le froid dans les relations homme-femme sont d'autres motifs qui reviennent régulièrement.
Brede heupen est un récit à tiroirs à la structure complexe et à la chronologie constamment variable, ce qui n'empêche aucunement que l'image de la protagoniste Loura acquièie des contours de plus en plus précis pour le lecteur. Celle-ci vit une relation compliquée à sa sueur Elza, de deux ans son aînée, belle et intelligente mais pas équilibrée, qui s'est retirée dans un silence dépressif et traumatique. Ce silence, dû probablement à la mort non acceptée du père, pèse lourdement sur Loura, sa mère et ses deux frères. Avec son amie Carla, infirmière décidée, Loura partage des souvenirs de jeunesse des camps avec les guides. Carla a un frère, Jasper, de six ans son aîné, étudiant en psychologie raté qui souffre d'une sérieuse maladie de la peau. Loura a cohabité avec lui et l'a quitté lorsqu'elle attendait un enfant de lui. Après la naissance de sa petite fille Edith, Loura va suivre un stage à Londres, où elle rencontre un Italien marié. Antonello Mela la considère presque comme sa fille et refuse dès lors de faire l'amour avec elle, parce qu'il le ressentirait comme un inceste. Au début du roman, Laura a une relation avec Vincent, dont elle est la secrétaire. Il s'agit d'une relation où le sexe et l'affection son totalement dissociés. A la fin du roman, Loura y met également fin, en dépit des insistances de Vincent.
Si Luce Irigaray définit l'écriture féminine comme la reproduition spontanée, imagée et associative de sentiments et le jeu avec des mots, le style de Hemmerechts se situe aux antipodes de cette définition. Dans ses récits et ses deux romans, elle laisse ses protagonistes féminins parler de manière maîtrisée, concise, lucide d'une condition humaine, qui se caractérise par la perte, l'adieu, l'impuissance et l'impossibilité. C'est de tout cela que Kristien Hemmerechts fait rapport dans ses écrits. ■
Joris Gerits
(Tr. W. Devos)