Septentrion. Jaargang 18
(1989)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Une gestion de l'environnement sans frontières?
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d'environnement que la Belgique et les Pays-Bas s'occasionnent mutuellement ou qui les concernent tous deux. Il y a bien sûr tout d'abord un certain nombre de problèmes qu'ils se causent mutuellement sans le vouloir: la position géographique respective des Pays-Bas et de la Belgique comporte en effet qu'en voisins, ils se provoquent mutuellement quelques nuisances. Ainsi la pollution atmosphérique, due surtout aux rejets de matières (SO2 et autres) qui concourent à la formation de pluies acides: les vents dominants soufflant du sud-ouest, une bonne part des émissions belges aboutit aux Pays-Bas. Aussi une carte des pluies acides aux Pays-Bas permet-elle immédiatement de voir ces ‘exportations’ belges: au nord-est d'Anvers, les Pays-Bas souffrent d'émissions belges; on peut déduire du rapport précité ‘Zorgen voor morgen’ que quelque 25% de l'acidification néerlandaise est imputable aux rejets belges. Cette situation se retrouve du reste presque partout en Europe; c'est ainsi que la Belgique souffre à son tour des rejets français, etc. D'ailleurs, en ce qui concerne la pollution atmosphérique, on note un autre problème encore: dans la région frontalière néerlandaise directement située au nord-est d'Anvers, on est régulièrement incommodé par les odeurs nauséabondes provenant du port d'Anvers et de la zone industrielle. La concertation à ce sujet entre les communes et provinces concernées n'a guère donné de résultats jusqu'à maintenant: même si de part et d'autre on fait preuve de la meilleure bonne volonté, on est forcé de constater qu'on ne dispose pas des compétences qui permettraient d'en arriver à des accords clairs et nets. La concertation internationale relève en effet formellement de la compétence des ministères des affaires étrangères respectifs. Tout comme la pollution atmosphérique, la pollution des eaux franchit naturellement elle aussi la frontière: par l'Escaut et la Meuse, la Belgique exporte en permanence aux Pays-Bas de grandes quantités de rejets. Bien que toutes les sources disponibles fassent apparaître un recul de la pollution de ces cours d'eau - dont une partie vient à son tour de France en Belgique -, l'‘exportation’ continue à être responsable d'une part importante de la pollution. Ce problème de l'eau se trouve du reste depuis longtemps au centre d'un débat politique entre les Pays-Bas et la Belgique: les Pays-Bas dépendent pour une part de la Meuse pour leur approvisionnement en eau. Toutefois cette eau, du fait de l'industrie et des centrales nucléaires situées tant en territoire belge que français, ne peut être rendue propre à la consommation sans un traitement poussé. De son côté, la Belgique dépend pour une part de l'accès maritime au port d'Anvers - à travers l'Escaut occidental néerlandais - pour son développement économique. Cette dépendance mutuelle est depuis des années déjà l'enjeu d'une concertation diplomatique particulièrement éprouvante autour de ce qu'il est convenu d'appeler les ‘waterverdragen’ (les conventions au sujet de l'eau): les Pays-Bas sont tout disposés à améliorer la navigabilité de l'Escaut, mais ils exigent en compensation une eau de la Meuse et de l'Escaut moins polluée. La Belgique affirme quant à elle n'être que partiellement responsable de cet état de fait et accuse la France avec laquelle les Pays-Bas sont déjà en conflit à cause de la pollution du Rhin par les mines de potasse d'Alsace... Bref, chacun renvoie la balle à un autre. Il va de soi qu'on ne peut guère influer sur la direction des vents ou le cours des rivières. Par contre, on le peut sur la pollution ainsi expor- | |
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tée. Et cette remarque vaut très certainement pour un tout autre problème d'environnement entre Pays-Bas et Belgique: les déchets de toute nature exportés, non pas involontairement mais de façon parfaitement préméditée, d'un pays vers l'autre, en l'occurrence presque exclusivement des Pays-Bas vers la Belgique. Il ressort de chiffres fournis par l'Ovam (Openbare Vlaamse Afvalstoffenmaatschappij - Société publique flamande de gestion des déchets), que les Pays-Bas, jusqu'à quelques années d'ici, a apporté par an en Flandre quelque 700 000 tonnes de déchets - on ne connaît pas de chiffres précis pour la Wallonie -, soit annuellement quelque 35 000 camions de 20 tonnes chacun! Il s'agissait de presque 300 000 tonnes de cendres volantes provenant des centrales thermiques au charbon, plus de 120 000 tonnes d'ordures ménagères, plus de 200 000 tonnes de scories (surtout industrielles) de combustion, et, en outre, de plus de 20 000 tonnes de déchets chimiques. Ces chiffres reposent du reste sur des estimations, les chiffres réels, incluant le transport illégal, sont bien plus élevés encore. C'est surtout dans les régions au nord (la Campine) et au sud d'Anvers (la région de la Rupel) qu'on a mis d'énormes masses de déchets néerlandais à la décharge. Une des raisons de ce trafic était la quasi-absence d'une législation efficace en Belgique, et la nonapplication des lois existantes. Ce qui nous amène du même coup à une conclusion toujours valable pour les problèmes d'environnement transfrontaliers: le pays à la législation la plus faible est toujours le dindon de la farce. Aussi peut-on imaginer pourquoi les courtiers en déchets ont maintenant découvert l'Afrique comme décharge et avec quelle célérité ils faudrait que les pays concernés réagissent à cette menace. D'ailleurs la législation belge en matière de déchets à été convenablement renforcée depuisGa naar eind(4). Il n'empêche que, primo, quelque 25 000 tonnes de déchets chimiques néerlandais sont évacuées par an en toute légalité vers la BelgiqueGa naar eind(5); que, secundo, des transports illégaux ont encore lieu très régulièrement, dont seule une petite partie sont mis au jour. Et, tertio, se présente ici un problème qui ne peut que s'aggraver après 1992: si l'ouverture des frontières internes à l'Europe est une bonne chose, pour ce type de problèmes d'environnement elle n'est rien moins qu'idéale. Mais la fermeture des frontières aux déchets est juridiquement presque impossible et de surcroît quasiment irréalisable dans la pratique. Mais avec cela la liste des problèmes transfrontaliers d'environnement entre les Pays-Bas et la Belgique est encore loin d'être épuisée: c'est ainsi qu'il y a encore la nuisance d'un terrain d'aviation situé près de la frontière au Limbourg néerlandais; c'est ainsi qu'il y a encore les risques liés aux centrales nucléaires belges près de la frontière; c'est ainsi qu'il y a encore la conception très différente que les deux pays ont de leur gestion des réserves naturelles transfrontalières et de l'environnement géographique de celles-ci. Toutefois, les lignes qui précèdent n'entendent pas seulement dénoncer les problèmes qui se posent, elles veulent aussi et surtout en brosser l'arrière-plan et indiquer quels obstacles s'opposent à une solution satisfaisante. Il y a naturellement d'abord les grands intérêts économiques: parce que dans ce domaine aussi charité bien ordonnée commence par soi-même, chaque pays veut en premier lieu préserver sa propre économie. Le développement de l'industrie propre, de l'approvisionnement énergétique propre, de l'agriculture propre, etc. prend le | |
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pas sur les exigences écologiques du pays voisin. Les Pays-Bas peuvent bien accorder une grande importance à la qualité des eaux du Rhin, de l'Escaut et de la Meuse, pour la France, l'Allemagne occidentale et la Belgique, ces fleuves sont d'abord importants en tant que facteurs d'implantation et de production pour l'industrie. En second lieu, quand des pays sont décidés à s'attaquer aux problèmes écologiques transfrontaliers, un certain nombre de problèmes politiques surgissent de surcroît: chaque pays dispose en effet de sa propre répartition traditionnelle des compétences, non seulement entre les différents ministères mais aussi entre les différentes strates administratives. C'est ainsi, en ce qui concerne les Pays-Bas, que le Ministère des Transports et des Voies routières et navigables est responsable de la gestion de la qualité des eaux, alors que le Ministère de l'Environnement est compétent en matière de pollution atmosphérique, d'exportation de déchets, etc. Cela ne simplifie pas la coordination. Sur ce point, la Belgique a pour sa part à son tour des problèmes tout à fait différents: du fait de la régionalisation, un certain nombre de compétences en matière d'environnement ont été transférées aux régions, et d'autres sont restées nationales, alors que sur le plan formel, c'est le Ministère des Affaires étrangères qui est responsable de la concertation internationale. Bref, les différences de structure politique et administrative non plus ne viennent pas simplifier la prise en main des problèmes d'environnement transfrontaliers. En troisième lieu vient encore s'ajouter la législation souvent très divergente, résultante des différences économiques et politiques énumérées ci-dessus. Ce que nous avons illustré ci-dessus, à partir des problèmes d'environnement entre Belgique et Pays-Bas, se répète, comme nous l'avons dit entre des dizaines d'autres pays (voisins), tant sur le plan bilatéral que multilatéral. En tout état de cause, cela doit suffire à démontrer quel défi la défense de l'environnement posera après 1992. Aussi la crainte d'un certain nombre de spécialistes de l'écologie que la politique de l'environnement soit surtout déterminée par les pays qui, pour quelque raison que ce soit, font preuve de la plus grande mollesse dans ce domaine, ne paraît-elle pas tout à fait dénuée de fondement.
PIETER LEROY
Professeur associé à l'Université catholique de Nijmegen. Adresse: Weezenhof 68-13, NL-6536 BL Nijmegen.
Traduit du néerlandais par Jacques Fermaut. |
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