Les ‘Lettres brésiliennes’ d'August Willemsen
En 1983 le Martinus Nijhoffprijs voor vertalingen (Prix Martinus Nijhoff pour la traduction) fut attribué à l'auteur néerlandais August Willemsen (o1936). A peine une surprise, car depuis plusieurs années Willemsen était un candidat tout désigné. Ce n'étaient pas uniquement ses remarquables traductions de la littérature portugaise et brésilienne qui avaient attiré l'attention sur Willemsen, mais aussi le fait qu'il est bien plus qu'un simple traducteur: non seulement il traduit, mais il choisit luimême ses textes et les accompagne de postfaces aussi limpides qu'approfondies.
Grâce à cette heureuse conjonction, d'importants écrivains tels que Fernando Pessoa, Machado de Assis, Dalton Trevisan, João Guimarães Rosa et Carlos Drummond de Andrade furent introduits avec bonheur dans l'aire néerlandophone; quant aux littératures portugaise et brésilienne, elles y ont trouvé enfin une place.
Si la présence de la littérature lusophone aux Pays-Bas et en Flandre est due ainsi à un seul homme, il est tout aussi remarquable que l'intérêt de cet homme pour ce domaine linguistique soit, à son tour, dû à un seul livre: Os Sertões (1902) d'Euclides da Cunha (1866-1909). Dans cette oeuvre classique, quoique inclassable de la littérature brésilienne - essai, épopée, roman et bien plus encore - Da Cunha retrace, dans un style mouvementé, la guerre que le gouvernement brésilien a menée contre les adeptes du ‘Conselheiro’ (‘le Conseiller’), le chef charismatique aux allures de messie qui, vers la fin du siècle précédent, s'était retiré avec des milliers de sectateurs à Canudos, un endroit situé dans le Nord-Est du Brésil, région pauvre et aride, pour y attendre la fin imminente de ce bas monde.
Quelque part dans les années 50, Willemsen, qui à cette époque étudiait la musique, tomba sur l'adaptation néerlandaise d'Os Sertões, intitulée De binnenlanden (Les pays intérieurs). Le livre bouleversa sa vie: afin de mieux apprendre à connaître le monde fascinant évoqué dans ces pages et afin de pouvoir lire le livre dans sa version originale, il se décida à apprendre le portugais.
La longue histoire qui a suivi ce brusque coup de foudre pour ce pays lointain et exotique, se lit entre autres, dans les traductions et les essais dont nous parlions. En revanche, le récit sans fard de sa relation personnelle au Brésil doit être recherché dans les Braziliaanse brieven (Lettres brésiliennes, 1985) où Willemsen rend compte de ses quatre premiers séjours - assez longs - au Brésil: en 1967-68, en 1973, en 1979 et en 1984.
Comme le titre le laisse entendre, Lettres brésiliennes est un ouvrage épistolaire. Mais, Dieu merci, pas un ouvrage épistolaire comme les autres, dans lequel le lecteur est obligé de trouver son chemin à travers des formulations boiteuses et des détails insignifiants non destinés à la publication, avant de tomber sur les perles qui justifient l'entreprise. Willemsen a eu, au contraire, l'idée heureuse de retravailler à fond les nombreuses lettres qu'il avait envoyées à ceux qui lui étaient chers aux Pays-Bas: tous les destinataires ont été condensés en une seule personne - un certain Paul -, l'information superflue a été biffée et les défauts stylistiques amendés.
C'est probablement grâce à ce procédé que Lettres brésiliennes est devenu non seulement un livre excellemment écrit, mais aussi un livre ‘direct’, gorgé de premières impressions, plein de sang, de sueur et de larmes.
Bien entendu, Lettres brésiliennes traite du Brésil, ce pays énorme, chaud et exotique qui,