Septentrion. Jaargang 19
(1990)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdPhilosophieLa philosophie appliquée aux Pays-BasForce est de reconnaître que des philosophes ont plus d'une fois contribué à renforcer le préjugé tenace que la philosophie serait une affaire étrangère au monde, une discipline de pensée qui se pencherait sur des questions situées à mille lieues des préoccupations quotidiennes de l'être humain. Cette caractéristique - indépendamment du comportement parfois insolite de quelques philosophes - est cependant trompeuse, puisque cette forme de réflexion qui ne semble guère toucher les gens dans leurs faits et gestes a le plus souvent trait aux implications directes de ce qu'ils font ou ne font pas dans leur vie quotidienne. La philosophie formule des questions sur les conditions nécessaires du penser et du connaître, du vouloir, du désir et de l'appréciation, de l'expérience du bien, du mal et du sens cosmique. Ce dont s'occupe la philosophie est en principe très proche de l'homme, même si dans la réflexion des détours s'imposent parfois précisément pour découvrir cette proximité. Cette proximité de la philosophie est quelquefois affirmée très expressément lorsque l'on s'efforce d'en définir avec précision le champ d'application. A l'instar d'un certain nombre de centres aux États-Unis, où, concernant un domaine d'étude déterminé, l'économie par exemple, on fait appel à un moraliste pour chercher à favoriser une approche, une perception différente de la matière, on s'est efforcé aux Pays-Bas également, ces derniers temps, de charger des philosophes de missions spéciales, y compris dans les entreprises. Cette mission est généralement double: logique et éthique. La tâche logique du philosophe peut consister à révéler les postulats - généralement sous-jacents - qui sous-tendent les délibérations et les options politiques. Cela peut clarifier beaucoup de choses, puisque les décideurs acquièrent ainsi une compréhension plus poussée de ce que visent leurs options politiques déclarées, ce qui les incite à approfondir la mission sociale de leur entreprise. Si cet examen logique va au-delà du petit jeu formel qui n'engage à rien, et se charge ainsi d'une signification concrète, la dimension éthique peut à son tour être abordée. Aux Pays-Bas, vu leur histoire et leur tradition réformatrice, on est particulièrement sensible aux questions, démystifiantes sur le plan des responsabilités, que peut soulever la philosophie morale. Cela ressort notamment d'une livraison récente de la revue Wijsgerig Perspectief (Perspective philosophique) consacrée aux rapports de la philosophie avec le management, où l'économistephilosophe P. Rademaker, qui travaille à la section des relations extérieures de la célèbre entreprise Philips, plaide en faveur d'une contribution plus prononcée de la démarche de la pensée philosophique
Cornelis Anthonie van Peursen (o 1920).
dans les entreprises, par exemple lorsqu'il s'agit de toutes sortes d'implications socioéconomiques de la justiceGa naar eind(1). En guise de conclusion, il écrit: ‘Un sujet pour lequel les managers pourraient consulter avec profit la philosophie est celui de l'éthique et de la responsabilité individuelle et collective au sein des organisations. La nécessité d'apporter davantage de nuances dans ce domaine est ressentie à différents niveaux au sein des organisations, et ces questions se font de plus en plus nombreuses. (...) La principale mission de la philosophie par rapport aux entreprises consiste probablement à interpréter les mouvements sociaux, grâce à quoi l'organisation ou le manager peut situer son action dans un contexte plus large’. Cette conception, qui, précédemment, avait cours presque exclusivement dans les sections de philosophie des universités, se répand de plus en plus au niveau des entreprises. En outre, nombre de revues qui s'adressent en premier lieu aux responsables et décideurs des entreprises accordent de plus en plus souvent de la place à des articles à connotation philosophique. Il ne s'agit pas toujours pour autant de considérations philosophico-morales sur la justice socio-économique ou sur les rapports socio-psychologiques au sein de l'entreprise, qui seraient supposées combattre toutes sortes d'aspects de l'aliénation. Des pro- | |
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blèmes logiques et épistémologiques afférents à des modèles d'organisation, comme ceux qu' étudie une science distincte dite théorie des systèmes, sont également examinés. Il est évident que dans ces cas-ci, on fait appel à une philosophie technique très spécialisée. L'intérêt des entreprises pour la philosophie appliquée a évidemment des répercussions sur l'étude de la philosophie aux universités, où professeurs et collaborateurs scientifiques attirent l'attention de leurs étudiants sur ces perspectives nouvelles. Les étudiants sont encouragés à renoncer à leurs projets de recherche de conception trop individualiste pour explorer en travail d'équipe des domaines nouveaux, qui visent à la fois le monde concret du travail et requièrent un esprit philosophique puissant. C.A. van Peursen (o1920), professeur émérite aux universités de Leyde et d'Amsterdam, a joué un rôle de pionnier à cet égard. Que son cours d'adieu à la Vrije Universiteit (Université libre) d'Amsterdam soit intitulé Kennis en beleid (Connaissance et politique) illustre à merveille sa préoccupation d'établir un lien étroit entre l'acte de philosopher proprement dit et une application très concrète. Jacques de Visscher (Tr. W. Devos) |
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